Le narrateur de La salle de bain (1985) est obsédé par le passage du temps : il contemple ainsi longuement une fissure dans le mur qui surplombe sa baignoire – causée vraisemblablement par l’humidité, et donc par l’eau –, y voyant le reflet de sa propre décrépitude. Ces ravages potentiels exercés par l’élément liquide s’étendent d’ailleurs à la société en son ensemble : en témoignent les visions du personnage de Paris noyé sous la pluie (comparé dès lors à un « aquarium ») ou de Venise submergée par la mer, si ce n’est son intérêt douteux pour le naufrage du Titanic. Cette métaphore filée trouve son apogée dans une scène marquante du roman, où le narrateur, contemplant les gouttes de pluie qui glissent sur sa fenêtre, en tire des conclusions sur « la finalité du mouvement », laquelle serait inéluctablement l’« immobilité ». Les indications données à cet égard peuvent être considérées comme un commentaire métatextuel, cadrant les modalités de traversée du texte. À ceci s’ajoute l’image de l’encre s’écoulant d’un poulpe – animal marin – mal apprêté par l’un des personnages, autre possible illustration de l’écriture, de la fiction qui se crée en dépit de l’adversité. C’est sur cette double nature de la métaphore aquatique, chez Jean-Philippe Toussaint, que portera ma communication. J’y défendrai l’hypothèse comme quoi, dans La salle de bain, l’évocation de l’eau revêt à la fois une dimension négative, en ce qu’elle reflète une usure générale (tant personnelle que collective), et positive, dans la mesure où elle contribue à définir l’écriture et la lecture, et donc, d’une certaine manière, à préciser les moyens mêmes par lesquels il est possible de s’arracher à la stagnation par ailleurs postulée.DOI: http://dx.doi.org/10.4995/XXVColloqueAFUE.2016.2528