L’article analyse la représentation de l’au-delà chrétien et plus spécialement catholique dans trois des grands romans d’Hubert Aquin : L’invention de la mort, Trou de mémoire et Prochain épisode. Cette représentation, nourrie par la solide culture religieuse (Bible, dogmes, liturgie) d’un écrivain qui fut notamment l’élève des jésuites, n’est pas fidèle à ses sources. Au contraire, s’inversant en contre-eschatologie, elle contredit systématiquement le discours de l’Église. Et selon deux procédés : le rejet pur et simple des grands dogmes ou événements bibliques souvent présentés de manière blasphématoire; le détournement du sens des grands symboles attachés à la figure du Christ dans la Bible (la Transfiguration) et la liturgie (la transsubstantiation). L’invention de la mort où le héros se suicide théâtralement et où la mort du Christ est présentée comme un suicide recourt aux deux procédés, tandis que les deux autres romans, centrés sur le mouvement indépendantiste québécois auquel Aquin a appartenu, privilégient un événement majeur dans la Passion du Christ. En l’occurrence, sa descente dans les « enfers » pour libérer les âmes des Justes, événement qui devient chez Aquin le symbole d’un Québec en attente de sa libération.