scholarly journals La Télé-commande

2020 ◽  
Vol 59 (3) ◽  
pp. 289-310
Author(s):  
Yves Gilonne

Nous proposons d’étudier comment l'acte de nomination de la cybernétique place la pensée au sein d'une analogie fondamentale ( kybernètes) entre « piloter » (un navire) et « gouverner », entraînant la réduction du champ conceptuel de « commandement » à celui de « contrôle » qui influe de façon déterminante sur nos conceptions de ce que « penser » veut dire. Nous replacerons cette analogie nautique au sein de son riche héritage philosophique, attesté au moins depuis Platon, afin d’évaluer comment le traitement cybernétique du concept-source de pilote se caractérise paradoxalement par l'effacement de son dispositif technique (capitaine, gouvernail, navire), entraînant la virtualisation de son appareil symbolique (pensée, langage, corps) et donc la réduction du concept-cible ( gouverner) à la notion de « contrôle ». La cybernétique opère ainsi un transfert de matérialité entre source et cible qui fait de gouverner un simple appareil technique dans l'oubli de la valeur différentielle de toute analogie qui tient précisément en la non-coïncidence de ses termes. Par « télé-commande » nous désignons le contrôle du programme de la raison réduite à une intelligence devenue artificielle et l'intégrisme de son circuit d'opération qui se renvoie un monde à son image. Nous verrons comment ce mode de pensée se caractérise par la réduction de l’écart entre input/output, source et cible, symbolisée notamment par les nouvelles technologies de contrôle à distance ( télé-commande). La notion de « contrôle » s'avère alors insuffisante pour modéliser le « gouvernement » de soi, des autres et du monde, invitant à une redéfinition de la notion de « commandement » en sa portée éthique.

2020 ◽  
pp. 172-186
Author(s):  
Cristóbal Farriol
Keyword(s):  

Y a-t-il une entité de l’art ? Pour Duchamp oui, à condition d’en faire une entité vide, produit d’une non-coïncidence entre l’intention de l’artiste et l’interprétation du spectateur. Plus cet écart est accentué, plus l’objet artistique porte ce qu’il nomme « le coefficient d’art ». Nous proposons l’hypothèse d’une correspondance entre l’inadéquation propre au coefficient d’art duchampien, et l’inadéquation propre à l’inconscient. Pour l’argumenter, nous travaillerons le texte « Le processus créatif », et parcourions les moments chez Freud où quelque chose de l’inadéquation est en jeu dans la structure de l’inconscient. Ensuite, nous verrons chez Lacan l’une de ses formalisations pour une inadéquation fondatrice du sujet : aliénation et séparation. Le résultat de cette analyse nous permettra d’argumenter une certaine équivalence entre l’objet artistique selon Duchamp et l’objet cause du désir chez Lacan.


Author(s):  
Axel Gautier ◽  
Julien Jacqmin

Tarif prosumer : ces deux mots ont fait couler beaucoup d’encre dernièrement. Alors qu’ils utilisent le réseau de distribution d’électricité pour injecter et pour prélever de l’électricité, les prosumers, principalement des particuliers ayant installés des panneaux photovoltaïques sur leur toit, ne contribuent presque pas à son financement. Cela s’explique par le fait que la facture est basée sur la consommation nette, c’est à dire le solde entre les prélèvements et les injections d’électricité sur le réseau. Pour une installation photovoltaïque dont la production est supérieure ou égale à la consommation, les deux flux se compensent et la facture est quasi nulle. Acté depuis 2 ans, le tarif prosumer proposé par la CWaPE, le régulateur de l’énergie en Wallonie, a pour objectif de faire contribuer plus équitablement les prosumers au financement du réseau électrique à partir de janvier 2020. Cependant en janvier 2019, le Ministre de l’Energie a souhaité limiter l’application de ce tarif prosumer aux installations postérieures à juin 2019, exonérant ainsi les plus de 150 000 ménages disposant actuellement d’une unité de production décentralisée chez eux. Au-delà de cette controverse, l’objectif de ce numéro de Regards économiques est d’expliquer pourquoi la tarification actuelle est inadaptée à l’émergence de ces ménages qui sont à la fois producteurs et consommateurs d’électricité. Cet article se base sur les résultats de nos travaux scientifiques appliqués à la situation wallonne. Nous y montrons qu’un tarif calculé sur base volumétrique via un compteur ne permettant pas de mesurer séparément le prélèvement et l’injection d’électricité ne crée pas des incitations correctes pour les prosumers. Entre autres, nous observons que ce système n’encourage pas de la meilleure manière possible l’autoconsommation, c’est-à-dire la consommation de l’électricité sur son lieu de production, et qu’il mène dans certains cas à une augmentation de la consommation d’électricité des prosumers. Sur base de ces constats, nous proposons de faire évoluer la tarification actuelle afin d’éviter ces lacunes et de mieux refléter les différents services rendus à l’ensemble des utilisateurs du réseau. Tout d’abord, la structure tarifaire doit évoluer et la facture doit moins dépendre du volume d’électricité consommé. Pour maintenir les revenus du réseau, une redevance réseau fixe plus importante doit être mise en place. Celle-ci devrait être capacitaire et calculée sur base de la consommation de pointe. Enfin, il nous semble indispensable de différencier le tarif lié au prélèvement et à l’injection d’électricité via un basculement généralisé vers des compteurs double flux. Les nouvelles technologies chamboulent les interactions entre les différents consommateurs et le réseau d’électricité. Aujourd’hui, ce sont les technologies de production décentralisée et demain ce sera au tour des batteries ou de l’autoconsommation collective. Rien n’est immuable et la tarification se doit d’évoluer face aux changements observés. Les travaux de recherche discutés dans ce numéro de Regards économiques sont réalisés dans le cadre du projet de recherche Transition énergétique, consommateurs et réseaux – TECR qui est financé par la Région Wallonne et dont la conférence de clôture aura lieu le 21 mars à Liège. Renseignements et inscriptions : https://hec-liege.events.idloom.com/transition-energetique-PM


Author(s):  
Axel Gautier ◽  
Julien Jacqmin

Tarif prosumer : ces deux mots ont fait couler beaucoup d’encre dernièrement. Alors qu’ils utilisent le réseau de distribution d’électricité pour injecter et pour prélever de l’électricité, les prosumers, principalement des particuliers ayant installés des panneaux photovoltaïques sur leur toit, ne contribuent presque pas à son financement. Cela s’explique par le fait que la facture est basée sur la consommation nette, c’est à dire le solde entre les prélèvements et les injections d’électricité sur le réseau. Pour une installation photovoltaïque dont la production est supérieure ou égale à la consommation, les deux flux se compensent et la facture est quasi nulle. Acté depuis 2 ans, le tarif prosumer proposé par la CWaPE, le régulateur de l’énergie en Wallonie, a pour objectif de faire contribuer plus équitablement les prosumers au financement du réseau électrique à partir de janvier 2020. Cependant en janvier 2019, le Ministre de l’Energie a souhaité limiter l’application de ce tarif prosumer aux installations postérieures à juin 2019, exonérant ainsi les plus de 150 000 ménages disposant actuellement d’une unité de production décentralisée chez eux. Au-delà de cette controverse, l’objectif de ce numéro de Regards économiques est d’expliquer pourquoi la tarification actuelle est inadaptée à l’émergence de ces ménages qui sont à la fois producteurs et consommateurs d’électricité. Cet article se base sur les résultats de nos travaux scientifiques appliqués à la situation wallonne. Nous y montrons qu’un tarif calculé sur base volumétrique via un compteur ne permettant pas de mesurer séparément le prélèvement et l’injection d’électricité ne crée pas des incitations correctes pour les prosumers. Entre autres, nous observons que ce système n’encourage pas de la meilleure manière possible l’autoconsommation, c’est-à-dire la consommation de l’électricité sur son lieu de production, et qu’il mène dans certains cas à une augmentation de la consommation d’électricité des prosumers. Sur base de ces constats, nous proposons de faire évoluer la tarification actuelle afin d’éviter ces lacunes et de mieux refléter les différents services rendus à l’ensemble des utilisateurs du réseau. Tout d’abord, la structure tarifaire doit évoluer et la facture doit moins dépendre du volume d’électricité consommé. Pour maintenir les revenus du réseau, une redevance réseau fixe plus importante doit être mise en place. Celle-ci devrait être capacitaire et calculée sur base de la consommation de pointe. Enfin, il nous semble indispensable de différencier le tarif lié au prélèvement et à l’injection d’électricité via un basculement généralisé vers des compteurs double flux. Les nouvelles technologies chamboulent les interactions entre les différents consommateurs et le réseau d’électricité. Aujourd’hui, ce sont les technologies de production décentralisée et demain ce sera au tour des batteries ou de l’autoconsommation collective. Rien n’est immuable et la tarification se doit d’évoluer face aux changements observés. Les travaux de recherche discutés dans ce numéro de Regards économiques sont réalisés dans le cadre du projet de recherche Transition énergétique, consommateurs et réseaux – TECR qui est financé par la Région Wallonne et dont la conférence de clôture aura lieu le 21 mars à Liège. Renseignements et inscriptions : https://hec-liege.events.idloom.com/transition-energetique-PM


Author(s):  
Christophe Dubois ◽  
Philippe Dambly

Depuis une quinzaine d’années, les avocats évoluent sur un marché des services juridiques de plus en plus concurrentiel, libéralisé et mondialisé (Bessy, 2015) et observent, avec inquiétude et excitation, l’émergence de nouvelles technologies juridiques : les legaltechs. Cette notion est souvent utilisée comme un nom au pluriel - les legaltechs - désignant aussi bien des plates-formes, des start-ups, des logiciels ou des applications. Nous proposons ici de l’employer comme un adjectif qualifiant certains projets visant à fournir des services juridiques en ligne via un traitement digitalisé. Un nombre croissant d'entrepreneurs développent et commercialisent diverses solutions numériques pour fournir des services juridiques en ligne censés être plus rapides, plus accessibles et moins chers (Dubois & Schoenaers, 2019). Parmi eux, plusieurs avocats ont développé des plateformes de mise en relation avec des professionnels du droit, des outils d’aide à la rédaction de documents juridiques, des moteurs de recherche documentaire, des systèmes de gestion de l’information, etc. Malgré ce foisonnement d’innovations, rares sont les études proposant une analyse empirique de tels projets (Kirat & Sweeney, 2019). Leur rareté pose question. Qui sont ces avocats entrepreneurs ? Comment conçoivent et développent-ils leurs projets ? Quels défis posent-ils à leur profession ?


2019 ◽  
Author(s):  
Nathalie Leclercq
Keyword(s):  

Florimont, d’Aimon de Varennes, un trouvère lyonnais du XIIe siècle, semble avoir été écrit en 1188, mais sa datation demeure incertaine. Ce roman narre comment un jeune homme, profondément épris d’une fée, est amené à trahir malgré lui celle qu’il aime, perdant ainsi son amour et comment, après bien des souffrances, le jeune héros se console auprès d’une autre et devient roi. Tout au long des aventures de Florimont, son maître Flocart l’accompagne, le guide et l’éduque par des discours fortement moralisateurs. Nous nous proposons d’étudier comment ce personnage, qui, selon Katalin Halász, participe d’un pouvoir supérieur ou de l’omniscience du narrateur, construit sa relation avec son élève, dans un but d’édification individuelle et collective. Nous verrons tout d’abord que Flocart assume une double fonction diégétique qui favorise le processus d’individuation de son élève. Nous montrerons ensuite que ses multiples interprétations des rêves lui confèrent le rôle de maître de vérité qui sacralise le destin de Florimont. Nous observerons, enfin, que les discours parémiologiques de Flocart prennent des allures de miroir aux princes propre à révéler à son jeune élève les principales qualités d’un bon roi en plaçant la largesse au cœur des relations humaines et politiques.


Author(s):  
Razika Tahi ◽  
Farida Bouarab-Dahmani ◽  
Ali Khelid

Ces deux derniêres décennies, l'environnement social et culturel en Algérie a connu, dans les domaines de l'information et de la communication, un grand bouleversement avec l'apparition de nouvelles technologies. Les campus universitaires ont essayé de suivre cette mutation en se dotant de moyens informatiques didactiques adéquats et três performants (laboratoires multimédia, médiathêque, espace Internet, espace audiovisuel, etc). Puis, un Programme National de télé-enseignement três ambitieux a été mis en place par le Ministêre de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, ce qui a permis de mettre en service, dès 2008, des cellules de télé- enseignement et de visioconférences dans un grand nombre d'universités. Cependant, malgré ces investissements importants en équipement sophistiqué, les usages des Technologies de l'Information et de la Communication dans l'Enseignement n'ont pas suivi le même rythme de croissance. Il y a une sous-utilisation de ces outils de travail qui sont de puissants outils à potentiel cognitif. Situation aggravée par les routines pédagogiques, administratives, bureaucratiques, et managériales qui ont engendré des inerties à tous les niveaux. Bien que théoriquement les TICE puissent être considéré comme un instrument pédagogique adapté au milieu universitaire, sa mise en pratique est assez difficile à mettre en oeuvre car elle nécessite des changements dans la gestion au sein de l'université. L'objet de cette communication concerne la visioconférence. Si cette derniêre doit correspondre théoriquement à un besoin réel dans l'enseignement au sein des universités algériennes, son usage n'en est rien dans la pratique. L'usage de la visioconférence en Algérie est des plus déconcertants. Aprês cinq ans de sa mise en service, les salles équipées du matériel adéquat sont encore sous utilisées et parfois même pas utilisées!! L'une des plus grandes contradictions entre les objectifs MESRS et l'usage de la visioconférence est que d'une part la tutelle désire diffuser l'enseignement à un três grand nombre d'étudiants (des milliers), et d'autre part les salles de visioconférence ne peuvent recevoir qu'un nombre limité d'étudiants (généralement inférieur à 100). Alors comment concilier cet objectif et l'usage de ce matériel ? Doit-on prendre le risque de faire des investissements supplémentaires alors que les premiers investissements n'ont pas été rentabilisés ? Nous ne croyons pas que ce serait une bonne solution, pour cela nous proposons dans cette communication, aprês la présentation d'un état des lieux de la visioconférence en Algérie (sur la base d'un sondage), des usages pouvant répondre aux besoins nationaux tout en tenant compte des potentialités humaines disponibles.


2013 ◽  
Vol 5 (1) ◽  
Author(s):  
Bérénice Waty
Keyword(s):  

Qu’est-ce qu’un livre quand on ne sait pas lire et que l’on en est à l’âge des peluches, des jeux et de la maternelle? Est-ce que les tout-petits ont même des choses à dire sur cet objet, voire tiennent-ils un discours à son sujet ou sur la pratique de la lecture? C’est ce que nous nous proposons d’analyser avec les matériaux d’une enquête ethnographique menée au sein de 7 classes de maternelle, où des enfants entre trois et six ans ont abordé librement leurs représentations du livre, en proposant, via leurs dessins ou leurs remarques et par rapport à d’autres objets (télévision, DVD), une définition de l’objet-livre et de ses usages. Si lire pour eux peut se résumer à avoir accès à « des histoires avec des dessins et des lettres », nous verrons combien leurs analyses peuvent être pertinentes, parfois dignes des « grandes personnes ».


2014 ◽  
Vol 29 (S3) ◽  
pp. 667-667 ◽  
Author(s):  
E. Carasco

La musicothérapie constitue un soin pertinent pour les enfants présentant un TSA. Elle offre des effets sur les altérations des modalités de communication, d’interaction et de compétences sociales des patients. Ces données, détaillées par des travaux cliniques et théoriques essentiellement dans le domaine de la psychopathologie, trouvent aujourd’hui des pistes de compréhension étio-pathogénique dans les travaux d’imageries cérébrales et de neurosciences en général.La perception des sons, en particulier, participe à la construction du langage préverbal et verbal, dans une dimension dyadique d’interaction telle que le définissent les modèles neuropsychologiques du développement, en articulation avec les théories psychodynamiques. Ces nouveaux modèles permettent de penser que la musicothérapie peut avoir un intérêt majeur dans la prise en charge précoce des patients autistes.Nous verrons en quoi les perceptions sont modifiées dans l’autisme et comment les processus d’accordage affectif et de communication peuvent être soutenus et améliorés en musicothérapie, spécifiquement dans des dimensions vocales et rythmiques.Une revue complète de la littérature concernant les effets et l’efficacité de la musicothérapie sur les troubles relationnels dans l’autisme fait apparaître un manque d’études rigoureuses et des méthodologies hétérogènes, souvent discutables. Partant de ce constat, en prenant en compte les liens entre les spécificités de la musique, les caractéristiques de la perception sonore du patient TSA et les modalités d’interactions entre le thérapeute, le patient et la musique, nous proposons une étude clinique d’évaluation de l’efficacité de la prise en charge en musicothérapie sur les symptômes autistiques. Cette recherche se déroule auprès d’enfants TSA âgés de 4 à 7 ans, en simple aveugle, sur 9 mois, dans les lieux de soin des patients.Cette étude, qui débute en octobre 2014 au CHU de Nantes sera présentée dans sa méthodologie et les résultats attendus seront discutés.


Hawwa ◽  
2017 ◽  
Vol 15 (1-2) ◽  
pp. 129-151
Author(s):  
Lisa Bossenbroek

RésuméL’État marocain décida en 2006 de privatiser les terres des coopératives de la réforme agraire créée au début des années 1970. Cette dynamique foncière s’inscrit dans des processus plus larges de changements agraires, qui se manifeste entre autre par la vente des terres, l’introduction de nouvelles cultures à forte valeur ajoutée, l’utilisation de nouvelles technologies (forage et goutte-à-goutte) et des transformations dans les relations de travail. Ces changements auront une influence sur le développement de l’agriculture familiale et les relations de genres. À la base d’un travail ethnographique et historique portant sur une coopérative dans la plaine du Saïss, nous suggérons d’ouvrir la « boite noire » de l’agriculture familiale pour illustrer les dynamiques de genre qui marquent aujourd’hui l’impact des changements agraires. À travers ce regard nous illustrons dans un premier temps comment, pendant la période de la coopérative la terre, l’exploitation et la famille paysanne étaient intimement liées. Les activités et l’organisation autour de la terre forment les identités des hommes et des femmes paysans. Aujourd’hui, nous illustrons au travers de différentes trajectoires de familles paysannes comment ce modèle est en mutation. Les dynamiques agraires offrent de nouvelles opportunités à certains jeunes hommes et agriculteurs « modernes ». Cependant, différentes femmes paysannes ne trouvent plus de fierté dans le travail agricole et essaient de développer de nouvelles identités féminines rurales, ce qui n’est pas facile. Ainsi, nous verrons que le devenir de l’agriculture paysanne dépendra fortement de cette nouvelle génération de jeunes agriculteurs et agricultrices et de leurs aspirations à moderniser leur devenir.


2018 ◽  
Vol 57 (3) ◽  
pp. 206-213
Author(s):  
Nicolas Brémaud

L’auteur se propose de revenir sur ce délire bien particulier qu’est le délire de relation des sensitifs (ou paranoïa sensitive), isolé par Kretschmer en 1918. Si le nom de Kretschmer est assez peu cité dans la littérature, les « caractères » sensitifs mis en avant sont pourtant encore souvent repris dans la description de tableaux cliniques de certaines formes de paranoïa, et nous montrerons ainsi que ce délire est bien d’actualité. Après avoir exposé les grandes lignes de la conception kretschmérienne et donc les particularités de la paranoïa sensitive, nous proposons une courte revue de la littérature, la façon dont ce délire fut reçue dans le champ psychanalytique, et nous proposerons enfin en guise d’ouverture un regard lacanien qui permet à certains égards de rapprocher la paranoïa sensitive de la psychose dite « ordinaire ». Cette forme singulière de paranoïa se révèle bien différente du tableau classique dressé en son temps par Kraepelin, éloigné des délires systématisés et extra-ordinaires de type Schreber. Nous aurions affaire ici à des sujets décrits - avant le déclenchement du délire - comme des sujets sensibles, introvertis, timides, hyperémotifs, intériorisant les affects, réfrénant leurs pulsions, s’auto-dévalorisant, susceptibles, mal assurés dans leur relation à la sexualité, etc. Un événement, une « expérience vécue » (Erlebnis), souvent une remarque, un reproche, un regard, va déclencher le délire, comme la goutte d’eau faisant déborder le vase. Pas d’hallucination, pas de grand délire, mais un délire essentiellement de « relation », avec sentiment de persécution, sentiment surtout d’échec, d’insuffisance et d’humiliation, impression de malveillance de l’entourage, interprétations délirantes de menus faits du quotidien, ressentiment, insécurité, auto-dévalorisation. L’ensemble du tableau se situerait donc sur le plan relationnel. On peut dire de la conception de Kretschmer qu’elle rompt avec les conceptions déficitaires; en ce sens on peut la qualifier de psychodynamique. Nous verrons combien les descriptions fines qui ont été faites de ce tableau clinique sont dans le fond assez fréquemment rencontrées en pratique et qu’elles nous poussent à repenser le cadre de la paranoïa.


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