L’éthique allemande et l’esprit européen
La crise de l’euro du premier semestre 2010 a suscité un débat très vif en Europe sur le rôle stabilisateur ou déstabilisateur qu’y a joué l’Allemagne. D’un côté, les marchés financiers perçoivent l’Allemagne comme un pôle de stabilité en raison de ses performances économiques. A l’opposé, de nombreux observateurs ont dénoncé les tergiversations allemandes qui ont précédé la création du Fonds de stabilité financière et le plan d’assistance à la Grèce. La chancelière Angela Merkel a été accusée d’agir de façon irresponsable, c’est-à-dire de mettre en péril l’existence même de l’euro pour des motifs de politique interne (l’opposition de la presse et d’une partie importante de l’opinion publique au plan d’assistance à la Grèce dans un contexte électoral), avant de se résigner au dernier moment et à contrecoeur devant l’insistance de ses partenaires et le risque d’un krach boursier. Ce débat intervient dans un contexte de crise qui a révélé d’importantes divergences, économiques et politiques, au sein de la zone euro. Des divergences économiques d’abord mais aussi des divergences sur la politique à mener face à la crise. L’objet de cet article est de revenir sur la position allemande dans la crise grecque afin d’examiner ce qu’elle révèle du rapport de l’Allemagne à l’Union économique et monétaire (UEM). Il analyse les fondements de l’ « éthique » économique allemande et la façon dont elle s’est exprimée pendant la crise. Puis il examine le difficile positionnement de l’Allemagne, entre “normalisation” de sa politique économique européenne – qui reflète désormais les enjeux de politiques internes comme dans les autres États membres – et tentative de prendre le leadership de la réforme de la gouvernance économique européenne.