Sébastien Chabot (L’angoisse des poulets sans plumes et Le chant des mouches), Éric Dupont (La logeuse) et Christine Eddie (Les carnets de Douglas) campent une partie de l’action de leurs romans dans un Québec imaginé, dans des villages périphériques aux noms fictifs (Sainte-Souffrance, Notre-Dame-du-Cachalot et Rivière-aux-Oies). Cette « régionalité » est comparée, dans cet article, à l’étiquette attribuée entre autres aux écrivains français Richard Millet, Pierre Michon et Pierre Bergounioux. L’auteur montre que les enjeux de la représentation des régions, dans les productions québécoises abordées ici, se distinguent des enjeux de la « provincialité » souvent évoquée par la critique pour regrouper certaines productions romanesques contemporaines françaises. Si la question identitaire sociale et mémorielle (collective et individuelle) est un enjeu majeur des romans de Millet, Michon et Bergounioux, caractérisés aussi par leur registre sérieux qui en fait des « fictions critiques » (Viart), les Chabot, Dupont et Eddie font plutôt la part belle aux registres parodique (Dupont), carnavalesque (Chabot), ou encore à une tonalité « sentimentale » (Eddie), ce qui place ces romans québécois plutôt du côté de l’inventivité romanesque, en quoi ils s’apparentent davantage aux « fictions joueuses » (Blanckeman) des Jean Echenoz, Jean Rouaud, Jacques Roubaud, Antoine Volodine, etc.