L’article explore les sentiers sinueux qu’emprunte Tierno Monénembo pour dire le génocide des Tutsis au Rwanda dans son roman L’aîné des orphelins. Certaines lectures antérieures sur ce roman questionnent sa pertinence comme témoignage sur une page aussi sombre de l’histoire rwandaise contemporaine du fait du manque de réalisme qui le caractériserait. Loin de se livrer à une description réaliste, le texte de Monénembo plonge le lectorat dans des versions fictives et parfois contradictoires dudit génocide. Monénembo joue ou donne à son personnage principal de jouer avec les plaies du génocide sans pour autant monter dans sa tour d’ivoire. De plus, son emploi particulier de la langue offre un aspect plaisant à la lecture de ce texte inspiré d’un évènement si dramatique tout en suscitant moult interrogations chez le lecteur capable de lire entre les lignes. En effet, Le caractère désinvolte avec lequel Faustin Nsenghimana donne ses versions dudit génocide, son désir de parader qui l’éloigne de la description percutante de la souffrance des victimes, n’exclut pourtant pas la possibilité d’une lecture politique de cet évènement. C’est de façon détournée ou de biais que Monénembo s’engage dans l’écriture de ce roman de commande pour la commission « Écrire par devoir de mémoire » sur ce génocide. Il passe de l’engagement classique à langagement, qui consiste à mettre en avant son talent d’écrivain, d’artisan de la langue avant celui de témoin ou d’historien. Ainsi, l’écrivain bien que s’inspirant de l’histoire ou écrivant sur des évènements historiques est loin de remplir la fonction d’historien.