L’article examine la place respective tenue par le plaisir et la nécessité, et leur articulation au fil du temps, à partir d’un corpus de conseils d’économie domestique de 1200 pages, issu de la presse féminine française et américaine (Modes et Travaux et Good Housekeeping) entre 1934 et 2010. Partant d’un examen des termes employés pour indiquer d’une part le plaisir, d’autre part la nécessité, il montre les évolutions, à la fois dans la place tenue par le plaisir et par la nécessité, et dans les domaines où l’un et l’autre s’expriment (passage des contraintes liées au budget et à la satisfaction de besoins alimentaires de base à des injonctions diététiques et individualistes ensuite). S’inscrivant dans les analyses de N. Elias dans La civilisation des moeurs et La dynamique de l’Occident, l’article met en évidence que l’expression de la nécessité et la place laissée au plaisir témoignent d’un travail de civilisation, dans lequel la contrainte implicite devient autocontrainte. L’article montre que le plaisir, plus récemment affirmé et mis en valeur, ne s’effectue jamais sans son articulation à la nécessité : un hédonisme, sans doute, mais contraint.