Rumeurs et anecdotes : imaginer la mondanité dans la presse, vers 1900
Dans cet article, on se propose d’étudier la poétique du microrécit mondain à travers deux genres caractéristiques de la presse de la Belle Époque : la rumeur et l’anecdote. Ces deux petits genres ont ceci de fascinant qu’ils suggèrent un en-dehors du discours social, un ensemble de références et de pratiques sur lequel s’est cristallisée une partie de la mémoire culturelle de la mondanité française. On en observera les modulations dans des périodiques tels que La Vie parisienne, Le Gil Blas et quelques petites feuilles mondaines. La portée référentielle du microrécit ne doit pas empêcher de le saisir dans sa dimension poétique et rhétorique : il existe une contrainte de la mise en forme de la rumeur et de l’anecdote, que l’on explicitera. De plus, le microrécit se développe au coeur de l’univers médiatique. Dès l’origine, il porte donc une socialité bien particulière qu’il instaure et relaie, marquée par une double médiation : la mondanité telle qu’elle se donne effectivement à lire dans le microrécit, d’une part, et d’autre part l’horizon de la communauté plus large, distancée et anonyme, des lecteurs, qui imagine sa propre interdépendance par la connivence du « commérage » (Elias). Cette dynamique sociale est favorisée par le fait que le microrécit a un statut ambigu, entre référence et invention, qui permet à tous les jeux de l’imaginaire de se déployer. Le journal est ainsi un lieu où la communauté s’imagine (Anderson) au travers des petites fictions quotidiennes qu’elle s’invente et qu’elle s’écrit.