Cet article explore, à travers le paradigme de la traduction, la mise en scène des interactions sociales dans Playtime de Jacques Tati (1967), Kontakthof de Pina Bausch (1978-2000-2008) et Reconstitutions d’Édouard Levé (1998-2003). Chacune de ces oeuvres témoigne du désir de traduire le social en esthétique : il s’agit de dire l’ordinaire des jeux de distance et de proximité entre les corps, par le cinéma, la danse ou la photographie. Ce geste de traduction emprunte à la logique de la re-présentation qui réifie le social, mais il ne peut s’y réduire. Car la traduction vise aussi à reconduire, sur la scène de l’art, la dynamique du lien en tant qu’adresse faite à l’autre, au risque de son échec. Penser le geste artistique comme traduction permet d’être sensible au devenir chorégraphique des situations sociales, autant qu’à la socialité qui anime des oeuvres qui nous émeuvent ou nous indiffèrent.