Dans tout système social, la tension entre d’une part les managers de la violence année, qui à ce titre participent de l’essence étatique, et d’autre part les autorités politiques responsables de l’administration de l’Etat, est presque toujours accentuée par l’évolution contrastée des valeurs dont procèdent la société et le corps militaire. Rarement synchiones en effet, ces normes ainsi que les comportements et les solidarités qu’elles induisent, apparaissent du côte des armes en avance ou bien en retard par rapport à l’ensemble social parent. La France n’échappe pas à cette tendance quand elle n’en est pas l’illustration meme, où de manière continue, les forces armées ont servi de refuge aux tenants de principes plus ou moins en opposition aux pouvoirs publics et à la société. Ainsi, par exemple, les troupes royales sous I’Ancicn Régime passent-elles pour le lieu d’accueil privilégié d’une noblesse souvent nostalgique du moyen-âge et des modes féodaux d’organisation sociale. Sans imaginer remettre en cause la légitimité capétienne, elles se démarquaient cependant plus ou moins consciemment de l’effort de construction de l’Etat moderne entrepris par la monarchie. Au contraire, à la suite de la Révolution et pendant la première moitié du XIXe siècle, l’armcc est considérée sous l’Empire et plus encore sous la Restauration et la Monarchie de Juillet comme regrettant confusément les principes républicains avec d’ailleurs les possibilités de promotions rapides qu’ils impliquaient : le souci de la police de surveiller les officiers comme autant de conspirateurs potentiels montre qu’à l’époque ils faisaient figure de menace pour l’ordre établi. Par un revirement caractéristique, l’institution militaire s’affirme et se perçoit sous le Second Empire et la Troisième République comme plus conservatrice, refuge pour des officiers d’origine aristocratique ou se prétendant tels, qui y voient une façon de servir la France sans se compromettre avec le régime politique. Après la Seconde Guerre mondiale, cl avec l’avènement progressif d’un assez large consensus dans la société française autour de quelques valeurs politiques, économiques et sociales, le rôle de l’armée comme site d’opposition au nom d’idées autrefois en honneur et désormais contestées, s’atténue. Elle n’en demeure pas moins un espace où un certain nombre de principes tels que la défense de la nation et l’esprit de sacrifice, se trouvent préserves.