La critique cinématographique a fort à faire lorsqu’il lui faut parler du cinéma actuel. Au plan de la technique, on ne produit plus de mauvais films et l’objet-film a une tendance à devenir neutre au plan esthétique. Il doit s’adapter à trop de normes, à trop de médias de diffusion. Il ne reste plus que l’histoire, le récit qu’il faut critiquer sans le dévoiler. Les grandes maisons de production accompagnent leur diffusion de dossiers étoffés sur les films qui fournissent à la critique tout ce qu’il faut savoir sur le produit sans avoir à faire de recherche. La critique publique est condamnée à l’inefficacité et elle doit chercher du côté de la critique spécialisée, universitaire ou non, un complément de savoir. Or, même la critique universitaire est obnubilée par les procédés narratifs. Aussi faut-il consentir un effort particulier pour redonner à la critique un rôle, une fonction à l’endroit du cinéma. La question est discutée à travers l’analyse d’un cas particulier, mais exemplaire, Schindler’s List de Steven Spielberg. C’est à travers une forme de variation critique que ce film peut éveiller chez le critique et le spectateur un jugement qui va au-delà de l’histoire racontée. Il y retrouve alors un film inquiétant, étrange malgré les prix et les distinctions dont il a été inondé.