scholarly journals Pedagogia e utopia: sempre!

Revista TEIAS ◽  
2021 ◽  
Vol 22 (67) ◽  
pp. 355-361
Author(s):  
Jean Houssaye

Jean Houssaye, auteur de nombreux ouvrages dont Le triangle pédagogique et Quinze pédagogues, note que nous sommes dans une période en panne d’espoir mais pour autant, devons-nous baisser les bras? A l’image de Paulo Freire, il revendique l’image du pédagogue engagé dans la cité, porteur de valeurs civiques et démocratiques. Pédagogie et politique sont liées, mais que peut le pédagogue sans un engagement du politique sur l’éducation? Il semble que le pédagogue soit condamné à l’utopie: condamné à être insatisfait, critique par rapport aux pratiques dominantes dans sa volonté d’émancipation. Elle donne vie à l’espérance. Quelle(s) utopie(s) revendiquer et mettre en œuvre ? Il y a un siècle, l'égalité était l'utopie porteuse qui a mené, dans un premier temps, à l'école primaire pour tous. Égalité des chances ou égalité des résultats ? Il ne suffit pas d'ouvrir à tous les portes de l'école (égalité des chances) si on ne combat pas les causes d'inégalité de résultats. Jean Houssaye propose une pédagogie de la fraternité en se référant aux propositions de Dewey dans Démocratie et éducation qui pose les enjeux de l'école. Dans sa forme actuelle, l'école se caractérise par le formalisme, l'individualisme, l'intellectualisme, la déresponsabilisation scolaire et sociale. En fait, si les valeurs sont la compétition, la sélection, l'individualisme, la fraternité risque fort d'être au service de ces valeurs et en contradiction avec le but visé, car la fraternité vise l'autonomie et la socialisation: une façon de vivre ensemble à l'école, des pratiques sociales qui s'apprennent et s'éprouvent pour faire société. C'est à cette condition que la fraternité se conjugue avec la démocratie.

1974 ◽  
Vol 29 (2) ◽  
pp. 315-335 ◽  
Author(s):  
Emily R. Coleman

Grâce aux médiévistes de ces dernières générations, nous comprenons mieux aujourd'hui les institutions politiques et agraires du Haut Moyen Age, leur ingéniosité, leurs possibilités, et l'idée d'un Haut Moyen Age dynamique s'impose À nous. Nous apprenons À reconnaître et À mesurer les difficultés du lent glissement d'une civilisation À une autre. Et pourtant, au moins dans un sens, l'expression d’ « âge obscur » reste À l'ordre du jour comme il y a cent ans. En effet, malgré tous les progrès de la recherche historique, À la fois dans ses méthodes et dans son mode de perception, ses perspectives, l'histoire sociale de cette période reste fondamentalement mystérieuse. Nous sommes bien renseignés sur les factions politiques qui divisent l'aristocratie et sur la vie agraire du IXe siècle, mais bien peu d'auteurs se sont attachés à la veritable cellule de base de cette société, la famille paysanne. Nous ne traiterons ici, essentiellement, qu'un seul aspect de la vie paysanne, très largement négligé jusqu'À présent par les historiens, et qui semble pourtant jouer un rôle important dans l'évolution sociale du Haut Moyen Age : les aspects économiques et sociaux de la limitation des naissances dans la population servile.


2006 ◽  
Vol 6 (2) ◽  
pp. 71-78
Author(s):  
Viateur Bergeron
Keyword(s):  

En cette année internationale des handicapés (physiques et mentaux), il y a certes lieu de s’interroger sur les droits de ceux qui souffrent dans leur esprit, quelle qu’en soit la cause ou l’origine. D’ailleurs, nous sommes portés à croire que les plus oubliés sont une fois de plus les handicapés mentaux. Cela fait partie intégrante d’une mentalité toujours existante qui fait en sorte qu’on oublie ou que l’on veut oublier les malades et déficients mentaux. En un mot le fou fait peur. Tous ceux qui donnent à croire que leur esprit est atteint sont relégués aux oubliettes si possible. Nous en voulons comme témoignage récent le fait que l’Institut International de Droit d’Expression Française qui tenait son quatorzième Congrès international de cinq jours à Montréal, Ottawa et Québec en septembre 1981, n’en a discuté qu’en passant et de façon marginale, malgré que le thème du Congrès était « Mécanismes juridiques de protection des droits de la personne » et tout cela durant l’année internationale des handicapés.


2009 ◽  
Vol 41 (1) ◽  
pp. 159-176 ◽  
Author(s):  
Eugène Enriquez
Keyword(s):  

RésuméCe texte a pour but d’analyser les relations qu’entretiennent l’individu et l’État avec le pouvoir. Dans l’introduction, l’auteur explique les raisons personnelles pour lesquelles le problème du pouvoir l’a toujours passionné. Il se penche ensuite sur le rôle du sujet : est-il en train de mourir ou est-il bien vivant ? Après une période où le sujet avait disparu des écrits des philosophes et des sociologues, il fait un retour en force. Toutefois, on peut se demander si tout un chacun a la volonté d’être un homme debout allant vers l’autonomie ou si une grande majorité des individus n’opte pas au contraire pour le conformisme. Les deux positions sont examinées et amènent à conclure qu’il n’y a pas de différences d’essence entre les premiers et les seconds. Seules les circonstances extrêmes permettent de savoir si quelqu’un peut résister ou préfère se soumettre. De plus, on se rend compte que tout individu, même celui qui paraît le plus intégré et le plus passif, a des possibilités d’exprimer sa puissance d’agir.Quant à l’État, il n’est pas devenu « modeste » et l’auxiliaire passif des grandes firmes multinationales qui confisqueraient le pouvoir réel, suivant une thèse qui a eu une grande diffusion il y a 10 ans. Malgré ou à cause même de ses faiblesses, l’État-nation continue à être l’acteur principal de la scène mondiale. L’auteur pense que nous sommes en présence d’une volonté de renforcer l’identité nationale, d’où un renouveau des nationalismes. Que peut faire le sujet, dans ces conditions ? Peu de chose, sauf s’il participe à un mouvement collectif. Néanmoins, s’il ne veut pas disparaître, il doit, comme le disait Spinoza, « persévérer dans son être ».


Author(s):  
Grégory Chatonsky
Keyword(s):  

Les oeuvres dites numériques sont paradoxales et leur description reste un pari difficile à tenir. Elles mettent en jeu des tensions, des différends qui déstabilisent nos habitudes esthétiques. Certains concepts développés par Bergson, et déplacés par nous selon une méthode anachronique peuvent-ils nous permettre de mieux cerner certains régimes de l’interactivité? Le premier fil est celui qui relie le corps à l’action selon une pensée instrumentale singulière au regard de la tradition aristotélicienne. Avec Bergson, la perception n’est pas un phénomène passif, elle est bien au contraire liée à l’action. Percevoir c’est déjà s’engager dans le monde, dans le possible et l’image. Deuxièmement, cette instrumentalité n’est pas déterministe. Il y a un décalage entre les causes et les effets lié à l’intervalle même que nous sommes. La diachronie est un élément constitutif de la perception et de l’action. Enfin, la notion de centre d’indétermination qui définit le vivant n’est-elle pas au coeur d’une esthétique bergsonienne de l’interactivité?


Author(s):  
G Ador ◽  
G Moynier
Keyword(s):  

Ayant acquis la certitude, par notre récente enquête, que la réunion d'une Conférence internationale des Sociétés de la Croix-Rouge à Genève, en 1884, aurait l'agrément de la grande majorité des Comités centraux, et qu'elle est vivement désirée par plusieurs d'entre eux, nous n'hésitons plus à la convoquer. Autant nous estimions devoir être circonspects à cet égard, il y a quelques semaines, autant nous sommes disposés aujourd'hui à prendre cette initiative, puisque nous sommes assurés du concours de la plupart de ceux que nous avons consultés.


2010 ◽  
Vol 33 (1) ◽  
pp. 3
Author(s):  
Sagar Dugani ◽  
Stephan Ong Tone

L’Association des cliniciens-chercheurs en formation du Canada – the Clinician Investigator Trainee Association of Canada (ACCFC-CITAC) est une organisation nationale composée de MD+ en formation, inscrits dans un programme MD/MSc, MD/PhD ou clinicien-chercheur (PCC) à travers le Canada. Depuis sa création il y a moins de trois ans, l’ACCFC-CITAC est devenue une organisation bien établie comptant plus de 200 membres appartenant à quinze institutions académiques. La mission de l’ACCFC-CITAC est d’organiser et de promouvoir des activités qui soutiennent les cliniciens-chercheurs en formation au Canada, dans l’intention d’améliorer les opportunités de carrières académiques et post-graduées, d’augmenter la visibilité institutionnelle et publique des programmes cliniciens-chercheurs et de développer une base de donnée accessible à l’échelle nationale, des étudiants et des programmes en développement. L’ACCFC-CITAC vise également à améliorer les conditions des cliniciens-chercheurs en début de carrière, dans le but d’élargir et de faire progresser les initiatives de recherche novatrices à l’intérieur du Canada. Au cours de son développement, l’ACCFC-CITAC a pu compter sur le mentorat et les conseils de la Société canadienne de recherche clinique (SCRC). Les relations en pleine croissance entre l’ACCFC-CITAC et la SCRC ont permis, à travers une nouvelle collaboration, la création d’une opportunité innovatrice pour les cliniciens-chercheurs en formation, soit la mise sur pied d’une section dédiée (Section étudiante) dans le journal officiel de la SCRC, le « Clinical and Investigative Medicine (CIM) Journal ». En tant que forum par lequel des travaux portant sur divers sujets seront partagés, la Section étudiante du CIM constituera une belle opportunité en rapport au développement professionnel. Les étudiants en formation au sein des programmes MD+ représentent la prochaine génération de cliniciens-chercheurs qui seront appelés à intégrer la recherche dans des domaines de pointe au sein de leur pratique ainsi que dans les soins aux patients. Ces deux professions exigent d’excellentes habiletés de communication et c’est donc par le biais de la Section étudiante du CIM que les étudiants MD+, leurs superviseurs ainsi que les responsables de programmes MD+ seront en mesure de mettre en valeur des sujets touchant les étudiants MD+ tels que le mentorat, l’enseignement académique, la planification financière et le développement professionnel. En plus d’articles soulignant les activités de recherche des étudiants, la Section étudiante mettra en valeur des travaux cliniques, des articles de synthèse, des résumés de thèses, des comptes-rendus de livres ainsi que des lettres d’opinion. L’orientation de cette section complémentera l’orientation actuelle de la revue CIM qui met à l’avant-plan les articles originaux et les sujets d’intérêts à la SCRC. Il est donc tout à fait pertinent de mettre en place une Section étudiante dédiée à des sujets qui émergent rapidement au cours de la formation d’un clinicien-chercheur. Étant donné que les programmes MD+ se répandent à travers le monde, la Section étudiante favorisera la mise en place d’un forum international encadrant la formation des MD+. En augmentant la portée internationale de la revue CIM par le biais du site web de l’ACCFC-CITAC, nous souhaitons inciter les étudiants MD+, les responsables des programmes, les instances universitaires et autres leaders de l’éducation à s’impliquer et prendre position sur des questions importantes sur le plan national et international. Comme les cliniciens-chercheurs en formation seront responsables de surveiller le processus d’édition et de révision par les pairs de la Section étudiante, nous prévoyons que cela ouvre la voie vers la consolidation des collaborations entre les cliniciens-chercheurs en formation sur notre comité de rédaction, les chercheurs juniors et les professeurs séniors, tout en apportant une expérience éditoriale critique aux membres du comité. Notre équipe d’éditeurs s’assurera que les articles soient révisés de façon équitable et convenable, en respectant la nécessité de publier rapidement les articles de pertinence immédiate. Nous encourageons tous les MD+ en formation à participer au processus d’édition et/ou de révision par les pairs. Des détails additionnels sont disponibles sur notre site internet à l’adresse suivante: http://www.citac-accfc.org/portal/ En tant qu’étudiants MD+, nous sommes optimistes quant à l’avenir des sciences fondamentales et de la recherche clinique. Les temps actuels sont stimulants pour les étudiants MD+ et nous avons bon espoir que la création de la Section étudiante promouvra de surcroît cette expérience. Nous vous encourageons fortement à publier vos travaux de recherche dans la Section étudiante et ainsi prendre part à une communauté émergente d’étudiants MD+ intéressés par les enjeux du domaine de la santé qui nous affectent, peu importe notre lieu géographique, notre culture ou notre origine. Nous attendons donc vos articles.


1934 ◽  
Vol 5 (2) ◽  
pp. 197-208
Author(s):  
Amé Wibail

Avant de passer en revue la situation de l’industrie sidérurgique belge au cours de l’année 1933, il nous paraît intéressant de revoir certains aspects de son évolution générale depuis la guerre et de rattacher en même temps cette période aux quelque dix années qui l’ont précédée. Un graphique qui résume cette évolution servira de base à notre aperçu; il est divisé en quatre parties, l’une relative à la production, l’autre à la consommation de matières premières et enfin, les deux dernières, à la productivité. Dans la première partie les productions belge et luxembourgeoise de fonte et d’acier sont comparées à la production mondiale; les lignes de pourcentage sont dessinées en dessous.Au point de vue du mouvement général de la production, nous remarquons qu’il a fallu attendre les années 1923–1924 avant d’atteindre les niveaux d’avant-guerre. Il y a eu, immédiatement après la guerre, une période de reconstitution, ce qui fait que si l’on envisage la période 1920–1933 seule, le rythme de l’évolution semble avoir été rapide et même exagéré; mais comparée à celle d’avant-guerre et compte tenu des années de réorganisation, l’évolution est au contraire relativement lente. On se rappellera en effet que depuis 1886–1890, le rythme général moyen de la production de fonte est passé pour la Belgique de 2,10 % à 4,60 % par an après 1905, et pour le monde de 3,5 % à 6 % vers 1900, pour redescendre à 3,7 % avant la guerre; pendant la période de dépression de longue durée qui précédait, il s’était maintenu d’une part à environ 2,10 %, d’autre part vers 3,75 %. De 1923 à 1928 le rythme réel d’accroissement de la production mondiale de fonte a été de 5 % par an; or ce sont précisément des années d’essor cyclique, la progression moyenne est donc certainement beaucoup plus faible, mais il n’est pas possible de l’apprécier exactement, la période envisagée étant trop courte pour calculer une ligne de tendance ou une ligne de vitesse moyenne. Il en résulterait cependant que nous sommes actuellement en période de « stagnation » ou de dépression de longue durée. Si on considère d’autre part la production d’acier brut, l’évolution semble plus rapide : la production de 1928 représente 186,6 % de celle de 1911 tandis que 1932 nous ramène au niveau de 1906; pour la fonte 1928 est égal à 141,5 % de 1911 et 1932 à 1901, mais cela s’explique. Un calcul analogue à celui fait ci-dessus nous indique que pendant les cinq années d’essor 1923–1928, le progrès moyen réel fut de 7,2 %; mais pendant l’essor de 1909 à 1913 il avait été de 9 %. D’autre part il faut aussi tenir compte du fait que l’acier continue à se substituer de plus en plus au fer dans ses diverses applications; sa production doit donc se développer plus rapidement que celle de la fonte.


1948 ◽  
Vol 3 (1) ◽  
pp. 107-109 ◽  
Author(s):  
L. Monnier
Keyword(s):  

Dans son étude sur les classes agricoles en Poitou au XVI e siècle, l'érudit poitevin Paul Raveau a été a mémo de constater que la propriété du sol a changé de mains tout au long du siècle et spécialement à sa fin : lie a passe du paysan au marchand, de l'exploitant direct au bourgeois propriétaire de fermes et de métairies. Comme ces transformations coïncident en Poitou avec la multiplication des signes monétaires, Raveau en a conclu qu'elles étaient l'effet d'une prospérité sans précédent.Malheureusement pour cette thèse, 1ous les témoignages contemporains s'accordent pour nous présenter le Poitou, à la même époque, dans la plus grande détresse : nous sommes au temps des Guerres de Religion, les campagnes sont ravagées, les villes pillées, chacun vit dans la crainte des « troubles ». Il y a donc là contradiction entre les observations de Raveau et l'examen des textes dont nous disposons par ailleurs.


2015 ◽  
Vol 30 (S2) ◽  
pp. S80-S80
Author(s):  
F. Jover
Keyword(s):  

Le risque du « nommer » avant le « comprendre » est de méconnaître et de sous-estimer l’expérience de la chair que développe Merleau-Ponty [1]. Une expérience qui n’est pas claire une bonne fois pour toute, qu’il tente de restituer par ses formules allusives, transitives pour mieux la cerner, sans la trahir et décrire ce qui se passe aux abords des choses, dans cet entre-deux qui laisse son empreinte dans toute la psychopathologie qui se désire phénoménologique. « Comprendre » et « Voir » avant d’« Interpréter » comme le proclamait Binswanger, c’est ici avoir renoncé à saisir pour mettre l’accent sur la dépossession qui l’accompagne et qui nous ramène à notre passivité originelle. À savoir que les choses sont à laisser être, qu’il peut y avoir de l’être sans qu’il est à être posé, dans la persuasion silencieuse du sensible quand il est là sous la main. Un sensible qui ne cesse d’être ambiguë et transcendant, en se gardant de toute positivité, de toute opération de l’esprit qui peut rapidement dévier vers une pensée opératoire comme le dit la clinique. Comprendre que l’il y a du monde sensible est un il y a d’inhérence, qui nous rattache au monde et nous rapporte à l’être, qui n’est pas devant nous, mais nous entoure de toutes parts dans un rapport charnel que nous sommes condamnés à rechercher encore et encore dès lors que nous en serions privés. Privation du monde et de la présupposition de l’autre, résultats d’une inter-corporéité toujours fragile devant les menaces et leur dépassement qui en même temps m’aident à affermir mes visées et mon identité.


2019 ◽  
Vol 339 ◽  
pp. 3
Author(s):  
Jacques Tassin

Au-delà de ses spécificités thématiques ou partenariales, la revue Bois et Forêts des Tropiques poursuit une ambition qui est chère à son équipe éditoriale et à l’établissement qui l’héberge. Elle promeut la publication de résultats d’une recherche collaborative qui soit (i) produite avec des chercheurs du Sud, (ii) appliquée au développement du Sud, (iii) et donc accessible aux professionnels du Sud. Ce dénominateur commun tient de l’éthique du Cirad, dont l’acronyme nous rappelle qu’il s’agit bien de faire valoir une Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement. Voilà qui ne peut être sans lien avec l’attachement de notre revue au respect de l’intégrité scientifique, cette forme de conduite intègre et honnête appelée à présider dans toute activité scientifique, en tant que condition de la qualité de la connaissance produite.Nous gardons en effet l’ambition de promouvoir la reconnaissance internationale de la recherche conduite au Sud et, du mieux possible, par le Sud. Nous nous appliquons à aider de jeunes chercheurs du Sud, parfois peu expérimentés, à se familiariser avec l’exercice normatif et exigent de la publication scientifique. Les articles rédigés par des scientifiques dont le patronyme renvoie à un pays déshérité ont, nous le savons, moins de chances d’être lus, puis d’être cités par leurs pairs des pays mieux lotis (Harris et al., 2017). Notre revue est en outre tenue de surnager dans un océan hypercompétitif, où les logiques éditoriales, sous-tendues par des logiques commerciales, accordent peu de crédit aux revues scientifiques qui, contre vents et marées, s’attachent à faire valoir la reconnaissance des chercheurs démunis. En dépit de ces contraintes que nous estimons plutôt absurdes, nous ne perdons pas de vue nos attachements aux valeurs qui fondent notre établissement. Voilà pour notre éthique.Mais défendre une telle éthique, c’est aussi devoir défendre l’intégrité scientifique. Dans la logique d’excellence qui prévaut actuellement dans la communauté de recherche, selon les déterminants en cours des évolutions de carrière et selon les indices les plus conventionnels de l’évaluation de la recherche, exagérément quantitatifs, nous savons que les revues de recherche appliquée au développement ne sont pas les mieux considérées. Nous n’ignorons pas cependant que le Cirad est signataire de la convention Dora sur l’évaluation de la recherche, qui défend le principe de ne plus utiliser les métriques de revues, tel le facteur d’impact, pour mesurer la qualité des articles de recherche ou pour évaluer les contributions d’un chercheur à la production de connaissances. L’objet de Bois et Forêts des Tropiques n’est assurément pas, selon une logique comptable, d’enrichir et de faire fructifier un capital éditorial. Il est de diffuser des résultats de recherche susceptibles d’impacter favorablement le développement. Nous sommes fiers de disposer d’un facteur d’impact, mais nous ne nous leurrons pas sur les valeurs qu’un tel indice engage (Seglen, 1997).Nous restons profondément attachés à l’éthique collaborative qui est la raison d’être d’une revue scientifique du Cirad. La défense de cette éthique collaborative n’est, certes, pas toujours aisée. Les chercheurs du Nord comme du Sud, pressés par des injonctions sociales qui mériteraient d’être mieux analysées, se sentent voués à plus publier plutôt qu’à mieux publier, et cèdent alors parfois à des mirages malmenant leur propre intégrité scientifique. Les inconduites scientifiques sont devenues, nous n’en sommes pas dupes, une stratégie de survie au sein d’organismes de recherche de plus en plus sélectifs, voire de notoriété virtuelle, au Nord comme au Sud. Ne nous attardons pas sur de telles dérives qui, nous sommes bien placés pour le savoir, se multiplient année après année, sous des formes de plus en plus diverses : recours au plagiat, fabrication ou falsification de données, oubli ou ajout d’un auteur non consulté, signatures de complaisance, émiettement des publications, manipulations statistiques, filtrage des références bibliographiques, etc. Autant de raisons de refuser une partie des manuscrits qui nous parviennent, pour des raisons qui nous laissent alors plutôt amers, mais nous conduisent à nous montrer très fermes, car l’intégrité scientifique ne se discute pas (Corvol, 2016).Notre cap reste inchangé. Nous défendons le principe d’une revue gratuite, accessible à tous, préservée des logiques éditoriales de marché. Nous sommes fiers d’appartenir à un établissement qui ne mâche pas ses mots à l’égard des revues prédatrices qui se nourrissent des dérives de la recherche scientifique. Et nous sommes particulièrement heureux de constater que les chercheurs du Sud se mobilisent tout autant contre ces pratiques prédatrices désastreuses, aussi trompeuses que condamnables, auxquelles ils se savent particulièrement exposés, ainsi que le révèle cette étude cinglante, mais ô combien saine, de Matumba et al. (2019).Il y a plus vingt-cinq ans, le sociologue canadien Serge Larivée, auteur d’un rapport sur la fraude scientifique, avait déjà parfaitement entrevu les conséquences délétères d’une éthique scientifique négligente (Larivée et Baruffaldi, 1992) : « il s’en faudrait peut-être de peu, particulièrement en période de récession, pour que les payeurs de taxes, influencés par la couverture journalistique sensationnaliste de quelques cas célèbres, contestent la masse budgétaire impartie à la recherche scientifique dans tel ou tel domaine ou même dans son ensemble. » Voilà qui nous invite à veiller plus attentivement encore à ce qu’en conformité avec le mandat de notre établissement, et au respect d’une éthique que nous défendons activement, notre belle revue ciradienne demeure autant collaborative qu’intègre.


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