scholarly journals Numéro 60 - juin 2008

Author(s):  
Axel Gautier
Keyword(s):  
Il Y A ◽  

En 2011, le marché postal sera entièrement libéralisé. Le service universel sera-t-il maintenu ? Comment sera-t-il financé ? Dans ce numéro de Regards économiques, nous abordons la question du financement du service universel postal dans un environnement concurrentiel. Dans le secteur postal, l’Etat impose de nombreuses obligations de service universel (SU). Celles-ci se définissent selon trois axes : 1. le périmètre du SU : les produits concernés par le service universel sont le courrier de moins de 2kg et les colis de moins de 10 kg. 2. la qualité du service : elle se mesure par différents paramètres : la fréquence des collectes, la fréquence de la distribution, l’accessibilité des points de collecte et de contact et les délais d’acheminement. 3. les contraintes en termes de prix : les prix de certains produits sont régulés; certains produits sont soumis à l’obligation de tarif uniforme. Longtemps le secteur postal s’est organisé sous forme de monopoles nationaux. Dans ce cas, le service universel est autofinancé aux moyens de subsides croisés : les produits et les services rentables financent les pertes de ceux qui ne le sont pas (la distribution journalière dans les zones rurales par exemple). Avec l’ouverture du marché à la concurrence, ce mode du financement du service universel est menacé. Les nouveaux opérateurs postaux ne sont en effet pas tenus aux mêmes obligations et peuvent se concentrer uniquement sur les segments les plus rentables du marché. Ainsi en Suède, où le marché est libéralisé depuis 1993, le principal opérateur postal alternatif ne distribue que certains types de courrier (le courrier industriel envoyé en nombre et pré-trié par l’expéditeur) sur une partie du territoire (40 % des adresses, dans les régions urbanisées principalement) et ce 2 à 3 jours par semaine. Pour le courrier égrené (la lettre) et pour la distribution de courrier dans les régions rurales, la poste suédoise reste en situation de quasi-monopole. Avec l’arrivée de concurrents sur certains segments du marché disparaît une partie des profits qui auparavant finançait le service universel. C’est le phénomène d’écrémage du marché : les concurrents ne servent que les segments les plus attractifs (la crème), laissant les segments les moins attractifs ou déficitaires à l’opérateur en charge du service universel qui ne peut pas les abandonner. Face à ce phénomène, la poste suédoise a augmenté le prix de la lettre tandis que le prix des produits pour lesquels il y a de la concurrence a diminué. Le financement du service universel dans un environnement concurrentiel doit donc être repensé. La Commission européenne a prévu plusieurs mécanismes de financement; les Etats Membres doivent maintenant choisir la solution la plus appropriée à leur marché. En Belgique, cette question revêt une importance cruciale. En effet, le marché semble particulièrement attractif pour les opérateurs concurrents en raison d’un volume élevé de courrier par habitant et de l’importance du courrier industriel. On peut donc s’attendre à une concurrence intense sur certains segments du marché et ce au bénéfice des consommateurs. Par ailleurs, les contraintes de service universel sont relativement importantes. Comme nous l’expliquons dans ce numéro de Regards économiques, la conjonction de ces deux facteurs peut s’avérer problématique. Sans doute plus que dans d’autres pays, le choix et la mise en place d’un mécanisme qui assurera le financement du service universel vont revêtir une importance capitale. Plusieurs options sont envisagées et feront l’objet de débats dans les mois et les années à venir. La re-définition des obligations de SU et notamment les contraintes en termes de prix et de tarification font partie intégrante de ce débat sur l’avenir du SU. Idéalement, le mécanisme mis en place doit assurer le financement du SU tout en ayant un impact limité sur le niveau de concurrence. Si ce n’est pas possible, il faudra faire un arbitrage entre ces deux dimensions, sous l’œil attentif de la Commission européenne qui sera particulièrement attentive à ce que les options choisies ne limitent pas (trop) la concurrence sur le marché.

2018 ◽  
Vol 37 (3) ◽  
pp. 123-137
Author(s):  
Pierre-Marc Daigneault
Keyword(s):  
Il Y A ◽  

Le postdoctorat est de plus en plus populaire auprès des doctorants et des nouveaux docteurs en science politique qui aspirent à une carrière universitaire pour laquelle il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Mais comment obtenir du financement postdoctoral et réussir son postdoctorat ? Je réponds à cette question à partir de mon expérience personnelle. Après avoir présenté les différents types de postdoctorat, je discute des « pièges » à éviter relatifs au candidat, au projet de recherche et à la demande de financement. Je conclus sur une note positive en proposant aux chercheurs postdoctoraux des objectifs ambitieux mais atteignables.


2011 ◽  
Vol 56 (4) ◽  
pp. 775-820
Author(s):  
Aline Grenon

Depuis l’entrée en vigueur de l’article 8.1 de la Loi d’interprétation, la Cour suprême du Canada a interprété à plusieurs reprises des lois fédérales qui pouvaient donner ouverture à l’application de cet article. À la lumière de ces arrêts, est-il possible de conclure que la Cour a freiné la tendance des tribunaux à adopter une interprétation donnant lieu à une application uniforme de la législation fédérale, et ce, à l’aide de concepts tirés de la common law ? Afin de répondre à cette question, les méthodes proposées par quatre auteurs relativement à l’application de l’article 8.1, afin de déceler les éléments sur lesquels il y a accord et ceux qui s’avèrent problématiques. Cet exercice permettra de mieux comprendre la teneur des arrêts rendus par la Cour suprême. Dans la deuxième partie, les décisions pertinentes de la Cour suprême du Canada feront l’objet d’une analyse : les énoncés de la Cour rejoignent-ils les méthodes proposées par les auteurs ? Est-il possible de déceler certaines tendances en ce qui concerne l’application de cet article ? Enfin, à la lumière de ces arrêts, la troisième et dernière partie présentera une réflexion sur l’état actuel du droit dans ce domaine et proposera certaines suggestions.


2010 ◽  
Vol 50 (2) ◽  
pp. 267-299
Author(s):  
Pierre Verge

Le droit de grève peut-il se réclamer de l’affirmation constitutionnelle de la liberté générale d’association présente dans l’alinéa 2 (d) de la Charte canadienne des droits et libertés ? La Cour suprême du Canada a répondu négativement à cette question il y a plus d’une vingtaine d’années, comme elle l’avait alors aussi fait dans le cas du droit à la négociation collective. Le revirement jurisprudentiel apporté par son arrêt B.C. Health Services en ce dernier cas réactualise le débat quant au droit de grève, bien que la Cour suprême ait alors affirmé ne pas en traiter. Le présent texte examine à cet effet le bien-fondé de l’argumentaire au soutien de ce refus d’accorder la protection constitutionnelle au droit de grève ; il fait aussi appel à différentes considérations qui militent positivement en faveur de la liberté de recourir à la grève à l’encontre de l’action de l’État faisant obstacle à son exercice. Il examine ensuite les effets d’une telle protection en ce qui a trait aux restrictions légales du droit de grève, d’application aussi bien générale que ponctuelle. Incomberait-il également au législateur d’accorder positivement une certaine protection à cette liberté de grève qui est à la fois antérieure, distincte et plus générale que l’actuel droit de grève prévu dans les lois canadiennes qui régissent couramment les relations collectives du travail ?


2012 ◽  
Vol 87 (2) ◽  
pp. 175-203 ◽  
Author(s):  
Bernard Decaluwé ◽  
André Lemelin ◽  
David Bahan ◽  
Nabil Annabi

Cet article présente la version statique du modèle d’équilibre général calculable (MEGC) développé pour le ministère des Finances du Québec. C’est un MEGC de grande taille, multisectoriel et birégional, du Québec et du reste du Canada. L’exposé est centré sur les taux effectifs marginaux d’imposition (TEMI) et la mobilité partielle du capital. L’objectif est de décrire une technique de modélisation qui permet d’aborder l’allocation du capital dans le cadre d’un modèle statique, bien que cette question soit fondamentalement dynamique. Les TEMI mesurent l’écart entre le taux de rendement payé aux détenteurs de capital et la valeur du produit marginal du capital. Ils synthétisent donc les multiples distorsions que peut créer la fiscalité dans les incitations touchant l’allocation des ressources. Leur utilisation devient intéressante lorsque le capital est mobile entre ses utilisations concurrentes. Dans la version statique du modèle, le capital n’est pas parfaitement mobile, comme cela serait approprié dans un modèle statique à très long terme; il est plutôt partiellement mobile entre industries et régions, la mobilité étant limitée par une borne supérieure sur la quantité de capital qui peut quitter une industrie donnée dans une région donnée. De plus, il y a dans le modèle un certain degré de mobilité internationale du capital, sous la forme d’une offre à élasticité-prix constante. Les résultats de simulation présentés montrent que le comportement du modèle est en accord avec les anticipations théoriques.


2016 ◽  
Vol 4 ◽  
Author(s):  
Jacques Quintin
Keyword(s):  
De Se ◽  
Il Y A ◽  

Le texte suivant consiste en le récit de la fin de vie de mon père, à la maison sous les soins de ma mère, et illustre quelques enjeux éthiques, familiaux, de souffrance et de sens. Ce récit permet de montrer que la maladie et la mort, loin de se réduire à un problème à résoudre, deviennent un questionnement: qui sommes-nous, que devenons-nous? Plus que tout, il y a cette question : que pouvons-nous espérer de ces expériences de vie?


2016 ◽  
Vol 1 (10) ◽  
pp. 136-155
Author(s):  
Mira Falardeau
Keyword(s):  
Il Y A ◽  

À travers six œuvres sélectionnées chez six grands artistes de la BD québécoise, choisis à chaque époque de 1900 à nos jours, cet article tente de répondre à cette question qui peut sembler ambigüe. Nous pourrons constater en regardant attentivement ces œuvres-phares qu’elles portent en elles cette double identité, québécoise et canadienne, qui les dynamise et les caractérise. Baptiste, le cocasse diplomate international d’Albéric Bourgeois (1876-1962), Onésime et les ruraux d’Albert Chartier(1912-2004), le super anti-héros loufoque Capitaine Kébec de Pierre Fournier (1949- ), le Carcajou fripon amérindien de Grozoeil (pseud. Christine Laniel (1951- ), la citadine solitaire du métro de Julie Doucet (1965- ), enfin Paul face à la société québécoise de Michel Rabagliati (1961- ), tous à leur façon sont les chantres d’une façon de voir qui nous réunit à travers nos divergences. Entre Baptiste, Onésime, Capitaine Kébec et Carcajou, il y a cette sorte d’humour complice qui est l’humour minoritaire. Quant aux alter egos de Doucet et de Rabagliati, à travers leurs fables autobiographiques, ils promènent leurs regards sur la double facette de la cité contemporaine, de l’anonymat à la solidarité, de la non-identité aux identités plurielles. 


Author(s):  
David Ephraim

Bien que les êtres humains aient subi et soufferts des traumatismes à toutes les époques et en tous lieux, l’étude scientifique à grande échelle des personnes traumatisées n’a été entamée que dans les deux dernières décennies. Notre connaissance et compréhension des besoins des personnes traumatisées se sont certainement accrues à la faveur du changement de perspective introduit par la littérature actuelle sur le thème du traumatisme (voir par exemple Herman, 1992 ; van der Kolk, McFarlane & Weisaeth, 1997 ). Les données du Rorschach peuvent être interprétées dans des perspectives différentes. Les recherches actuelles sur le traumatisme aident à nous faire mieux comprendre les réponses au Rorschach des personnes traumatisées. En retour, les données du Rorschach dans les cas de traumatisme peuvent enrichir notre compréhension théorique et clinique de la nature des états post traumatiques. Les spécialistes du Rorschach du monde entier se sont mis à évaluer des personnes traumatisées depuis de nombreuses années. Il est par conséquent pertinent de nous demander si nos présupposés habituels concernant l’évaluation de la personnalité à l’aide du Rorschach sont adéquats à l’évaluation des séquelles des expériences traumatiques. Les diverses contributions assemblées dans cette section thématique de Rorschachiana abordent ces questions en profondeur. Briere (1997 ) parmi d’autres a formulé la question de manière nuancée. D’un côté, il serait erroné d’écarter un trouble schizophrénique, affectif ou de la personnalité au motif que la personne présente une histoire traumatique. D’un autre côté, les approches traditionnelles et actuelles de l’évaluation pourraient interpréter à tort des symptômes post traumatiques intrusifs comme des manifestations psychotiques, et des réactions adaptatives au traumatisme comme de banals troubles de la personnalité. L’évaluation du traumatisme est fréquemment vécue comme une intrusion par la personne évaluée. Il y a donc un risque de la traumatiser à nouveau, ce qui exige que l’examinateur soit prudent et sensible à la souffrance de l’autre. C’est dans ce cadre que la méthode du Rorschach présente certains avantages pour l’évaluation du traumatisme en comparaison avec les entretiens structurés et les autoquestionnaires. Notamment, (a) le Rorschach permet de contourner les défenses par l’évitement et les réticences de la personne traumatisée ( Levin & Reis, 1997 ; van der Kolk & Ducey, 1989 ); (b) les méthodes projectives génèrent des données de type vécu à travers lesquelles “prennent vie” ( Lating, Zeichner & Keane, 1995 ) les symptômes et les altérations post traumatiques de la personnalité; (c) enfin, l’action des mécanismes d’ajustement et de défenses peuvent être détectés dans les réponses au Rorschach, reflétant des différences individuelles essentielles pour la planification du traitement. Les chapitres qui composent cette section thématique de Rorschachiana reflètent la contribution originale du Rorschach à l’évaluation du traumatisme. Ils montrent l’intérêt croissant des spécialistes du Rorschach de divers pays pour cette question. L’article de Judith Armstrong (Etats-Unis) traite des réactions dissociatives au Rorschach que l’on observe chez un grand nombre de patients diversement traumatisés. Sa contribution établit un lien significatif entre des données cliniques et empiriques et la théorie actuelle du traumatisme et de la dissociation. Armstrong passe en revue et illustre par des vignettes cliniques les signes de dissociation qui apparaissent dans l’examen comme dans les comportements et les réactions contre transférentielles. Ce chapitre présente également des façons d’explorer les réactions dissociatives après le test, dans le but de potentialiser les processus diagnostique et thérapeutique. Après une introduction documentée faisant le point sur la littérature actuelle concernant la transmission transgénérationnelle du traumatisme chez les enfants de survivants de l’holocauste, Ety Berant (Israël) présente une étude de cas de deux soeurs qui montre les modalités directes et indirectes de transmission du traumatisme. Tout en tenant compte de la biographie, Berant discute et compare les deux protocoles en se fondant sur les stratégies d’interprétation du Système Intégré. David Ephraim (Venezuela / Canada) discute et illustre par des cas de survivants de tortures et/ou de violences politiques quelques clés diagnostiques de victimisation extrême. Les thèmes abordés sont les suivants: perturbations cognitives associées à la symptomatologie intrusive, distinction entre les stratégies défensives d’évitement et d’anesthésie émotionnelle, changements post traumatiques de la personnalité, ainsi que l’autorégulation et la dissociation dans des cas présentant de manière concurrente des traumatismes précoces. María Cristina Gravenhorst (Argentine) présente quatre cas qui illustrent sa grande expérience dans l’utilisation du Rorschach dans l’expertise judiciaire d’enfants victimes de violences sexuelles. L’auteur propose divers indicateurs d’atteinte psychique au Rorschach, en se basant sur le système d’interprétation développé par l’Ecole Argentine, tels que: contenus symbolisant l’abus, phénomènes particuliers (par exemple, Action subie, MOR, Persévération), dominance des réponses de forme indicatives de sur-adaptation, et incapacité de répondre. Le chapitre de Patrick Sloan, Linda Arsenault et Mark Hilsenroth (Etats-Unis) présente un panorama exhaustif des résultats décrits dans la littérature portant sur les Rorschach des anciens combattants et de la population civile des Etats-Unis. Les auteurs couvrent les question de diagnostic, les effets longitudinaux de l’exposition à la guerre, et l’évolution de la symptomatologie post traumatique dans ces cas, y compris la relation entre symptômes psychologiques et physiques. Les auteurs discutent aussi des implications cliniques pour les évaluations longitudinales et le traitement du personnel militaire, et donnent des pistes pour la recherche à venir. La variété des thèmes et des populations étudiées dans ce recueil de travaux reflète la grande vitalité de notre méthode pour aborder la condition humaine. Nous espérons que la communauté internationale des spécialistes du Rorschach trouvera ces travaux utiles pour la pratique clinique et la recherche avec les personnes victimes de traumatismes.


1995 ◽  
Vol 50 (5) ◽  
pp. 1011-1043 ◽  
Author(s):  
Andrzej Łoś

J. H. D'Arms à écrit, il y a une dizaine d'années, que les grands affranchis, dans les hiérarchies municipales, étaient plutôt à côté de l'aristocratie municipale qu'au-dessous d'elle. Selon lui, la structure sociale du monde romain se présentait davantage comme un « continuum » que comme une « hiérarchie ». La thèse du chercheur américain n'a pas fait long feu2. J. H. D'Arms a pourtant eu le mérite indubitable d'essayer de renouveler les recherches sur les affranchis romains. Le milieu des anciens esclaves, comme celui des ingénus, était fort hiérarchisé. On peut les représenter graphiquement sous forme de deux pyramides, dont les sommets sont occupés par les élites. Si l'on essayait de dessiner l'axe vertical de la hiérarchie sociale et de situer nos deux pyramides sur celui-ci, tout le monde admettrait que la figure représentant les hommes de naissance libre doit se situer à un niveau considérablement plus élevé que celle qui représente les affranchis. Mais il serait beaucoup plus difficile de déterminer à quel niveau de la première pyramide on doit placer le sommet de la seconde. On pourrait dire, en simplifiant, que tout le problème de la condition sociale des affranchis trouverait sa solution dans la réponse à cette question.


Author(s):  
Vincent Bodart ◽  
David De la Croix

Contrairement à ce que certaines personnes pourraient croire, notamment certains Ministres du Gouvernement actuel, l’enjeu principal pour les finances publiques de la Belgique n’est pas d’avoir un équilibre budgétaire à court terme. Le véritable enjeu, c’est la situation des finances publiques à long terme. En effet, au cours des prochaines années, les finances de l’Etat seront mises sévèrement sous pression par le choc démographique lié au vieillissement de la population. L’ampleur de l’impact budgétaire du choc démographique est souvent mesurée par ce que les spécialistes appellent «le coût budgétaire du vieillissement». La mesure de ce coût est un problème éminemment technique, mais elle a des implications importantes sur les choix politiques. Ainsi, il y a un an, le Comité d’Etude sur le Vieillissement (CEV) estimait le coût budgétaire du vieillissement d’ici 2030 à 2,6 % du PIB dans le pire des scénarios et concluait que la baisse des charges d’intérêt sur la dette publique serait suffisante pour couvrir ce coût. Il y a quelques mois, son appréciation était nettement moins optimiste : le coût budgétaire était estimé à plus de 4 % du PIB, et une stratégie beaucoup plus active était recommandée. Ce revirement soudain dans les estimations et les recommandations du CEV montre combien une stratégie budgétaire, que certains croyaient jadis solide et adaptée, peut apparaître fragile le lendemain, notamment parce que le cadre macroéconomique a soudainement changé. Dans le dernier numéro de Regards Economiques (n°16), nous remettons en cause la stratégie budgétaire actuelle au travers de quatre questions déplaisantes. La constitution du Fonds de vieillissement garantit-elle les droits à la pension ?  Alors que le Fonds de vieillissement constitue un élément important de la stratégie du gouvernement pour affronter le choc démographique des années à venir, il ne pourra véritablement remplir la mission pour laquelle il a été créé qu'en cas de réduction accélérée de la dette publique. Ce n'est en effet que dans ce cas que le Fonds de vieillissement pourra compter sur un financement structurel et durable. En outre, sa création n'étaient pas véritablement nécéssaire pour faire face à l'impact budgétaire du vieillissement, car il s'agit simplement d'une manière particulière de réduire la dette publique. Il aurait été plus transparent de se fixer un objectif en termes de dette publique. Au delà de son inutilité de principe, le Fonds de vieillissement peut exercer un effet néfaste sur les décideurs politiques et les citoyens en leur laissant croire que le problème du vieillissement est réglé.  La réforme fiscale risque-t-elle de compromettre la situation des finances publiques à long-terme ? La réponse à cette question est moins tranchée et donne lieu à un débat entre ceux qui estiment que la réforme est préjudiciable à la réduction de la dette publique et ceux qui y voient une manière intéressante de relancer la croissance. Pour ces derniers, néanmoins, si la réforme fiscale s’effectue sans une amélioration structurelle des finances publiques, on peut craindre qu’il faille tôt ou tard faire marche arrière, sans quoi les moyens budgétaires disponibles pour couvrir le coût du vieillissement seront insuffisants. Peut-on espérer une réduction structurelle du chômage qui atténue le coût budgétaire du vieillissement ?Toutes les estimations officielles du coût du vieillissement se basent sur l’hypothèse que, d’ici 2030, le taux de chômage de l’économie belge aura spontanément diminué de moitié. L’argument évoqué repose sur une diminution de la population active couplée à un maintien du nombre d’emplois disponibles. Cette approche est particulièrement naïve et n’est conforme à aucun des modèles économiques sérieux connus actuellement. Dans le long terme, le taux de chômage dépend des caractéristiques structurelles de l’économie et non de la taille de la population active. Selon nous, rien ne permet donc de penser que le taux de chômage diminuera substantiellement au cours des prochaines années. Au contraire, il se pourrait même qu’il reste pour longtemps à son niveau actuel. La croissance économique pourrait-elle rester faible pour longtemps ? Une croissance économique élevée sur le long terme permettrait certainement à la Belgique de supporter plus facilement le coût budgétaire du vieillissement. Les projections officielles extrapolent un taux de croissance autour de 1,75 % - 2 % par an jusqu’en 2030. Rien n’exclut cependant une scénario «catastrophe» où la croissance resterait molle pour longtemps, disons autour de 1 % par an. Le vieillissement de la population pourrait en effet exercer des conséquences négatives sur le dynamisme de notre économie, et sur sa capacité à innover. En outre, d’un point de vue historique, il apparaît que les années de croissance soutenue à 2 % sont limitées à des sous-périodes précises, ce qui rend une extrapolation automatique vers 2030 hasardeuse. Selon nous, en poursuivant la stratégie actuelle, le risque est grand que les moyens budgétaires disponibles pour faire face aux différentes obligations de l’Etat soient insuffisants. Un stratégie plus crédible pour absorber le choc démographique imposera tôt ou tard aux décideurs politiques de choisir entre revoir l’âge de la retraite, baisser le niveau des pensions et augmenter les cotisations sociales – ou tout mélange de ces trois options. Il s’agit bien entendu d’un choix politique difficile. Il serait toutefois dangereux de se cacher derrière des évaluations budgétaires trop favorables ou des artifices comptables pour éviter d’effectuer les choix nécessaires.


Author(s):  
Vincent Bodart ◽  
David De la Croix

Contrairement à ce que certaines personnes pourraient croire, notamment certains Ministres du Gouvernement actuel, l’enjeu principal pour les finances publiques de la Belgique n’est pas d’avoir un équilibre budgétaire à court terme. Le véritable enjeu, c’est la situation des finances publiques à long terme. En effet, au cours des prochaines années, les finances de l’Etat seront mises sévèrement sous pression par le choc démographique lié au vieillissement de la population. L’ampleur de l’impact budgétaire du choc démographique est souvent mesurée par ce que les spécialistes appellent «le coût budgétaire du vieillissement». La mesure de ce coût est un problème éminemment technique, mais elle a des implications importantes sur les choix politiques. Ainsi, il y a un an, le Comité d’Etude sur le Vieillissement (CEV) estimait le coût budgétaire du vieillissement d’ici 2030 à 2,6 % du PIB dans le pire des scénarios et concluait que la baisse des charges d’intérêt sur la dette publique serait suffisante pour couvrir ce coût. Il y a quelques mois, son appréciation était nettement moins optimiste : le coût budgétaire était estimé à plus de 4 % du PIB, et une stratégie beaucoup plus active était recommandée. Ce revirement soudain dans les estimations et les recommandations du CEV montre combien une stratégie budgétaire, que certains croyaient jadis solide et adaptée, peut apparaître fragile le lendemain, notamment parce que le cadre macroéconomique a soudainement changé. Dans le dernier numéro de Regards Economiques (n°16), nous remettons en cause la stratégie budgétaire actuelle au travers de quatre questions déplaisantes. La constitution du Fonds de vieillissement garantit-elle les droits à la pension ?  Alors que le Fonds de vieillissement constitue un élément important de la stratégie du gouvernement pour affronter le choc démographique des années à venir, il ne pourra véritablement remplir la mission pour laquelle il a été créé qu'en cas de réduction accélérée de la dette publique. Ce n'est en effet que dans ce cas que le Fonds de vieillissement pourra compter sur un financement structurel et durable. En outre, sa création n'étaient pas véritablement nécéssaire pour faire face à l'impact budgétaire du vieillissement, car il s'agit simplement d'une manière particulière de réduire la dette publique. Il aurait été plus transparent de se fixer un objectif en termes de dette publique. Au delà de son inutilité de principe, le Fonds de vieillissement peut exercer un effet néfaste sur les décideurs politiques et les citoyens en leur laissant croire que le problème du vieillissement est réglé.  La réforme fiscale risque-t-elle de compromettre la situation des finances publiques à long-terme ? La réponse à cette question est moins tranchée et donne lieu à un débat entre ceux qui estiment que la réforme est préjudiciable à la réduction de la dette publique et ceux qui y voient une manière intéressante de relancer la croissance. Pour ces derniers, néanmoins, si la réforme fiscale s’effectue sans une amélioration structurelle des finances publiques, on peut craindre qu’il faille tôt ou tard faire marche arrière, sans quoi les moyens budgétaires disponibles pour couvrir le coût du vieillissement seront insuffisants. Peut-on espérer une réduction structurelle du chômage qui atténue le coût budgétaire du vieillissement ?Toutes les estimations officielles du coût du vieillissement se basent sur l’hypothèse que, d’ici 2030, le taux de chômage de l’économie belge aura spontanément diminué de moitié. L’argument évoqué repose sur une diminution de la population active couplée à un maintien du nombre d’emplois disponibles. Cette approche est particulièrement naïve et n’est conforme à aucun des modèles économiques sérieux connus actuellement. Dans le long terme, le taux de chômage dépend des caractéristiques structurelles de l’économie et non de la taille de la population active. Selon nous, rien ne permet donc de penser que le taux de chômage diminuera substantiellement au cours des prochaines années. Au contraire, il se pourrait même qu’il reste pour longtemps à son niveau actuel. La croissance économique pourrait-elle rester faible pour longtemps ? Une croissance économique élevée sur le long terme permettrait certainement à la Belgique de supporter plus facilement le coût budgétaire du vieillissement. Les projections officielles extrapolent un taux de croissance autour de 1,75 % - 2 % par an jusqu’en 2030. Rien n’exclut cependant une scénario «catastrophe» où la croissance resterait molle pour longtemps, disons autour de 1 % par an. Le vieillissement de la population pourrait en effet exercer des conséquences négatives sur le dynamisme de notre économie, et sur sa capacité à innover. En outre, d’un point de vue historique, il apparaît que les années de croissance soutenue à 2 % sont limitées à des sous-périodes précises, ce qui rend une extrapolation automatique vers 2030 hasardeuse. Selon nous, en poursuivant la stratégie actuelle, le risque est grand que les moyens budgétaires disponibles pour faire face aux différentes obligations de l’Etat soient insuffisants. Un stratégie plus crédible pour absorber le choc démographique imposera tôt ou tard aux décideurs politiques de choisir entre revoir l’âge de la retraite, baisser le niveau des pensions et augmenter les cotisations sociales – ou tout mélange de ces trois options. Il s’agit bien entendu d’un choix politique difficile. Il serait toutefois dangereux de se cacher derrière des évaluations budgétaires trop favorables ou des artifices comptables pour éviter d’effectuer les choix nécessaires.


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