L’entretien sociologique organise les formes de l’expression identitaire, en plaçant l’enquêté narrant son histoire face à un interlocuteur qui occupe une position de tiers significatif. À l’appui d’entretiens réalisés auprès de femmes âgées de plus de cinquante ans, cet article questionne le statut de la parole recueillie en sondant les modalités de l’identification et de la reconnaissance de soi dans le cadre contraignant du protocole sociologique. Il met en évidence la complexité des discours, soumis aux normes temporelles socialement admises, mais aussi informés par une mémoire sélective et par le corps qui, à son tour, saisit le vif de l’identité. S’identifier revient à désigner, avec gêne ou aisance, les accomplissements de sa vie, en conformité ou non avec les injonctions sociales. Le récit produit une image identitaire instable, d’un soi à temporalité variable, défiant le sociologue dans sa pratique interprétative.