Finances et société au XVIIe siècle à propos de la Chambre de Justice de 1661

1974 ◽  
Vol 29 (4) ◽  
pp. 847-881 ◽  
Author(s):  
Daniel Dessert

L'article que voici est le premier que propose un jeune chercheur qui a déjà consacré de nombreuses années au problème, presque inconnu, de la marine royale et des constructions navales au temps de Louis XIV. De la construction des navires, il est passé aux fournisseurs des matériaux de construction. Il s'est immédiatement trouvé confronté au monde trop connu et surtout trop mal connu des financiers, partisans, fermiers et autres hommes d'argent du « grand règne ». Pour mieux les approcher, il a découvert, redécouvert et rassemblé les papiers de l'étonnante Chambre de Justice de 1661. D'où ce qui suit.A travers le sérieux, la modestie et le considérable appareil qu'on va découvrir, j'ai cru qu'il me fallait signaler qu'apparaissait une conception très neuve de la haute société et de l'État d'Ancien Régime. Elle permet de renvoyer au dictionnaire des idées reçues ou au cimetière des catéchismes la scolaire discussion sur société d'ordres et société de classes. Elle montre que les partisans sont presque tous à la fois nobles et officiers de finance, et que, à leurs côtés, c'est la grande noblesse, de Cour, d'épée, de robe, de gouvernement, d'Église, qui prête ses écus au Roi, et participe au premier chef au pillage général de la richesse du royaume. Que des chanceliers, des ministres et même de grands capitaines comme Turenne aient été des partisans, et que presque tous aient appartenu au clan le plus étroitement dévot du royaume, voilà qui pourra étonner, mais non plus être contestéC'est par l'étude de ces hommes d'argent pieux, richissimes et nobles, indispensables à l'État, acceptés par lui, installés même dans son sein, qu'on arrivera à mieux comprendre le monde du XVIIe siècle, et non plus par des querelles de scholastiques ou d'étiquettes.

2009 ◽  
Vol 40 (2) ◽  
pp. 13-29
Author(s):  
Isabelle Morlin
Keyword(s):  
Les Six ◽  

Résumé Dans la seconde moitié du XVIIe siècle, pendant le règne de Louis XIV, encouragés par le pouvoir, les voyages connaissent un essor spectaculaire, et avec eux les récits qui en sont faits. Parmi eux, le récit de voyage commercial occupe une place importante. Des voyageurs comme Tavernier (Les six voyages de Jean-Baptiste Tavernier…, 1676) et Chardin (Voyages de Monsieur le Chevalier Chardin en Perse et autres lieux de l’Orient, 1686), tous deux experts en joaillerie, incarnent la figure du négociant cultivé et audacieux, représentatif de cette période. Travaillant pour leur propre compte et fortune, ces voyageurs sont en phase avec l’ambition nationale de conquête. Leur parcours individuel s’inscrit donc dans un contexte d’épopée collective. L’aventure commerciale est marquée par un ennoblissement idéologique et le négociant, soudainement valorisé, y gagne un statut de protagoniste. Avec lui, le monde concret, généralement fort peu présent dans la littérature du XVIIe siècle, fait irruption dans la littérature de voyage : l’argent y est un thème omniprésent associé à celui de l’ascension sociale. Mais le voyage marchand est aussi le contexte d’une valorisation de la notion de « métier », de savoir-faire, et bien sûr de travail et d’effort. Au-delà, on assiste à la promotion littéraire de certaines valeurs « bourgeoises », qui avaient eu jusque-là un statut plutôt marginal. Le récit devient souvent la preuve tangible d’une réussite sociale et matérielle, et la somme de connaissances est à l’image des profits que le voyage a permis d’effectuer : l’exigence de « rendement » intellectuel répond ici à l’impératif de profit commercial.


2019 ◽  
Vol 33 ◽  
pp. 171-205
Author(s):  
Silvia Suciu ◽  

Conçu comme une continuation de l’essaye „L’affaire de l’Art. Le Marché d’Art aux Pays Bas, au XVIIe siècle” (AMET 2018), cette étude suit la création artistique et le destinataire de l’œuvre d’art en France, aux XVIIe et XVIIIe siècles. À la Cour du Roy Soleil, la possession d’un capital culturel (objets de luxe, tableaux, bijoux, calèches) était un moyen de montrer le rang, la vertu et la grandeur à travers la valeur associée à ces objets. Louis XIV a exercé un contrôle absolu de la production des œuvres d’art crées à Versailles, dans tous les domaines d’art : architecture, sculpture, peinture, théâtre, ballet, musique… Il y a réalisé un mouvement culturel et artistique et s’est entouré d’une pléiade d’artistes : Charles Le Brun, Nicolas Poussin et Pierre Mignard (premiers peintres du Roy), Molière (ses pièces étaient jouées à Versailles et dans les salons de Paris), Jean-Baptiste Lully (qui encourageait la passion du Roy pour la danse), Jean Racine (l’„historique officiel” du Roy), André le Nôtre (architecte du parc et des jardins de Versailles), Jean de la Fontaine, Charles Perrault etc. Parallèlement à la vie artistique de Versailles, pendant le XVIIIe siècle on assiste au développement du marché libre d’art à Paris ; dans le magasin appartenant à Edme-François Gersaint, Au Grand Monarque, les clients achetaient des tableaux, des gravures, des sculptures, des naturalia et d’autres objets de luxe. Gersaint a été le premier à Paris qui a réalisé des ventes aux enchères, suivant le modèle des Pays Bas. Ces enchères et les chroniques d’art de Denis Diderot ont beaucoup contribué à la „démocratisation” du public des arts plastique en France et dans tout le monde, à partir du XVIIIe siècle.


1959 ◽  
Vol 14 (2) ◽  
pp. 337-342
Author(s):  
François-Georges Pariset

L'exposition « Le xviie Siècle français », présentée à Londres de janvier à mars 1958, puis à Paris jusqu'en mai, devait, en principe, faire ressortir l'unité et la beauté des arts au temps de Louis XIV, mais les témoignages sans doute n'ont pas été assez nombreux et il a fallu recourir à la première partie du siècle. L'affiche de Londres joint à la mention « Age de Louis XIV » la reproduction d'un La Tour, tandis que le catalogue de Paris annonce seulement : « Le xviie siècle français. Chefs-d'oeuvre des musées de province ». A côté de pièces célèbres, d'autres presque inconnues, venues de musées lointains peu visités ou mal aménagés. Des confrontations stimulantes, des nouveautés captivantes, mais pas de trouvailles sensationnelles, aucune résurrection bouleversante. Ce grand rassemblement, né de longues prospections, de patientes recherches, aura eu le mérite de provoquer de nombreuses études, des mises au point fructueuses, un enrichissement certain de nos connaissances. Quant aux grandes découvertes, le temps en est-il vraiment passé ? N'allons pas trop vite. Des quantités d'oeuvres méconnues qui dorment encore dans nos provinces pourraient réserver des surprises. La solution de l'avenir sera dans des expositions locales limitées à quelques maîtres.


2017 ◽  
Vol 4 (1) ◽  
pp. 57-69
Author(s):  
Olga Kulagina
Keyword(s):  
Les Six ◽  

Le XVIIe siècle fut celui où les Européens continuaient à découvrir des territoires et des modes de vie nouveaux. En France, ce sont, pour la plupart, des missionnaires qui entreprennent des voyages vers l’étranger, notamment vers l’Est, afin d’y propager le christianisme, mais aussi en poursuivant des buts plus pragmatiques. C’est le cas du jésuite  Philippe Avril (1654-1698) cherchant, sur demande de Louis XIV, le moyen d’ouvrir une voie terrestre vers la Chine. D’autres, comme Jean-Baptiste Tavernier (1605-1689), voyageaient dans un but plus prosaïque tel que le commerce. Les carnets de ces voyageurs représentent une source d’informations importantes sur la vision de l’altérité à l’époque. Ces voyageurs aux motivations diverses voyaient-ils l’Autre dans des termes différents ? C’est la question que nous tenterons d’aborder dans cet article en comparant les procédés linguistiques à l’oeuvre dans les descriptions des peuples étrangers dans Les Six Voyages de Jean Baptiste Tavernier, écuyer baron d'Aubonne, qu'il a fait en Turquie, en Perse, et aux Indes... par Jean-Baptiste Tavernier (1676) et Voyage en divers États d'Europe et d'Asie entrepris pour découvrir un nouveau chemin à la Chine par Philippe Avril (1692).


2017 ◽  
Vol 19 (3) ◽  
pp. 4-17
Author(s):  
Marie-Geneviève Guesdon

Plusieurs bibliothèques et musées français conservent dans leurs fonds des manuscrits ou des fragments du Coran qui ont été copiés dans l'Occident musulman entre le XIIe et le XVIIe siècle, mais n'ont parfois pas été correctement identifiés. Si on laisse de côté la Bibliothèque nationale de France, sa collection ayant été déjà décrite de manière exhaustive, le présent article rassemble de l'information sur des manuscrits possédant ces caractéristiques, tirée de divers catalogues et bases de données où ils sont décrits. [Various libraries and museums in France have in their holdings Qur'an manuscripts and fragments copied in the Western Islamic World between the twelfth and seventeenth centuries that are sometimes not properly identified. Leaving aside the Bibliothèque nationale de France, since its collection has already been fully described, the present paper collates information about such manuscripts from the various disparate catalogues or databases in which they are described.]


Moreana ◽  
1999 ◽  
Vol 36 (Number 139- (3-4) ◽  
pp. 87-102
Author(s):  
Germain Marc’hadour
Keyword(s):  

Le roman intitulé Les Aventures de Télémaque, fils d’Ulysse, connut, dès sa parution ( 1699), un succès qui n’a pas eu d’éclipse. Il a fourni au moins deux termes au vocabulaire international: mentor et Salente. L’impact de l’oeuvre est inséparable de la personnalité de l’auteur: Fénelon avait publié un Traité de l’éducation des filles, qui contribua à le faire nommer précepteur du petit-fils de Louis XIV, poste qui l’achemina vers celui d’archevêque de Cambrai. Son vaste diocèse, où More avait signé la Paix des Dames en 1529, jouxtait les Flandres, et pâtissait des guerres menées sur cette frontière jusqu’à la paix d’Utrecht (1713). L’Ulysse dont il se fait le Mentor par Télémaque interposé est l’héritier présomptif du Roi-Soleil: il le promène de nation en nation pour lui faire honnir celles qui sont belliqueuses, et apprécier celles où la loi est souveraine, où l’agriculture est à l’honneur, et d’où sont bannis le luxe et l’ostentation. La palme rev ient à la république de Salente, véritable famille comme l’Utopie de More, et en outre dotée d’un climat idyllique. Louis XIV se fâcha: “Il décrie mon règne!” Bossuet s’offusqua: “écrire un roman est indigne d’un prêtre.” Mais l’oeuvre s’est imposée comme un classique.


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