Lorsque l'on s'interroge sur la justification morale de la contestation et de la résistance politiques illégales (sur la justification de la désobéissance civile en somme), on pose généralement ces questions en termes d'engagement politique. Selon la thèse que nous exposerons ici, une telle perspective est erronée, du moins si on comprend le concept d'engagement politique dans l'un de ses sens les plus coutumiers. D'une façon plus précise, nous dirons que tous les éléments pouvant servir à justifier moralement la désobéissance civile ne sauraient être compris dans l'extension du concept d'engagement politique, les nombreuses fois où celui-ci est défini de façon restrictive; seule une définition très compréhensive du concept en fonderait l'utilisation en ce contexte.L'article est un essai de philosophie politique. Son propos n'est donc pas de décrire ou d'expliquer des gestes ou des mouvements de désobéissance civile, ni de prédire le caractère et la fréquence des actes de contestation et de résistance politiques encore à venir; il ne vise pas davantage à déterminer la probabilité du triomphe de telles ou telles perspectives sur la justification morale de la désobéissance civile et de leurs effets sur la qualité de nos vies. Cet essai, cherche plutôt à préciser quand et comment se trouve moralement justifiée la désobéissance civile. Sans une rigoureuse attention aux faits politiques réels et possibles, nous ne croyons pas que l'on puisse répondre adéquatement à de telles questions. Toutefois et à l'inverse, nous croyons aussi que ces questions en entraînent d'autres plus générales qui, par cette généralité même, précèdent logiquement l'étude détaillée des cas particuliers.Notre argumentation se divise en quatre parties. Dans la première, nous distinguons l' « engagement politique « au sens large et au sens strict. Cette distinction nous permet ensuite de présenter l'ensemble de notre thèse: au sens strict, le concept d'engagement politique ne saurait fonder, de façon complète et logique, aucune voie de justification morale à la désobéissance civile; seule l'utilisation du concept au sens large permet de proposer une perspective satisfaisante.En seconde partie, nous voyons pourtant que certaines perspectives courantes, dans le sens d'une telle justification, ne se fondent que sur le concept défini strictement. La troisième partie constitue une analyse critique de ces perspectives. En conclusion, nous proposons la courte esquisse d'une perspective de justification morale de la désobéissance civile, en regard d'une compréhension large de l'engagement politique. Nous espérons montrer comment une telle approche corrige les défauts des précédentes (décrites et critiquées en seconde partie).