Le "Grand Chant" D'Hylobates Concolor Leucogenys. Comparaison Avec Les Émissions Sonores Homologues D'H. Concolor Gabriellae Et D'H. Klossii (Iles Mentawei, Ouest Sumatra)
Malgré des travaux récents, la classification des Gibbons nous semble loin d'être établie de façon entièrement satisfaisante. Les émissions sonores, et en particulier le "grand chant", paraissent, plus que tout autre critère, soit anatomique, soit comportemental, susceptible d'élucider les problèmes taxomiques en suspens (DEMARS && GOUSTARD, 1972; GOUSTARD, 1965; GROVES, 1972). Le but de la présente analyse est précidément de montrer que deux sous-espèces du groupe des Hylobates concolor, l'une que nous avons pu observer au Laos, puis en France, dans des conditions semi-naturelles (les animaux pouvant se déplacer librement dans un terrain boisé, limité uniquement par un espace dégagé de toute végétation pendant 8 mois de l'année, et les autres mois par des céréales de faible développement, l'autre que nous avons pu observer dans plusieurs élevages, et dans notre laboratoire, peuvent être distinguées par le "grand chant". Ce travail porte sur l'analyse de seize chants choisis parmi 50 : huit émis au lever du soleil, huit autres émis au cours de la matinée (seconds chants). Nous avons précisé, comme nous l'avions fait chez H. concolor gabriellae (DEMARS, 1972; DEMARS && GOUSTARD, 1972), en utilisant la même méthode la valeur de certains paramètres temporels : durée d'émission des segments, du temps inter-segments, et modification de ces paramètres au cours de l'émission de la séquence sonore ; puis nous avons effectué une analyse acoustique de plusieurs chants (500 sonogrammes), relevé les fréquences fondamentales et les modifications de celles-ci au cours de l'émission. On montre I) que la stabilité du temps d'émission des segments apparaît plus tôt dans le "chant" d'H. concolor gabriellae que dans celui d'H. concolor leucogenys; toutefois quand le chant est parvenu à une certaine stabilisation, la durée d'émission des segments chez H. concolor leucogenys est environ le double de celle d'H. concolor gabriellae ; 2) la durée du temps inter-segments chez H. concolor leucogenys est inférieure au temps d'émission du segment, alorsque chez H. concolor gabriellae, on observe un phénomène inverse; 3) on ne constate pas de différence significative dans le rythme d'émission, entre les deux sous-espèces ; 4) les sons de gonflement du sac laryngien et les sons brefs caractérisent seulement les mâles adultes de la sous-espèce leucogenys; 5) les éléments modulés des segments sont émis dans les bandes de fréquence peu différentes de celles d'H. concolor gabriellae; la forme et l'évolution de la forme du premier élément de la partie modulée du segment est très semblable à celle d'H. concolor gabriellae, mais la durée de cet émément est régulièrement deux fois moindre; 6) la roulade apparaît plus tôt chez H. concolor leucogenys, au terme d'une évolution de la forme, très différente dans les deux sous-espèces. L'élément à roulade diffère par la durée et la forme. Enfin, la partie modulée du segment d'H. concolor gabriellae se déduit de celle d'H. concolor leucogenys dans une anamorphose temporelle de rapport 1/2. Nous n'avons pu mettre en évidence des différences importantes dans le rythme d'émission entre les premiers et les seconds chants. Cependant les temps inter-segments de ces derniers sont plus lings, et les temps d'émission des segments sont, en moyenne, plus courts. Les résultats justifient entièrement, au point de vue éthologique, la distinction des deux sous-espèces, H. concolor gabriellae et H. concolor leucogenys. Le développement progressif de l'émission montre qu'elle a une forte organisation temporelle, ce qui exlut qu'elle soit une suite aléatoire de sons. Nous avons ensuite comparé le grand chant d'H. concolor leucogenys et celui d'H. klossii, espèce qui possède une émission sonore organisée sur une longue période, puis abordé le problème du dimorphisme sexuel dans le grand chant d'H. concolor leucogenys et d'H. klossii.