scholarly journals Des nouvelles figures de l’altérité à une mythopoïèse pour un monde-sans-nous

2021 ◽  
Vol 4 (40) ◽  
Author(s):  
Denis Moreau

Contrairement au fantastique antérieur, le fantastique lovecraftien fournit de nombreux exemples d’objectivation d’une chose impensable, dont la factualité matérielle apparaît aisément comme un acmé fictionnel assurant la puissance expressive d’un fantastique en perpétuelle recherche de nouvelles figures de l’altérité et de la monstruosité. Un texte comme « La Maison maudite » semble, dans cette perspective, particulièrement intéressant, dans la mesure où ce récit met en évidence une volonté clairement affichée de renouveler le récit d’horreur, en jouant notamment avec ses formules stétéotypées de l’esthétique gothique et, ce faisant, en proposant un traitement inédit de thèmes fantastiques traditionnels. La monstruosité devient donc ici un fait linguistique, dans le sens où elle dépasse les pouvoirs descriptifs du langage. Mais cette monstruosité dépasse aussi et surtout les limites de la pensée humaine. La démarche transformationnelle du fantastique lovecraftien trouve ainsi sa pleine expression dans l’élaboration d’une mythopoïèse s’articulant autour d’entités gigantesques et non anthropomorphes, et pouvant s’apparenter à la création d’un mythe de séparation, révélateur d’une totale non-adéquation entre l’humain et le monde, ainsi que d’une menace monstrueuse et d’une confrontation sans appel à la pensée d’un « monde-sans-nous » (pour reprendre la terminologie d’Eugene Thacker).

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