Transfiguration de Jacques Brault et E. D. Blodgett (1998), et L’homme invisible/The Invisible Man (1981) de Patrice Desbiens se situent à la croisée des langues officielles canadiennes. L’un est un échange entre un poète québécois et un poète albertain ; l’autre, le récit de l’expérience entre les langues d’un protagoniste franco-ontarien. Ces textes poétiques empruntent – mais pour les détourner – les codes de l’édition bilingue. Ils ont tous deux été lus comme des parodies du bilinguisme symétrique promu par la Loi sur les langues officielles du Canada. Le présent article veut rendre compte de leur relation, à la fois idéologique et formelle, avec le bilinguisme officiel et avec les pratiques traductionnelles qui lui sont associées. Il s’intéresse autant au cadre commun que le bilinguisme officiel leur procure qu’aux manières, divergentes, dont il s’en démarque. En ce sens, il propose un comparatisme portant non seulement sur les imaginaires respectifs de l’anglais et du français au Canada et sur leurs zones de contact, mais surtout sur les enjeux des différents types de rapports à la traduction émanant de telles zones. D’une tension entre deux espaces sociolinguistiques à la fois séparés et en interaction, il invite à déplacer le regard vers l’hétérogénéité de leurs lieux de rencontre les plus intenses.