Réponses d’une vigne locale à une pollution fluorée
Les effets d’une pollution atmosphérique par des composés fluorés ont été étudiés sur des cultivars d’une vigne locale, Vitis vinifera L. ‘Asli’, cultivée aux environs d'une usine de production d'engrais phosphatés. L’étude a pour objectif de déterminer les mécanismes permettant à ces vignes autochtones de survivre dans la zone polluée. Elle a consisté à suivre le comportement de ces cultivars dans deux parcelles : l’une soumise aux fumées d’une usine polluante et l’autre au loin de toute pollution. Les paramètres mesurés sont la conductance stomatique, la teneur des feuilles en F– et en Ca2+ et l’activité photosynthétique des zones foliaires saines. Nos résultats suggèrent que la survie de la vigne est liée à une compartimentation du fluor dans les bordures et les extrémités des feuilles, avec une tendance de la plante à contourner les nouveaux tissus nécrosés par un liseré de transition conduisant au développement d’auréoles concentriques de zones nécrosées donnant au limbe un aspect de mosaïque. Ce dernier peut donner des informations intéressantes sur la qualité de l’air et l’état des plantes. Ce comportement est concomitant à une aptitude des zones foliaires saines à conserver la capacité photosynthétique de la plante, tant que les nécroses ne dépassent pas 10 % à 20 % de la surface foliaire. Outre le piégeage du fluor dans des régions foliaires particulières, la fermeture temporaire des stomates semble également contribuer à la restriction de l’accumulation de ce polluant. Par ailleurs, le parallélisme entre l’accumulation du fluor et celle du calcium suggère que ce cation est impliqué dans le piégeage et la détoxication du fluor en le séquestrant sous forme de CaF2. Enfin, nos résultats ne plaident pas en faveur d’une remobilisation foliaire du fluor qui demeure séquestré dans les feuilles les plus âgées. D’ailleurs, la contamination des baies semble se faire directement par les fumées de l'usine, et non par apports endogènes.