Analyse du processus d’empowerment dans des trajectoires de femmes victimes de violence conjugale à travers le système judiciaire
Résumé Bien qu'un nombre important de recherches, pourtant diversifiées, aient été réalisées auprès de femmes victimes de violence conjugale, les études portant spécifiquement sur les femmes qui ont recours au système judiciaire se font plutôt rares. Les écrits consultés ont permis d'identifier entre autres des facteurs facilitant le recours au processus judiciaire et des facteurs le freinant. Plus récemment, d'autres études ont porté de façon plus particulière sur les liens pouvant exister entre le fait pour une victime de s'engager dans le système judiciaire et son processus d'empowerment. L'étude qui est l'objet du présent article s'est intéressée de façon particulière au processus d'empowerment de femmes victimes de violence conjugale qui ont eu recours au système judiciaire. Elle porte sur l'analyse de 29 entrevues semi-dirigées avec des femmes victimes de violence conjugale, engagées ou non dans un processus judiciaire. Le paradigme que nous avons retenu pour l'analyse des données est le paradigme structurel. Trois caractéristiques généralement liées à la définition de la violence faite aux femmes ont déterminé ce choix : la violence est située dans un contexte de relations de pouvoir caractérisées par la domination ; le caractère discriminant de ces relations de pouvoir est lié au fait d'appartenir à un sexe plutôt qu'à un autre ; la dimension sociale et publique du problème de la violence est reconnue. Le modèle de l'empowerment tel que nous l'avions élaboré semble approprié pour l'étude de trajectoires de femmes victimes de violence conjugale et laisse présager que toute démarche d'aide peut aider les femmes à s'engager dans un processus d'empowerment. Nos données nous permettent également d'identifier des éléments qui facilitent ce processus : support émotionnel ou informationnel. Nous n'avons toutefois pas pu cerner des éléments spécifiques au système judiciaire, en tant qu'institution sociale, qui favoriseraient le processus d'empowerment. Toutes les répondantes ont identifié des facteurs aidants et des obstacles. Seul le discours de nature plus sociale des répondantes différencie celles qui ont complété le parcours dans le système judiciaire des autres répondantes. L'hypothèse que nous retenons à ce moment-ci est que le fait de mener à terme des démarches judiciaires est plutôt indicateur d'empowerment. Si ceci s'avérait juste, on devrait en conclure que quelles que soient les décisions prises par les femmes à toutes les étapes du processus judiciaire, celles-ci doivent être respectées. Par ailleurs, l'information donnée, tout particulièrement en maison d'hébergement, qui analyse la violence conjugale comme un problème social et qui cherche à développer un mouvement de solidarité entre les femmes, semble être un facteur important dans le processus d'empowerment identifié dans cette étude. Nous croyons que l'utilisation du modèle du processus d'empowerment que nous avons élaboré peut être un apport intéressant en ce qui concerne l'intervention auprès des femmes victimes de violence conjugale. Le modèle permet d'identifier l'étape du processus à laquelle la victime se situe et les besoins qu'elle manifeste (émotifs, cognitifs, comportementaux). On pourra alors lui proposer un type d'aide et d'informations plus pertinent à ses besoins. L'utilisation de ce modèle offre aussi l'avantage de comprendre qu'il n'est peut-être pas le moment de proposer à une femme d'entreprendre une démarche légale et qu'elle n'est peut être pas prête à persévérer en ce sens.