On étudie la présence et les avatars du « Juif errant » dans l’imaginaire créatif de Marina Tsvetaeva. Après un bref rappel de l’histoire du mythe dans la littérature européenne et russe, on le rattache aux motifs « romantiques » qui informent dès 1916 la poésie de Marina Tsvetaeva (errance, nuit, tempêtes, solitude, révolte, malédiction, etc.) En 1919, le « Juif errant » apparaît, dans les pièces Une aventure et Le Phénix, sous les traits de Casanova, « Agasfer de l’amour », paladin de l’Arioste, voyageur qui se guide aux étoiles, vieux magicien infiniment réincarné, désigné comme le « poète » par excellence. Plus tard, en 1924, au dénouement du Poème de la fin, on retrouve le motif de la judéité comme consubstantiel de l’ « élection » du poète, de sa grandeur et malédiction. Le Juif errant est l’emblème de la conception tsvetaevienne de la poésie comme anonymat éternel, archaïque et naturel, comme langage unique qui transcende l’espace et le temps. Rien d’étonnant Le Juif errant habite l’un des travaux ultimes de Tsvetaeva, à la veille de sa mort – la traduction du « Voyage » de Baudelaire, où l’on retrouve le « Juif errant [...] À qui rien ne suffit ».