The Woodcutter As the Living Force of a Homer’s Cyber-Brain, Still Incognito
Il est assez commun de se représenter le bûcheron comme un être plutôt fruste, qualifié avant tout par sa force au service d’une tâche peu valorisée. Or cette représentation se révèle tronquée, car l’équation qui associe la force à l’outil ne peut se réaliser sans le contrôle du geste. Plus encore, l’écoute des témoignages recueillis auprès des forestiers nous apprend que ce travail réclame d’efficaces systèmes de précision. C’est là une qualification oubliée, pourtant reconnue à part entière dès l’Iliade, qui nous en donne deux témoins privilégiés par l’anthropologie historique de la Grèce, la mètis, l’« intelligence rusée », prêtée au kybérnêtês, le pilote du navire (éponyme de la cybernétique ou science du contrôle), au conducteur de char et, en bonne première place, au bûcheron. La théorie du contrôle nous permet maintenant de dépasser le flou conceptuel de la notion historiquement pré-théorique de mètis, la ruse s’appliquant à des cas bien trop divers, pour lui préférer les développements les plus récents d’une science du contrôle de l’action, théorisée depuis Wiener, nourrissant aujourd’hui les projets les mieux financés de cyber-cerveaux informatiques, au service des neurosciences et de la médecine (qui sont les domaines finalement retenus [au 19 mars 2015] dans l’expertise sur la gouvernance disputée du Human Brain Project, hautement financé par l’Europe [parti de l’École polytechnique fédérale, Lausanne]). Le travail forestier (abattage et débardage), qui réclame une coordination maîtrisée des gestes, y compris de leurs commandes vocales dans le chant de travail — qu’un seul ou plusieurs bûcherons en équipe soient mobilisés —, nous en fournit une parfaite illustration.