Résumé
Ce qui est en marche en France du XVIIe au XVIIIe siècle, c’est le processus en quelque sorte irréversible de l’émancipation de l’homme, par la conquête de la liberté intérieure avec Descartes et son cogito, puis par la conquête de la liberté politique avec la révolution de 1789. Mais c’est en Allemagne avec Marx, Nietzsche et Freud que cette centration excessive de l’homme sur lui-même va se voir profondément mise en question. Le culte ainsi rendu à la raison humaine a en effet conduit à un développement des techniques et des sciences qui a permis à l’être humain de s’arracher de manière progressive à l’ordre de la nature, comme le montrent ces grands critiques de la technique moderne que sont Martin Heidegger en Allemagne et Jacques Ellul en France. A l’individualisme qui s’est largement répandu dans les sociétés démocratiques s’oppose dans la philosophie franco-allemande du XXe siècle l’accent mis sur la nécessité pour l’être humain d’être en rapport avec ses semblables, comme le montrent les œuvres de trois philosophes français, Sartre, Merleau-Ponty et Levinas, qui se fondent tous trois sur l’œuvre fondatrice du philosophe allemand Edmund Husserl. C’est à partir de là que l’on peut voir apparaître une nouvelle et paradoxale image du sacré, comme en atteste en Allemagne la poésie de Hölderlin et en France la pensée de Levinas. La perspective anthropocentriste qui a guidé le développement de l’homme occidental depuis la Renaissance se voit ainsi radicalement mise en question. Le dialogue franco-allemand qui a marqué le développement de la pensée philosophique doit par conséquent aujourd’hui s’ouvrir à des influences plus lointaines, à la fois occidentales et orientales, qui sont celles des penseurs écologiques du XIXe siècle et du début du XXe siècle.