Une «autre» introduction aux sciences sociales

Author(s):  
Danilo Martuccelli

Un récit longtemps hégémonique a structuré les sciences sociales autour d’une modernité occidentale exceptionnelle surgissant et alimentée par la révolution industrielle. Adossée à une géopolitique de puissance, cette narration a été une façon généralisée de regarder le monde, partagée pendant deux siècles, peu ou prou, partout et par tous, et en premier lieu par les sociologues classiques. Depuis quelques décennies des perspectives critiques (post- et décoloniale, modernités multiples) s’élèvent contre cette vision, à la lumière notamment d’un monde soumis à de nouvelles dynamiques de pouvoir entre les civilisations. En revenant sur le récit hégémonique occidental moderne, en le mettant à l’épreuve d’un nombre considérable de travaux et de transformations dans différentes aires géographiques (l’Afrique, les Amériques, l’Asie, l’Europe), ce livre, au-delà des regards modernes et antimodernes, propose une autre introduction aux sciences sociales en phase avec les réalités du XXIe siècle.

2018 ◽  
Author(s):  
Joel Candau

En l’espace de quelques années, ce terme a non seulement envahi la littérature scientifique - au point d’être l’éponyme de la revue Anthropocene créée en 2013 –mais il est aussi devenu familier dans le débat public. On en trouve la trace dès les années 1990, et on pourrait en chercher la genèse dans la notion de noosphère promue par le minéralogiste Vladimir Vernadski et par Teilhard de Chardin, mais ce sont les Prix Nobel Paul Crutzen et Eugene Stoermer (2000) qui l’ont formellement proposé pour désigner l’époque géologique contemporaine, caractérisée par une influence croissante de l’humanité sur son environnement, concomitamment à l’explosion démographique de notre espèce. Selon l’acception qu’ils ont alors donnée à ce terme, cette époque succéderait à l’Holocène. La période charnière serait la fin du XVIIIe siècle (Steffen et al. 2011), qui voit l’invention du moteur à vapeur par James Watt (en 1784) et le début de la révolution industrielle en Europe. Les effets anthropiques sur la nature sont alors devenus tout à la fois intenses et étendus à toutes les régions du monde. Il y a en premier lieu la transformation des sols, érodés et artificialisés, dont l’évidence stratigraphique (Price et al.2011) pourrait justifier à elle seule l’invention de la nouvelle ère géologique. Mais il y a aussi la pollution, l’acidification des océans, la perturbation du cycle des éléments (charbon, nitrogène, phosphore, de nombreux métaux), l’augmentation dans l’atmosphère de la concentration en CO2, N2O, CH4, le changement climatique, la déforestation, l’attrition prononcée des forêts tropicales, la domestication des plantes et des animaux, l’extinction de nombreuses espèces vivantes (Dirzo et al. 2014) avec, peut-être, de nouveaux processus de spéciation et d’hybridation (Thomas 2013), etc.


1974 ◽  
Vol 7 (2) ◽  
pp. 228-247
Author(s):  
Donald V. Schwartz

Aspects théoriques du rapport entre l'information et l'administration en Union SoviétiqueL'auteur pose en postulat qu'il est avantageux d'étudier le fonctionnement récent du processus de la prise de décision administrative en matière de politique sociale enurssà l'aide d'un modèle cybernétique qui permet de faire ressortir le problème de la rétro-action de l'information et celui de la surcharge en input, problèmes qui caractérisent la politique soviétique interne des dernières années. L'approche systémique est d'autant plus utile qu'elle est maintenant adoptée par les théoriciens soviétiques de la politique sociale pour décrire et analyser le fonctionnement de leur propre système politique.Une comparaison est établie entre les diverses façons avec lesquelles les théoriciens occidentaux et soviétiques de la politique sociale ont introduit les concepts de la cybernétique dans la théorie administrative. En premier lieu, l'étude décrit les éléments essentiels du modèle systémique de la société socialiste tel que développé par V.G. Afanas'ev de l'Académie des sciences sociales du Parti Communiste soviétique. A près l'avoir comparé avec des modèles occidentaux semblables, l'auteur en vient à la conclusion que la modèle de Afanas'ev comporte un élément téléologique qui lui confère un dynamisme que les modèles occidentaux, malgré leur prétention, ne sauraient atteindre pour des raisons idéologiques.Deux dimensions théoriques de la politique sont ensuite analysées: la relation entre les demandes et le processus politique et celle entre les producteurs de l'information rétroactive et les utilisateurs décisionnels de cette information. Il appert que les différences dans la perception de la nature du système politique (surtout en ce qui a trait aux fonctions de contrôle et de développement du système) amènent les théoriciens occidentaux et soviétiques à interpréter de façon divergente ces deux relations.En conclusion, l'auteur livre certaines réflexions sur la valeur de l'utilisation du modèle cybernétique dans l'étude de la politique soviétique et sur les conséquences que l'adoption, par les théoriciens soviétiques, de ce modèle peut avoir sur le processus administratif décisionnel en Union Soviétique.


2014 ◽  
Vol 18 (1) ◽  
pp. 17-34
Author(s):  
J.A. Raftis

Sommaire L'histoire de la dernière encyclique, MATER ET MAGISTRA, illustre d'une façon dramatique, dans notre société contemporaine, la division du travail entre les relations publiques et le domaine académique. Dans le monde anglo-saxon au moins cette encyclique est celle qui a connu la plus large diffusion et qui a été la mieux reçue de toutes les encycliques sociales. Par ailleurs, il semble évident que moins qu'à toutes les autres on a apporté un intérêt soutenu. On a pas à chercher bien loin pour trouver la raison de cette indifférence générale. MATER ET MAGISTRA n'est pas seulement un document à l'occasion d'une crise ou, d'un problème. Elle est l'aboutissement de tout un siècle de développements académiques. D'une part, la doctrine sociale est seulement un segment d'une demi-douzaine de champs théologiques revitalisés. D'autre part, le fossé entre les sciences sociales et les champs de pensée plus traditionnels s'est graduellement rétréci. RERUM NOVARUM (1891) a ouvert la théologie à la science politique, QUADRAGESIMO ANNO (1931) a évidemment utilisé les principes économiques modernes et maintenant MATER ET MAGISTRA (1961) utilise la sociologie. Les experts en sciences sociales sont bien conscients de l'intérêt croissant chez leurs collègues depuis plusieurs générations au sujet du bien-être, des valeurs, des lois naturelles, des insuffisances du pragmatisme. Lorsque les dimensions proprement académiques de cette encyclique sont reconnues, il s'en suit immédiatement que cette doctrine nécessite pour son exposition un statut académique approprié. En premier lieu, il ressort de la structure de MATER ET MAGISTRA que l'étudiant de la théologie sociale doit nécessairement s'appuyer sur le spécialiste en sciences sociales. En second lieu, l'étudiant de la théologie sociale doit reconnaître que l'homme moderne désire une philosophie sociale adéquate. C'est une exigence beaucoup plus englobante que celle des encycliques précédentes. Il ne suffit plus maintenant de condamner l'individualisme et le scientisme du XIXe siècle, ou d'encourager davantage l'association — une union par-ici, une coopérative par là. Comme le préconise avec insistence le Pape Jean, une option morale positive de l'organisation ou de la socialisation est nécessaire à tout homme dans la société moderne. Alors qu'il est évident pour celui qui analyse ces questions que tout le pouvoir moral de la religion sera nécessaire afin de dissiper l'ensemble des accréditations religieuses et de la loi naturelle acceptées par l'individualisme de notre société industrielle ou le socialisme des autres traditions, la question présente de nouveaux aspects. Il y a déjà une évidence abondante que les professeurs des matières philosophiques et théologiques traditionnelles ne réaliseront pas la nécessité actuelle d'une philosophie sociale articulée s'ils n'empruntent pas aux spécialistes des sciences sociales la signification et l'importance de la socialisation aujourd'hui. De plus, c'est seulement de l'esprit en sciences sociales que le philosophe social apprendra l'apport réaliste de la remarque du Pape Jean à l'effet que dans le milieu social moderne un certain déterminisme ne cause pas de préjudice à la liberté. La récente étude de Robert A. Brady sur la place des standards dans la civilisation en est un excellent exemple (Organization, Automation, and Society, ch. IV). L'importance croissante de l'étudiant des sciences sociales est aussi un autre indice du rôle croissant de l'apostolat laïc pour l'avenir de la doctrine sociale.


2013 ◽  
pp. 1-43
Author(s):  
Carmen Sabourin

Résumé Cette étude présente en premier lieu certains des éléments qui caractérisent les nouveaux espaces de réflexion en musicologie et en théorie de la musique. Puis, après avoir situé l’évolution récente de la théorie schenkérienne dans le panorama intellectuel, l’auteure expose une problématique qui vise à mettre en évidence la nécessité d’une interprétation éclairée de la réception et de l’appropriation des idées du théoricien autrichien Heinrich Schenker par les théoriciens-analystes anglo-américains. L’auteure suggère que la diversité et la complexité des paramètres en jeu dans la construction du discours schenkérien contemporain démontrent à l’évidence que seule une stratégie interprétative puissante pourra rendre compte de la richesse d’un phénomène aussi dense. Elle conclut en proposant que, face à la complexité de ce phénomène, il semble que seul le recours à des modèles de réflexion développés dans le domaine des sciences sociales et de l’anthropologie culturelle, et repris par les ethnomusicologues, permettra de formuler une révision critique du discours schenkérien.


1992 ◽  
Vol 47 (6) ◽  
pp. 1171-1183 ◽  
Author(s):  
Michel Troper

De même que les sciences sociales se distinguent nettement des faits sociaux, qui constituent leur objet, la science du droit doit être distinguée du droit luimême, entendu soit comme système normatif spécifique, soit comme pratique. Dès lors qu'on examine les rapports du droit et des sciences sociales, on doit se garder de confondre plusieurs types de questions, qui toutes peuvent et doivent être traitées, mais qui relèvent de problématiques très différentes. Il s'agit en premier lieu de la question du rapport entre droit et société, qui concerne l'influence des règles juridiques sur les pratiques sociales et des forces sociales sur le contenu des normes juridiques.


Dialogue ◽  
1986 ◽  
Vol 25 (4) ◽  
pp. 675-696 ◽  
Author(s):  
Michel Rosier

Otto Neurath est intéressant à plus d'un titre. En premier lieu, il a joué un rôle central dans le développement institutionnel du mouvement dénommé « empirisme logique » dont certains interprètes ont considerablement réduit l'étendue et tronqué les thèses. En second lieu, intellectuellement, il occupe une place importante dans les réflexions épistémologiques et politiques d'avant la seconde guerre mondiale, comme en temoigne le fait que Karl Popper le prenne pour cible dans La logique de la découverte scientifique ou Friedrich Hayek dans La route de la servitude. En troisième lieu, il est, comme le note Popper, l'incarnation d'une approche épistémologique originale (Popper, 1944–45, 165–166).


1967 ◽  
Vol 22 (6) ◽  
pp. 1163-1205 ◽  
Author(s):  
Michaël Confino

En réalité, ni la psychologie de nos psychologues contemporains n'a de cours possible dans le passé, ni la psychologie de nos ancêtres, d'application globale possible aux hommes d'aujourd'hui.(L. Febvre, « Histoire et Psychologie », Combats pour l'Histoire, Paris, 1953, p. 213.)L'historiographie s'enrichit soit en défrichant des domaines restés jusque-là non explorés, soit en réinterprétant à l'aide de concepts nouveaux des zones de recherche qui semblaient bien connues et profondément labourées. L'histoire de la noblesse russe appartient un peu à ces cas, apparemment contradictoires. Elle a été sérieusement étudiée, mais elle a besoin aussi d'interprétations fraîches, faites à la lumière des progrès récents des sciences sociales, et en premier lieu de la sociologie et de la psychologie.Dans l'historiographie de ce sujet, une des premières tentatives — hardie, brillante et spirituelle — de peindre un tableau des structures mentales de la noblesse fut celle du grand historien russe Vasilij 0. Ključevskij, effectuée vers la fin du xixe siècle.


2005 ◽  
Vol 3 (1-2) ◽  
pp. 185-188
Author(s):  
Émile Gosselin

En plus de vouloir être une nomenclature exhaustive des travaux de recherche en psychologie sociale dans notre milieu et sur notre milieu, cet exposé voudrait tenter de dégager à la fois les orientations et les préoccupations dominantes qui ont marqué l'évolution de la psychologie sociale au Canada français. Nous procéderons en premier lieu à l'examen des recherches faites à l'Université Laval, à la Faculté des sciences sociales, pour terminer par l'évaluation des travaux achevés à l'Université de Montréal. À l'Université McGill, plusieurs recherches sont en cours sous la direction du professeur Wallace E. Lambert. Elles se concentrent toutes sur le même problème : « l'apprentissage d'une langue seconde ». De ce qui a été publié à date, aucun résultat ne comporte pour le moment d'implications spécifiques pour le psychologue social. Ce n'est que plus tard que le professeur Lambert et ses assistants comptent tenter de définir opérationnellement le niveau minimum de socialisation requis pour l'apprentissage d'une langue seconde. Il en va de même de l'Université d'Ottawa ; aucun travail relevant à proprement parler de la psychologie sociale n'est à signaler présentement. Notre inventaire se limitera donc aux seules recherches entreprises aux universités Laval et de Montréal.


2015 ◽  
pp. 153-168
Author(s):  
Yvan Lamonde

Les lecteurs les plus perspicaces l’ont bien vu à l’époque : la contribution de Pierre Elliott Trudeau à l’ouvrage collectif La grève de l’amiante (1956) était atypique eu égard aux autres contributions faites à l’enseigne des sciences sociales. L’essai de Trudeau a l’intérêt d’identifier clairement les enjeux non pas seulement ou d’abord de la grève de 1949, mais ceux du changement en cours. Le « monolithisme idéologique » dont il y est question pointe du doigt le défi de la révolution industrielle au Québec et tout autant les responsables du retard sociologique, d’où le portraitcharge auquel le jésuite Jacques Cousineau ne pouvait pas ne pas réagir.


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