RésuméComment analyser la montée de ces nouveaux mouvements de travailleurs que représentent les mobilisations des travailleurs informels et précaires, où les femmes tiennent une place importante, y compris en termes deleadership ? Les approches traditionnelles en sociologie et en relations industrielles évoquent une montée des identités sociales par rapport aux identités professionnelles, comme s’il s’agissait de la montée d’intérêts spécifiques. À partir d’une redéfinition ontologique du travail qu’ouvre l’approche féministe matérialiste, cet article propose une autre lecture des objets de conflictualité amenés par les mobilisations de travailleuses et de travailleurs informels.Il s’appuie, pour ce faire, sur une étude de cas effectuée dans l’économie solidaire brésilienne et sur le concept d’identité collective de Melucci. Il explore la façon dont ces nouveaux mouvements de travailleurs définissent les processus d’exploitations et de dominations à combattre et la façon dont ils mettent en pratique leurs visions du changement social.L’article met ainsi en lumière la portée émancipatrice des transformations de leur rapport au travail et souligne, à l’opposé, les réductionnismes qui animent les stratégies syndicales, en particulier quand elles prétendent défendre les droits des travailleurs en développant des coopératives compétitives. Cette approche, qui reconnaît le caractère situé des connaissances, permet de mieux saisir la portée des mobilisations dans l’économie solidaire et le pourquoi des tensions entre syndicats et travailleurs précaires et informels lors des luttes menées par ces derniers.