Comment des personnes avec un cancer et soignées par chimiothérapie choisissent-elles de satisfaire leur faim ? Étant donné les difficultés alimentaires rencontrées par de nombreux patients, comment leurs proches et les centres de soins en oncologie les prennent-ils en charge ? Quel est l’impact de cette gestion sur les choix alimentaires des soignés ? Pour répondre à ce questionnement, l’article proposé présente les résultats préliminaires d’une recherche anthropologique menée au Québec en 2012 et 2013 auprès de 21 femmes traitées pour un cancer gynécologique (de l’ovaire, du péritoine ou de l’endomètre) et de 10 proches sur l’expérience quotidienne d’une chimiothérapie. Il a pour objectif de prendre en compte la dimension biologique et corporelle, mais aussi le contexte social et culturel des troubles alimentaires pendant le traitement d’un cancer pour mieux en saisir l’ampleur. D’une part, sont identifiés les ressentis induits par la chimiothérapie (perte d’appétit, troubles sensoriels, fringales notamment), et leur influence sur la sensation de faim et la consommation alimentaire. D’autre part, sont analysés l’influence du personnel médical (infirmier[ère]s, nutritionnistes, pharmacien[ne]s) et le rôle de l’entourage dans les choix alimentaires des patientes et leur vécu affectif. Ils donnent à comprendre les points d’achoppement parfois problématiques dans l’observance diététique. En outre, ils permettent de saisir ce qui se joue entre les patientes et leurs proches autour de la décision alimentaire, variant selon les situations entre le choix délégué, la concertation, les cadeaux et le choix contrôlé. En définitive, entre nécessité, plaisir voire gourmandise, l’intérêt est de montrer ce que manger veut dire pendant une chimiothérapie anticancéreuse.