Postvention et conduite suicidaire au travail

2014 ◽  
Vol 29 (S3) ◽  
pp. 643-643
Author(s):  
P. Louville

Depuis plusieurs années, une attention grandissante est portée sur des gestes suicidaires qui semblent augmenter en fréquence, commis pendant le temps de travail et sur le lieu de travail, maintenant reconnus comme des accidents du travail, imputables aux contraintes professionnelles stressantes auxquelles sont soumis les salariés.Le suicide d’un collègue de travail est un événement particulièrement stressant et potentiellement traumatogène, notamment si les personnels sont les témoins directs du geste suicidaire sur le lieu de travail. Les deuils à la suite du suicide font partie des événements de vie générateurs d’une grande détresse émotionnelle. Le caractère soudain et inattendu de la mort par suicide d’un proche peut avoir un impact traumatique pour de nombreuses personnes, qui risquent de développer ultérieurement un deuil compliqué, voire un syndrome psychotraumatique.Le caractère stressant et traumatique des situations de deuil à la suite d’un suicide au travail conduit à proposer aux endeuillés récents un débriefing psychologique (ou intervention psychothérapeutique post-immédiate – IPPI). Il existe cependant relativement peu de publications, et notamment d’études randomisées, sur l’utilisation du débriefing dans la postvention. En France, quelques articles rapportent des interventions de cellules d’urgence médico-psychologique (CUMP) utilisant l’IPPI à la suite de suicides.Les débriefings psychologiques décrits dans la littérature relative à la postvention sont conduits selon des modalités adaptées à cette situation spécifique. En plus des objectifs habituels de cette intervention, qui sont la ventilation émotionnelle, la verbalisation de l’événement, la psychoéducation et la mobilisation du soutien social, l’accent est mis sur la gestion du deuil et la prévention de la contagion suicidaire, en particulier en milieu professionnel.Au-delà des interventions destinées aux salariés endeuillés, la postvention en milieu de travail doit aussi envisager une approche des facteurs organisationnels qui peuvent avoir contribué au geste suicidaire, car celui-ci impacte autant les individus que le collectif de travail.

2009 ◽  
Vol 4 (1) ◽  
pp. 27-44 ◽  
Author(s):  
Diane-Gabrielle Tremblay ◽  
Bernard Fusulier ◽  
Martine Di Loreto

Sommaire Dans cet article, nous nous intéressons au rôle de soutien à la gestion organisationnelle de la carrière en nous penchant sur la question de la conciliation emploi-famille et des différences de genre dans un secteur d’activité, le travail social. En effet, si les recherches et les discours publics ou managériaux mettent l’accent par exemple sur la formation professionnelle comme mesure de soutien à la carrière, il est indéniable que soutenir la conciliation travail/famille est essentiel pour soutenir la carrière des individus (cf Harlow, 2002). Ayant pu constater la diversité des pratiques organisationnelles selon les catégories professionnelles et les secteurs, nous avons décidé de nous concentrer sur le milieu du travail social au Québec pour pouvoir identifier le rôle de la gestion et du soutien organisationnel de la carrière dans cet espace professionnel précis. Nous avons analysé dans quelle mesure l’organisation, et les cadres gestionnaires qui la représentent, soutiennent effectivement – ou non – la gestion de carrière professionnelle en tenant compte de la nécessité qu’ont pratiquement tous les salariés – parents ou non – de concilier leurs responsabilités professionnelles et leurs préoccupations familiales, parentales ou plus largement personnelles. Nous avons pu constater que dans le domaine du travail social, les supérieurs ne paraissent pas très soutenants pour les personnes qui ont à concilier leurs responsabilités personnelles et professionnelles. Les collègues semblent se soutenir davantage, peut-être pour combler le déficit organisationnel à cet égard. Alors qu’on aurait pu s’attendre à ce qu’un milieu de travail largement public et très féminin soit plus soutenant en ce qui concerne la gestion de carrière et les difficultés de conciliation entre vie personnelle et professionnelle, on observe que ce n’est pas nécessairement le cas et que les femmes vivent des difficultés plus importantes que les hommes sur ce plan. Il faut reconnaître que ce sont aussi elles qui prennent avantage des dispositifs de congés et d’aménagement du temps de travail pour des raisons familiales.


Criminologie ◽  
2002 ◽  
Vol 32 (1) ◽  
pp. 161-194 ◽  
Author(s):  
Marc Le Blanc

RÉSUMÉ Les moyens de communication de masse nous transmettent un message alarmiste sur l'évolution de la violence, particulièrement chez les adolescents. Qu'en est-il exactement? L'analyse de la trajectoire de la violence criminelle permet de conclure que notre société vit depuis quelques années une croissance extrêmement rapide de ces délits. En particulier, les enquêtes auprès d'adolescents et d'adolescents judiciarisés signalent que ce n'est pas tant le nombre d'adolescents violents qui progresse que la fréquence de leurs actes. Il est ensuite apparu que plusieurs caractéristiques du milieu de vie des adolescents, plutôt que les facteurs macrosociaux, peuvent être responsables de cette situation : la détérioration des conditions de vie des adolescents, l'intimité accrue dans les familles, l'importance accrue des pairs et des bandes d'adolescents et leur plus grande impulsivité ainsi que la tendance à déformer la réalité. Ces facteurs ne seraient pas nécessairement responsables du niveau de la violence interpersonnelle dans notre société, ils rendraient surtout compte de sa fréquence, de sa précocité et de sa nature. En particulier, ils expliqueraient pourquoi les voies de fait sont plus fréquentes, et de loin, que les vols qualifiés alors que l'inverse était vrai à d'autres époques. Comment modifier la trajectoire à la hausse de la violence interpersonnelle? Plusieurs voies d'action préventives semblent indiquées compte tenu des facteurs qui ont été mis à jour. Ce sont l'intégration des jeunes immigrants, le développement de mécanismes de convivialité adolescente, l'amélioration du climat de vie dans les écoles, le support à la transition de l'école au milieu de travail et une intervention énergique auprès des bandes d'adolescents.


Author(s):  
Fabien COUTAREL ◽  
Valérie PUEYO ◽  
Marianne LACOMBLEZ ◽  
Catherine DELGOULET ◽  
Béatrice BARTHE

La pandémie n’est pas seulement une crise sanitaire : elle est une crise du travail à plusieurs titres. Tout d’abord, cette crise révèle les difficultés que nous avons à articuler la santé publique et la santé au travail. Cette situation pourrait bien conduire au retour d’un certain hygiénisme en santé au travail, renforçant la difficulté à intégrer l’expérience du travail dans la gouvernance des organisations du travail. Cette crise révèle que cette difficulté est le produit de principes contemporains de gouvernance des organisations qui ont aussi contribué au déploiement planétaire d’une épidémie régionale. Si les effets en matière de santé au travail de ces principes étaient bien connus, la crise révèle donc l’erreur économique et anthropologique que portent ces critères de gouvernance des organisations. Cette crise révèle enfin les ressources d’un renouveau organisationnel : face à l’urgence, des réorganisations majeures se sont faites par le bas, via les travailleurs.ses et les collectifs de travail. La gouvernance locale du travail a su faire preuve de son agilité et de sa performance. Les enseignements que nous soulevons concernent la manière de penser ensemble la santé publique et la santé au travail, santé des expositions et santé constructive, jusque dans la conception et la formation à l’intervention en milieu de travail, notamment l’intervention ergonomique.


Author(s):  
Eva Hourihan Jansen

This year the CAIS-ACSI cfp asked us to consider how data are involved in people’s information behaviours, practices, and experiences. This paper responds by drawing on analytical themes and data from completed research on a standard classification system in workplace information practices. I take the view that classification systems are cultural artifacts (Beghtol 2010, p.10) and big data are social artifacts (Ibekwe-San Juan & Bowker 2017, p. 193). Metaphors for occupational data have become naturalized in workplace discourse. Metaphors also contribute to our understandings of information and its role in employment and migration. The research offers alternative readings of these metaphors and proposes ways these address information-centric beliefs in workplace practices.Cette année, l’appel à propositions du CAIS-ACSI nous a demandé d’examiner comment les données sont impliquées dans les comportements, les pratiques et les expériences informationnelles des gens. Cet article répond à l’appel en s'appuyant sur des thèmes analytiques et des données provenant d’une recherche achevée sur un système de classification standard dans les pratiques informationnelles sur le lieu de travail. Je suis d'avis que les systèmes de classification sont des artefacts culturels (Beghtol 2010, p.10) et que les données massives sont des artefacts sociaux (Ibekwe-San Juan & Bowker 2017, p.193). Les métaphores sur les données professionnelles ont été naturalisées dans le discours sur le lieu de travail. Les métaphores contribuent également à notre compréhension de l'information et de son rôle dans l'emploi et la migration. Cette recherche propose des alternatives de lecture de ces métaphores et propose des façons de les utiliser pour aborder les croyances centrées sur l'information dans les pratiques en milieu de travail.


Author(s):  
Isabelle Hansez ◽  
Laurent Taskin ◽  
Jacques-François Thisse

Dans ce numéro spécial de Regards économiques, trois expertises dialoguent afin d’offrir une compréhension multidisciplinaire du «télétravail» aujourd’hui et demain : D’un point de vue économique, la question clé demeure celle de l’incidence d’une pratique intensive de télétravail à domicile sur la mobilité, les villes et l’économie dans son ensemble. Le gain espéré de productivité au travail sous-tend le développement du télétravail. Souvent déclaré, mais rarement mesuré de façon précise, des rares études montrent néanmoins une relation de cause à effet entre la pratique du travail à domicile et un surcroît de productivité au travail. Mais, qu’en sera-t-il demain sur le long terme ? Et quel impact une pratique plus forte du télétravail peut-elle avoir sur la demande et l’offre immobilières dans les villes et sur les marchés locaux du travail ? Ce sont quelques-unes des analyses développées par Jacques-François Thisse, professeur émérite d’économie à l’UCLouvain. Du point de vue des organisations et du management, la pratique du télétravail a conduit à revisiter les processus de régulation du rapport au travail (tels que le contrôle et l’autonomie au travail, les styles de management, l’identité au travail, la productivité et l’équilibre entre sphères privée et professionnelle). Autre enjeu pour les entreprises ? La gestion de la distance sur les comportements au travail (notamment l’hyper connexion ou l’invisibilisation). Selon Laurent Taskin, professeur en sciences de gestion à l’UCLouvain, le futur verra s’intensifier le télétravail. L’enjeu organisationnel et managérial clé de l’après-covid sera donc de réinventer de nouvelles routines de travail autour de la présence, là où c’était la distance qui était régulée avant la crise covid. C’est cette réflexion qui permettra de préserver et valoriser l’innovation, la créativité et la socialisation. Du point de vue des individus, les recherches sur le télétravail ont identifié de longue date des effets plutôt positifs en termes de satisfaction, de motivation, de bien-être ou de fidélisation, justifiant une demande, de la part des travailleurs, pour ce type d’arrangement. Se basant sur une enquête menée durant le premier confinement en Belgique, Isabelle Hansez, professeure de psychologie à l’ULiège, offre une perspective nuancée des conditions de la pratique du télétravail durant le confinement et des perspectives affichées par les personnes sondées. Plus que jamais, semble-t-il, la dimension du bien-être au travail semble clé dans la valorisation du télétravail par les individus et montre aussi les disparités de situations (familiale, professionnelle) qui amènent à apprécier différemment la flexibilité offerte par le télétravail.   Ces trois regards se complètent et permettent, in fine, d’identifier les équilibres et les tensions qui caractérisent le développement du télétravail. Et donner des pistes qui pourront satisfaire à la fois les travailleurs, les managers, les entreprises et les acteurs qui vivent de la présence des travailleurs sur leur lieu de travail (commerces, services, entretien…) ? Voici les principaux enseignements et recommandations des trois scientifiques : L’accroissement de productivité dû à la pratique du télétravail est lié à sa fréquence : au-delà de deux jours par semaine ou de 50% du temps de travail, l’impact sur la productivité s’atténue ; Le développement du télétravail peut potentiellement modifier la consommation d’espace de bureau (décroissance) et domestique (croissance), dans un mouvement qui risque de dévitaliser les centres urbains et d’affaires ; La pratique plus intensive du télétravail menace l’existence de communautés de travail au sein des organisations, au profit de liens plus formels et instrumentaux avec l’organisation et les collectifs de travail ; Pour les travailleurs, la pratique du télétravail est source de satisfactions (autonomie, flexibilité, par exemple) mais aussi d’inconfort (ergonomie, conflit privé-professionnel, ambiguïté des attentes, par exemple) ; Les politiques publiques doivent d’urgence proposer des solutions de mobilité afin de faciliter l’accès aux centres urbains, pour les travailleurs, et juguler une potentielle désertion de ceux-ci par les quartiers d’affaire—la mobilité étant le premier facteur de choix pour le télétravail ; Les employeurs doivent formaliser la possibilité de télétravail dans des accords collectifs négociés et permettre à leurs salariés d’être dans de bonnes conditions de travail à domicile, a fortiori si le télétravail fait l’objet d’une politique organisationnelle ou de gestion des ressources humaines ; Le management doit réguler la présence des équipes de travail en tenant compte de leurs réalités propres (activités, par exemple) afin de préserver les liens sociaux, garants d’une performance de long terme ; Les travailleurs sont invités à organiser leurs temps et leurs espaces privé et professionnel de sorte à permettre une conciliation harmonieuse.


2006 ◽  
pp. 1-21 ◽  
Author(s):  
Diane-Gabrielle Tremblay ◽  
Elmustapha Najem ◽  
Renaud Paquet

Résumé Nous intéressant aux mesures de conciliation emploi-famille, nous avons voulu exploiter les données de l’Enquête sur le milieu de travail et les employés (EMTE) pour évaluer la situation globale à cet égard au Canada, à l’aide de données statistiques représentatives. Nos données indiquent que les progrès observés en ce qui concerne le débat social sur la conciliation travail-famille ne se sont pas nécessairement traduits par une amélioration notable des conditions facilitantes dans les milieux de travail et il y a même eu des reculs. On observe que le nombre de jours de travail par semaine s’est légèrement accru, se rapprochant fortement de 5 jours en moyenne pour les hommes et de 4,6 pour les femmes, en 2002. Par ailleurs, un pourcentage important de la main-d’oeuvre canadienne vit des horaires de travail variables et des horaires rotatifs, ce qui a été identifié comme source de difficultés de conciliation. Par contre, une bonne partie des travailleuses et travailleurs canadiens déclare travailler un certain nombre d’heures à domicile, ce qui peut favoriser la conciliation, mais peut aussi être source d’empiètement sur la vie privée. Les données de l’EMTE montrent que les gens travaillent à la maison parce que leur travail l’exige, et non pour des motifs de conciliation. En somme, on assiste ici à un débordement du travail sur la vie personnelle. Par ailleurs, si l’aide à la garde et les services de garde chez l’employeur sont le premier souhait des parents canadiens ayant des enfants de moins de 3 ans, on constate qu’à peine plus du quart des travailleurs canadiens déclarent que leurs employeurs offrent un service à cet égard en 2002. Aussi, on a pu observer que l’offre de services de soins aux aînés ne touche qu’un dixième de travailleuses et de travailleurs canadiens. En ce qui concerne l’impact du nombre d’enfants, il a un effet ambigu sur le temps de travail, les horaires et les aspirations en matière de temps de travail. En ce qui concerne l’intérêt pour la réduction du temps de travail, l’effet est aussi ambigu mais on observe que les personnes ayant un ou deux enfants sont celles qui souhaitent un peu plus une réduction d’heures. Par contre, on note qu’il y a un lien entre le nombre d’enfants et le désir d’heures additionnelles; plus on a d’enfants, moins on veut des heures additionnelles.


2010 ◽  
pp. 77-103 ◽  
Author(s):  
Matthieu LeBlanc

Cet article porte sur les pratiques langagières et le bilinguisme dans la fonction publique fédérale du Canada, et présente les résultats partiels d’une étude ethno-sociolinguistique menée dans un milieu de travail bilingue situé à Moncton, au Nouveau-Brunswick. Il sera plus précisément question des luttes et des tensions qui s’articulent autour du bilinguisme à la lumière des transformations sociales et économiques qu’ont connues les minorités linguistiques francophones du Canada depuis une quarantaine d’années.


2014 ◽  
Vol 34 (4) ◽  
pp. 257-269
Author(s):  
MS Zanchetta ◽  
C Maheu ◽  
C Fontaine ◽  
L Salvador-Watts ◽  
N Wong

Introduction Nous avons procédé à une évaluation qualitative des changements immédiats sur les plans de l'apprentissage et de l'attitude chez des professionnels de la santé et des services sociaux ayant participé à un atelier visant à susciter une réflexion critique sur la littératie en santé des Franco-Ontariens en situation de minorité linguistique. Méthodologie L'étude a été réalisée auprès de 41 professionnels francophones de la santé et des services sociaux. L'animatrice de l'atelier a utilisé des objets évocateurs pour susciter la réflexion sur la littératie en santé. Les sources de données étaient les enregistrements audio des discussions de groupes et les formulaires de rétroaction remplis par les participants. Résultats L'étude a révélé que l'atelier avait suscité chez les participants une prise de conscience à propos de la littératie en santé et les avait incités à promouvoir la littératie en santé dans leur pratique professionnelle. L'atelier a aussi élargi la vision de la littératie en santé qu'avaient les participants à sa dimension de déterminant social de la santé qui agit en synergie avec la culture, l'âge, le statut à l'égard de l'immigration, le soutien social et le statut socioéconomique. Conclusion Les professionnels ont estimé que la prise de conscience des problèmes de littératie en santé relevait d'une responsabilité collective. Cela corrobore notre hypothèse selon laquelle une pédagogie critique appliquée à la formation continue stimule chez les professionnels la prise de conscience de leur capacité à vouloir changer leur pratique et leur milieu de travail.


2009 ◽  
Vol 4 (1) ◽  
pp. 45-61 ◽  
Author(s):  
Marie-Josée Legault ◽  
Stéphanie Chasserio

Sommaire Il y a peu de femmes chez les professionnels qualifiés des services technologiques aux entreprises, métiers de l’informatique, en Europe comme en Amérique. Le mode d’organisation du travail qu’on y pratique est celui de la gestion par projets, qui a de multiples conséquences en termes de conditions de travail : l’importance des longues heures et la résistance à la réduction du temps de travail, les heures supplémentaires non payées, la très grande flexibilité exigée des employés, les aménagements d’heure ou de lieu de travail sujets à négociation avec le chef de projet, selon des critères arbitraires. Les femmes sont celles que défavorise un tel système, car on observe un lien entre la flexibilité à cet égard et le fait d’avoir la responsabilité principale des enfants.


2017 ◽  
Vol 72 (2) ◽  
pp. 294-321 ◽  
Author(s):  
Mélanie Lefrançois ◽  
Johanne Saint-Charles ◽  
Sylvie Fortin ◽  
Catherine des Rivières-Pigeon

L’influence positive du soutien organisationnel par le biais d’attitudes et de pratiques favorables à la conciliation travail-famille (CTF) est largement reconnue. En revanche, peu d’études ont porté un regard spécifique sur les dynamiques entourant ces pratiques au sein de milieux où une organisation inflexible du temps de travail complique la manifestation de soutien à l’égard de la CTF, tout en créant des défis de conciliation importants. Réalisée en partenariat avec des syndicats québécois, cette étude s’intéresse aux pratiques informelles de CTF au sein de commerces d’alimentation québécois, un secteur d’emploi faiblement rémunéré où les horaires sont imposés, étendus, imprévisibles et variables. L’analyse thématique d’un corpus de trente entretiens semi-dirigés réalisés auprès de travailleuses syndiquées, de gestionnaires, de représentantes et de représentants syndicaux montre que, en dépit de règles liées à la convention collective, le mode d’établissement des horaires, en apparence neutre, témoigne de l’importance du caractère informel des pratiques de CTF. Ces dernières sont souvent individuelles, voire secrètes, et elles sont perçues comme le fruit d’un traitement privilégié accordé à certaines personnes. Compte tenu de l’accès restreint aux possibilités d’accommodements, ces pratiques peuvent entraîner une dynamique de « chacun pour soi », ce qui affecte la qualité des rapports entre collègues. Certaines mères de famille étaient particulièrement désavantagées par les normes de flexibilité valorisées dans leur milieu de travail. Enfin, des pratiques informelles sont acceptées au sein du collectif si elles sont transparentes et en autant que les gains des uns n’engendrent pas d’injustice perçue pour les autres. L’étude amène un éclairage sur l’impact collectif des pratiques informelles de CTF en contexte d’horaires atypiques, imprévisibles et variables. Elle montre la nécessité, pour les entreprises ainsi que pour les syndicats actifs dans ces milieux, de créer des conditions favorables au développement de relations interpersonnelles saines et équitables, ainsi que des pratiques qui valorisent l’expression des enjeux de CTF.


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