Le corps de la honte
En prenant appui sur les analyses consacrées par Sartre au regard d’autrui dans L’Être et le Néant, nous nous proposons dans ce qui suit d’appréhender le phénomène de la honte comme un phénomène éminemment social où le rapport au corps vécu se trouve singulièrement mis en jeu. Pour ce faire, sont mobilisés, entre autres, les travaux de Levinas, de Derrida, d’Agamben et les descriptions d’Annie Ernaux dans son roman intitulé La Honte. Nous tentons de montrer que mettre en exergue le caractère social de la honte suggère de soustraire ce phénomène à un cadre moral étroit, qui le réduit à la seule expression de la faute ou de la culpabilité individuelle. Ce faisant, un des enjeux de notre propos consiste à mettre l’accent sur la manière dont le rapport vécu au corps cristallise les projections imaginaires et les significations sociales inhérentes à l’expérience de la honte. En dernière étape de ce parcours, les descriptions de Michel Foucault sur « Le corps utopique » nous amènent à considérer le pouvoir spatialisant des corps comme un pouvoir utopisant. En ce sens, elles permettent ainsi d’ouvrir une réflexion sur l’impact et les limites d’une captation des corps par les significations sociales et imaginaires à travers lesquelles les relations intersubjectives se façonnent et se déploient.