Cœur de l'État, lieu de tension

2013 ◽  
Vol 68 (3) ◽  
pp. 697-728 ◽  
Author(s):  
Filippo De Vivo
Keyword(s):  

RésuméDepuis plusieurs années, une nouvelle tendance historiographique s’intéresse aux archives non pas comme simples réserves de documents, mais comme objets d’enquête à part entière. Certaines études analysent l’évolution de leur organisation et de leur administration, dans la mesure où s’y reflètent les présupposés politiques des institutions qui les contrôlent. Cet article prend acte de ce tournant documentaire et en offre une illustration tirée du célèbre cas de la Chancellerie vénitienne entre le XIVe et le XVIIe siècle, à un moment de fort développement de la gestion des archives. Il propose toutefois une approche plus large, replacée dans son contexte social, afin de montrer que les archives n’étaient pas seulement des instruments de pouvoir, mais aussi des lieux de conflits économiques, sociaux et politiques. Une lecture attentive fait apparaître, dans le document précis qui inspira l’image institutionnelle des archives vénitiennes comme « coeur de l’État », l’inquiétude des dirigeants patriciens concernant la fragilité de leurs archives et la fiabilité des notaires qui en avaient la charge. Cette perspective nous aide à expliquer la glorification des archives au Moyen Âge tardif et à l’époque moderne – représentation qui, dans son interprétation littérale, n’a cessé d’inspirer certaines analyses historiques, proposées encore aujourd’hui – en dévoilant les difficultés matérielles des pratiques de l’époque en matière de conservation. L’histoire des archives fait émerger un champ d’enquête prometteur, par sa capacité précise à éclairer à la fois l’histoire de l’État et le contexte social dans lequel ce dernier devait traiter.

2015 ◽  
Vol 84 (5) ◽  
pp. 271-280
Author(s):  
E. Aerts

Ce n’est que vers le milieu du XVIIe siècle que le chat s’est vu accorder une place modeste dans la sphère familiale. Malgré cette revalorisation, pour une grande majorité de la population, la vie quotidienne restait avant tout une lutte pour la survie, les chats étant l’objet de divertissements populaires cruels et d’une violence structurelle. La vraie révolution dans notre relation avec le chat n’est intervenue que récemment. L’anthropomorphisation séculaire en vertu de laquelle toutes sortes de caractéristiques humaines sont naïvement attribuées au chat, subsiste plus que jamais.


1950 ◽  
Vol 5 (1) ◽  
pp. 42-48
Author(s):  
Ph. de Vries

Jamais unités politiques indépendantes ne furent aussi étroitement liéesque l'Angleterre et les Pays-Bas au début du XVIe siècle. N'oublions pas que l'Angleterre, appelée à devenir le centre géographique du monde après la découverte de l'Amérique, n'était, au moyen âge, qu'un pays excentrique dont la voix ne comptait guère dans le concert européen. Son conflit avec la France durant la guerre de Cent ans s'est déroulée sur un plan plus ou moins provincial. Le royaume noble, que glorifiera Shakespeare, n'était un siècle avant la naissance du poète qu'une poor relation de la famille européenne. Économie oblige : le plus important de ses articles d'exportation, le drap, devait être envoyé en Flandres pour arriver à son état de produit fini, l'Angleterre manquant d'organisation technique et économique pour fonder une industrie textile complète et indépendante.


2018 ◽  
Vol 5 (1) ◽  
pp. 7-18
Author(s):  
Devika Vijayan
Keyword(s):  

La rédaction des relations de voyage confère un nouveau statut au voyageur, celui de l’écrivain. Cette conception nouvelle met au jour une opposition entre l’écrivain-voyageur et le voyageur-écrivain. À l’un reviendrait les compétences de l’écriture, une vision de l’ailleurs qui s’offre par la médiation de l’artifice littéraire. L’autre note souvent ses perceptions immédiates dans un style simple. Mais que dire des voyageurs qui ne savent ni lire ni écrire? L’étude de Grégoire Holtz démontre que la période « entre le Moyen-Âge jusqu’à la fin du XVIIe siècle, est une période particulièrement fertile pour la composition des récits de voyage à quatre mains » (Holtz 300). Nous analyserons le cas spécifique de François Pyrard de Laval et celui de Jean Thévenot, deux voyageurs qui s’embarquent vers les Indes orientales au XVIIe siècle. Pyrard est natif d’une famille de marchands de Laval et il est à la limite de l’analphabétisme. Jean Thévenot, quant à lui, est bien éduqué, mais comme il est mort sur le chemin de retour, c’est son frère qui achève la deuxième partie de ses Voyages. Quelles qu’en soient les raisons, l’appel à un rédacteur pour écrire le voyage semble très répandu et la grande constante de cette forme d’écriture est l’effacement du rédacteur derrière la figure du voyageur. Nous examinerons le rôle de ces deux copistes : Pierre Bergeron et Bonaventure Thévenot. S’agit-il de simples scribes ou bien des rédacteurs qui ont profondément modifié le récit du voyageur pour satisfaire aux attentes du public?


2017 ◽  
Vol 11 ◽  
pp. 22
Author(s):  
Démètre Yannou

L a légende d'Orphée a eu un retentissement particulier dans la musique et dans la pensée musicale des temps modernes. Grâce à la transmission de la légende à travers la littérature et la théorie de la musique du Moyen Âge, le personnage d'Orphée se présente, surtout pendant le XVe, le XVIe et le XVIIe siècle, comme allégorie de la musique à laquelle se réfère aussi bien la musique que la théorie de la musique. Pour la théorie de la musique, la légende d'Orphée s'inscrit dans la tradition de la doctrine des effectus musices. Dans ce cadre, la légende, de même que tous les mythes antiques se référant aux effets de la musique, a une double fonction au début des temps modernes. La première est de livrer des exemples attestant la théorie. Ces exemples subissent un examen critique qui va de la réfutation des faits racontés jusqu'à leur interprétation au moyen de forces naturelles. La deuxième fonction est de fournir des points de repère pour la conception de la réalité musicale de l'époque. Cette fonction concerne le public des milieux de la vie musicale de la Renaissance et du début du XVIIe siècle et elle se manifeste plutôt dans l'historiographie galante que dans la théorie de la musique . proprement dite. Pour la création musicale, le personnage d'Orphée représente d'un côté l'allégorie de la force de l'homme, et de l'autre, à travers la dramatisation de la légende, la force de la musique et plus spécialement du chant — champ d'expression par excellence de l'opéra naissant. «A partir du XVIIIe siècle, avec la naissance de l'acoustique moderne, la référence aux légendes de l'Antiquité disparaît de la théorie de la musique. Par contre, dans la création musicale, la légende d'Orphée continue de susciter l'intérêt des compositeurs jusqu' à la fin du XXe siècle. Néanmoins, la place des premières œuvres musicales inspirées par cette légende au début des temps modernes reste unique dans l'histoire de la musique, parce que ces œuvres s'inscrivent dans une époque pour laquelle la référence aux légendes musicales de l'Antiquité constituait un lieu de convergence de la théorie de la musique, de la création musicale et de la conception que les contemporains eux-mêmes se formaient de la réalité musicale de leur temps.


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