Hermann Rorschach s’est intéressé aux différences culturelles ou ethniques en étudiant les Bernois, tout particulièrement ceux de la partie centrale du canton, et les gens d’Appenzeller. Depuis, beaucoup de travaux ont porté sur les différences ethniques. Les textes de référence sont ceux de Henry et Spiro, De Vos, Boyer et plus généralement l’ouvrage d’Abel (1973). Avec l’arrivée du Système intégré (SI), des normes ont été établies durant les années 1973–1986, sur des populations d’adultes en bonne santé et bien intégrés sur le plan social et professionnel, ainsi que pour divers groupes psychopathologiques. Actuellement, les praticiens du Rorschach àtravers le monde se sont mis àmettre en doute l’universalité, c’est-à-dire la valeur étique, de ces normes. Il est important d’observer que les seuils de signification ont été établis de manière empirique par les Rorschach Workshops tout au long des trois dernières décennies du siècle dernier. Récemment, Exner (2002) a publié les premiers résultats d’une nouvelle étude de non-consultants, réalisée selon les même principes que précédemment, avec dans l’ensemble, des résultats similaires. Plus l’utilisation du Système intégré se répandait, et plus nombreuses devinrent les données locales de référence. Un certain nombre d’entre elles comportent de nettes différences avec les normes des Rorschach Workshops. Au congrès d’Amsterdam de 1999, Erdberg et Shaffer ont réuni les données obtenues dans divers pays: France, Tunisie, trois études américaines, deux études italiennes, Japon, Espagne, Danemark, Finlande, Belgique, Portugal, Pérou et Argentine. Shaffer et Erdberg en ont fait une nouvelle présentation au congrès de la Society for Personality Assessment Í Philadelphie en 2001, mettant en évidence des similarités, mais aussi des différences. Dans cette section spéciale de Rorschachiana, nous essayons de contribuer àcette question si importante mais aussi si complexe. La section comporte cinq articles portant sur les différences interculturelles écrits par les auteurs suivants: 1. Hélène Salaün de Kertanguy et Anne Andronikof, 2. Alicia Martha Passalacqua, Lelia Sandra Pestana, et autres, 3. Regina Sonia Gattas Fernandes do Nascimiento, 4. Outi Kalla, Jarl Wahlström, Jukka Aaltonen, Juha Holma, Pentti Tuimala, et Carl-Erik Mattlar, et 5. Carl-Erik Mattlar. A la lecture de ces articles, on s’aperç oit que chacun apporte quelque chose d’original: des données nouvelles, des problèmes méthodologiques, etc. Le premier est une étude de terrain réalisée sur des populations tribales aux Indes qui se trouvent en danger sur les plans culturel et physique en raison de changements qui leur ont été imposés. Le Rorschach (SI) a été utilisé pour mettre en lumière la faç on dont ils se sont aménagés face au traumatisme que représente la perte de leur environnement socioculturel. Les chercheurs se sont heurtés àun certain nombre de problèmes liés àla recherche de terrain et àl’interprétation des résultats. Ils ont néanmoins pu montrer comment les sujets ont réagi àla détresse induite par la situation déstructurante àlaquelle ils étaient confrontés. Le deuxième est une comparaison très intéressante entre la série parallèle des planches de la Scuola Romana Rorschach et les planches originales de Rorschach réalisée dans deux échantillons de population en Argentine. Le problème toutefois vient de ce que la cotation des protocoles s’est faite d’après la méthode développée par l’école argentine, basée sur les méthodes de Klopfer et de Bohm. Alors que les deux séries de planches ont produit principalement des résultats similaires, il est difficile de transposer ces résultats àd’autres méthodes de cotation internationalement utilisées. Le troisième consiste en une importante étude normative brésilienne (n = 200 adultes non consultants), dont certains résultats accusent de nettes différences avec les normes en Système intégré. Par exemple, le Mode de R est de 14 (23 dans les normes américaines), et la moyenne de Lambda est de 1,07 (0,60 dans les normes américaines). L’auteur met en évidence l’influence majeure du niveau socioculturel dans ces résultats. Le quatrième est une recherche dans le domaine psychiatrique qui compare 41 patients finlandais à32 espagnols, qui présentent des tableaux de schizophrénie débutante, de troubles schizophréniforme, schizoaffectifs, des états délirants ou encore des épisodes psychotiques aigus. Les résultats montrent que les patients psychotiques, en Finlande comme en Espagne, manifestent un certain nombre de caractéristiques communes. Les différences principales entre ces deux groupes de patients se situaient dans les secteurs de la perception de soi et des relations interpersonnelles. Les auteurs pensent que ces données traduisent bien de véritables différences interculturelles de la personnalité. Le cinquième est une revue de question qui s’interroge sur le caractère étique ou émique du Rorschach. Autrement dit, les normes produites par les Rorschach Workshops sont-elles valables universellement (étique), ou sont-elles spécifiques àchaque culture (émique) ? Dans ce dernier cas, nous avons non seulement besoin de normes différentes pour chaque culture, mais aussi une grande quantité de recherches empiriques qui établissent de nouveaux seuils de signification pour toutes les variables. Les recherches les plus récentes (Erdberg & Shaffer, 1999; Shaffer & Erdberg, 2001; Exner, 2001, 2002; Meyer, 2001, 2002) semblent soutenir l’idée que le Rorschach est un instrument étique. Si l’on veut conduire des comparaisons internationales, il faut porter une attention toute particulière aux groupes étudiés (Weiner, 2001a) comme aux modes d’administration et de cotation des protocoles, ainsi qu’àla compétence des personnes responsables de l’étude. align="left" language="inherit">Dans son ensemble, cette section spéciale met en lumière un certain nombre d’aspects tout àfait critiques et intéressants de l’utilisation du Rorschach dans le monde. Il me semble que la lecture attentive de ces cinq articles très différents vaut vraiment la peine et qu’elle est riche en enseignements.