Nous avons appris à l’école que l’eau était un liquide inodore, incolore et insipide. Nous l’avons accepté parce que l’expérience empirique le confirmait et surtout parce que c’était le « prof » qui le disait. Cependant, cette affirmation, répétée sous forme de mantra, n’était qu’un infâme mensonge, clair comme l’eau de roche, au moins, sous une perspective phraseólogique. L’eau douce, l’eau salée ou l’eau de vie ont bel et bien un goût particulier. De même, l’eau de parfum, l’eau de toilette ou l’eau de Cologne sont réputées par leur fragrance. Quant à la couleur, le spectre chromatique teint les eaux de syntagmes qui vont des noms propres, e. g. la Mer Noire, le Fleuve Jaune, aux unités phraséologiques (=UP) dénominatives, e. g. le grand bleu – l’Atlantique –, la grande bleue – la Méditerranée. Dans cette communication, nous nous focaliserons sur l’étude des UP contenant simultanément une lexie chromatique et les substantifs eaux / marée, e. g. eaux noires, eaux grises, marée noire, marée rouge. Pour ce faire, nous extrairons toutes les cooccurrences présentes dans trois dictionnaires monolingues possédant un moteur de recherche: Le Petit Robert, Le Trésor de la Langue française informatisé et le Larousse. Après avoir offert une brève définition de ce que nous entendons par UP dans cette étude (§1), nous réfléchirons aux particularités de ces UP, situées entre les collocations et les locutions nominales. Elles servent à nommer un hyponyme de l’espèce indiquée par la base, mais, en même temps, détruisent l’un des sèmes inhérents à celle-ci : l’« incolorité » (§2). Nous finirons cette présentation par l’étude de cas dans lesquels convergent en une même UP un sens phraséologique traditionnel et un néologisme à haute idiomaticité (§3) – calque de l’espagnol –, e. g. marea verde (éducation), marea granate (« expatriés ») vs marée verte, marée grenat.DOI: http://dx.doi.org/10.4995/XXVColloqueAFUE.2016.3146