Résumé
Le droit social, forme juridique prise en France par l'État-providence, est apparu lors de sa fondation comme une alternative globale aux impasses du droit issu de la Révolution. Dans un contexte de développement de la société industrielle, les principes individualistes, égalitaires et consensualistes du modèle civiliste étaient en effet inopérants pour encadrer la situation faite aux travailleurs salariés. Le droit social a entendu substituer une logique distributive à la justice commutative du contrat et de la responsabilité. Aux mécanismes interindividuels, il a préféré un cadre collectif. En lieu et place de la logique formelle et descendante du droit civil, il a imposé une prise en compte concrète et matérielle des rapports sociaux pour en dégager des normes et des institutions praticables. Mais, loin de supplanter intégralement les cadres civilistes du droit, le droit social et ses institutions d'essence solidariste ont en réalité composé avec eux : certaines techniques du droit de la responsabilité ont été maintenues à la périphérie des institutions collectives du droit social. Le droit civil a même reconquis peu à peu une partie du terrain perdu au fur et à mesure qu'il se perfectionnait en liaison avec l'évolution de la société. Cette reconquête permet, en dernière analyse, de mieux saisir la place et la nature exactes du droit social au sein du système juridique français.