scholarly journals Le monde tel qu’il sera en l’an 3000 d’Émile Souvestre : un miroir des peurs suscitées par le capitalisme industriel

2021 ◽  
pp. 87-98
Author(s):  
Nicolas Mary

Le monde tel qu’il sera en l’an 3000, écrit par Émile Souvestre en 1845, est volontiers considéré comme la première dystopie française. Il inaugure en effet cette pratique qui consiste à projeter dans le futur une situation contemporaine exacerbée de manière à lui donner valeur d’alarme. Or, ce voyage dans le temps participe d’une tradition qui voit utopies et dystopies s’interpeller et se poser en interlocutrices des sciences sociales et politiques. Le monde tel qu’il sera… peut ainsi être appréhendé comme une réponse aux constructions doctrinales qui manifestent une foi inébranlable en l’avenir. Car, comme Saint-Simon, Souvestre considère que le progrès technique ne peut mener à l’avènement de la cité idéale que s’il est conjugué à un progrès moral, auquel il entend contribuer en montrant à ses contemporains les conséquences désastreuses à long terme de la doxa providentialiste qui domine ce milieu du XIXe siècle.

2008 ◽  
Vol 29 (2) ◽  
pp. 37-58
Author(s):  
Darío Roldán

François Furet écrit Le Passé d’une illusion, un essai critique sur l’idée communiste au XXe siècle, presque quarante ans après avoir quitté le parti où il avait milité entre 1949 et 1958. Cet essai est aussi un manifeste historiographique dans lequel une critique des « sciences sociales » escorte la revendication d’une histoire « philosophicopolitique », alors que les premiers travaux de Furet avaient été consacrés à l’étude de la structure sociale en France au XVIIIe siècle.


2005 ◽  
Vol 15 (2-3) ◽  
pp. 135-165 ◽  
Author(s):  
Jean-Charles Falardeau

Lecture empirique de la société, la sociologie n'a pu apparaître, comme les autres sciences de l'homme, qu'au stade où le mode de connaissance scientifique avait déjà prouvé sa validité dans ses explorations de l'univers physique. Les sciences de la culture ont suivi les sciences de la nature. Quelle que soit la justesse de la loi des trois états de Comte, force est de reconnaître que ces sciences de la culture, au moment où elles se manifestent, entrent en conflit avec les théologies et les philosophies auxquelles elles cherchent à se substituer. Plus qu'aucune autre des sciences de l'homme toutefois la sociologie n'a cessé de poursuivre une sorte de quête pirandellienne d'elle-même, de s'interroger sur sa nature et sur le degré d'extension de son objet, le social. Auto-interrogation et auto-justification semblent irrévocablement associées à la trame de sa réflexion. Science des phénomènes sociaux, la sociologie est aussi conscience de la société. Elle est réponse à des questions, à des défis posés par la société. Dans la mesure où elle est apparue, au début du XIXe siècle, après" que les sociétés occidentales eurent acquis un certain développement technique et des structures capitalistes, elle a été une prise de conscience de la modernisation de la société2. Prise de conscience aussi des décalages entre les idéaux professés et les conditions concrètes de l'existence collective. Aussi bien, la sociologie n'a pu manquer de manifester des caractéristiques spécifiques selon les sociétés particulières où elle a été pratiquée. Entremêlées à l'ambition de créer une science générale de la société, se sont élaborées des sociologies « nationales » : française, allemande, anglaise, américaine, russe, etc., — c'est-à-dire, des orientations de l'inquisition sociologique correspondant aux questions proposées par l'évolution de chaque société particulière, correspondant aussi aux caractères dominants de la pensée scientifique et aux modes selon lesquels chacune de ces sociétés la transmettait par son système d'enseignement. sont là des truismes. Ils devraient cependant jalonner l'ambition de quiconque entreprendrait de mettre en complète lumière la naissance et 'évolution de la sociologie au Québec : rappeler les traits marquants des états de notre société qui ont précédé et accompagné cette naissance, conditionné cette évolution ; évoquer l'histoire des idées et des mentalités ; dégager les circonstances dans lesquelles se sont manifestées les recherches scientifiques et, en particulier, celles des sciences sociales; reconstituer les transformations de l'enseignement supérieur qu'elles ont entraînées ou qui les ont rendues possibles ; retracer enfin les influences internes ou externes, directes ou indirectes qui ont joué sur les premières manifestations de la sociologie. Un volume entier suffirait à peine à réaliser un tel programme. Notre dessein est plus restreint et, tout en ne perdant pas de vue ces questions essentielles, nous tenterons plus simplement de cerner quelques-uns des facteurs qui semblent avoir été décisifs dans les étapes qu'a franchies la sociologie au Québec et de noter sa physionomie particulière à chacune de ces étapes. Précisons, si besoin en est, que nous nouslimiterons au Québec de langue française.


2002 ◽  
Vol 57 (3) ◽  
pp. 753-772
Author(s):  
James Turner ◽  
Eli Commins

RésuméLes historiens des États-Unis présument que le mot «science», au XIXe siècle, signifiait, implicitement, les sciences naturelles, tout comme au XXe siècle. Il en résulte qu’ils attribuent les changements profonds dans la vie intellectuelle à l’importance grandissante des sciences naturelles. Une lecture plus attentive montre que «science», avant 1900, avait un sens plus large, comprenant les sciences humaines tout autant que les sciences naturelles. Cette reconsidération de la carte épistémologique de l’Amérique du XIXe siècle apporte un éclairage nouveau sur les traits déterminants de la vie intellectuelle des années post-1900, tels que l’essor des sciences sociales, la formation des universités consacrées à la recherche et l’origine de la modernité séculaire elle-même.


2008 ◽  
Vol 48 (2) ◽  
pp. 153-185 ◽  
Author(s):  
Yvan Lamonde

RÉSUMÉ « L'intellectuel » apparaît en France au moment de l'affaire Dreyfus et constitue une figure typique du milieu culturel français jusqu'à ses représentants les plus fameux, Jean-Paul Sartre et Albert Camus. Le substantif « intellectuel » est utilisé pour la première fois au Québec par Léon Gérin en 1901 et devient de plus en plus usuel dans l'Action française et à Parti pris en passant par André Laurendeau et la jeunesse de la Crise, chez les universitaires de l'Ecole des Sciences sociales de l'Université Laval et les collaborateurs de Cité libre et de Liberté. Le présent article tente de répondre à la question suivante : pourquoi l'intellectuel francophone ne fut-il pas possible au Québec avant 1900 ? Tout en comparant les sociétés française et québécoise, nous analysons le lexique qui désigne le phénomène et les conditions socioculturelles qui rendent possible l'intellectuel; nous proposons une mesure des professions culturelles d'où pouvait émerger cet intellectuel et nous scrutons les formes d'expression et de sociabilité du milieu culturel québécois du XIXe siècle. En ayant à l'esprit l'évolution de l'intellectuel québécois francophone au XXe siècle, nous proposons quelques explications à son émergence spécifique.


2003 ◽  
Vol 20 (2) ◽  
pp. 59-83 ◽  
Author(s):  
Fanny Colonna

Résumé Un regard aveuglé Anticléricalisme par excès d'humanisme universaliste en Algérie II s'agit ici de réfléchir sur l'extrême difficulté, qui semble particulière au champ français, à penser l'islam, depuis sa rencontre en Algérie, au début du XIXe siècle. L'hypothèse centrale de cette confrontation est que le statut singulier de la religion en France depuis la Révolution française, plus précisément les liens très complexes que la naissance des sciences sociales au XIXe siècle entretient avec elle, obscurcit la vision de l'islam depuis ce moment et jusqu'à aujourd'hui. On s'est concentré plus particulièrement sur un modèle qui paraît rendre compte des oscillations du savoir/non-savoir sur l'islam, depuis le premier tiers du XIXe siècle : euphémiser, minimiser (ou éradiquer) l'islam en Afrique du Nord fut plutôt le projet bien intentionné des républicains et des indigènophiles que celui des colons ou de la droite. On retrouve un surgeon de cela durant la guerre d'Algérie : le mythe d'un FLN laïque ne fut-il pas d'abord le produit d'une relation en miroir entre celui-ci et une gauche (chrétienne) encore marquée par son histoire récente avec le PCF (1940-1945). On a tenté de montrer que les racines de cette méconnaissance répétitive se trouvaient sans doute dans un anticléricalisme tenace, de nature plus cognitive qu'idéologique, qui renvoie à trois peurs : le rejet de l'Ancien Régime ; les périls que la religion ferait encourir à l'État ; le refus enfin de la croyance, de l'émotion et du non-rationnel en général, qui fonde la tyrannie du positivisme scientifique. Mots clés : Colonna, anticléricalisme, islam, chrétiens de gauche, acteurs


2002 ◽  
Vol 14 (2) ◽  
pp. 133-142
Author(s):  
Immanuel WALLERSTEIN

Résumé Inventées au xixe siècle, les sciences sociales véhiculent les trois présuppositions suivantes : 1) les phénomènes sociaux se comportent, comme les phénomènes naturels, de façon prévisible (ou du moins analysable) et sont donc sujets à l'intervention et à la manipulation; 2) l'histoire moderne est celle de la "modernisation", c'est-à-dire celle du progrès ou du développement, les traînards n'ayant pas d'autre choix que de rattraper; la société, en tant qu'entité distincte de l'État, est l'unité de base de la science sociale. Cette dernière présupposition rend possible deux options fondamentales : l'une ("universalisation") qui cherche à établir des lois universelles parce que toutes les sociétés sont semblables et l'autre ("sectorialisation") qui refuse toute généralisation parce que toutes les sociétés sont différentes. Contre cette épistémologie de la science sociale dominante se sont développées, après 1945 et surtout depuis la fin des années 1960, des "écoles de résistance" - l'économie historique en Allemagne, l'école des Annales en France et le marxisme (non-officiel) - qui obligent à penser holistique-ment et dialectiquement et aussi à lier la réflexion théorique à la praxis.


1993 ◽  
Vol 48 (5) ◽  
pp. 1221-1230 ◽  
Author(s):  
Gérard Lenclud

Idéal nomologique pas mort dans les sciences sociales. Telle est, en style télégraphique, la nouvelle qu'on se doit d'annoncer sitôt refermé Y Essai d'épistémologie d'Alain Testart*. On imaginait, en effet, à peu près admise par tous, quoique pour des motifs différents, l'idée que la connaissance de l'homme social par l'homme relevait d'un autre genre de savoir que la connaissance par ce même homme des phénomènes de la nature. Cela allait, nous semblait-il, de nos jours presque sans dire, pas toujours pour de bonnes raisons. On s'abandonnait donc à croire que prévalait, dans la communauté savante, le sentiment d'une dualité insurmontable de régime épistémologique entre sciences déductives et expérimentales d'une part, sciences humaines et sociales de l'autre. Le véritable combat à mener, à l'intérieur des sciences ni déductives ni expérimentales, paraissait consister à faire reconnaître, pièces en mains, aux utilisateurs du modèle physicaliste (et aux gestionnaires de la recherche qui se recrutent parmi eux) la dignité des procédures intellectuelles mises en oeuvre dans les disciplines appliquées à l'étude des actions et des oeuvres de l'homme. De quel droit le discours de la généralité naturelle s'arrogerait-il le monopole de l'intelligibilité scientifique ? Or voici que, venue de l'anthropologie, une voix s'élève pour affirmer le plus simplement possible, par l'intermédiaire d'un court ouvrage au ton alerte, peu encombré de références bibliographiques, que le monde social constitue bien une nature au sens kantien du terme: quelque chose qui doit être conçu comme existant sous des lois. Elle nous somme de nous débarrasser au plus vite de toutes sortes de préjugés, de renouer avec l'inspiration du xixe siècle et l'espèce de raideur qui la caractérisa, de reprendre le projet d'une « physique sociale » comme laissé en plan depuis l'époque des pères fondateurs.


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