Dans Le complexe de la sorcière (2020), Isabelle Sorente raconte comment l’image de la sorcière fait irruption dans sa vie et dans son écriture, et l’amène à interroger l’impact psychique des chasses aux sorcières, ainsi que sa transmission tacite aux générations postérieures. Si la littérature contemporaine « revendique volontiers l’enquête comme démarche d’écriture » (Laurent Demanze, Un nouvel âge de l’enquête, 2019), Le complexe de la sorcière illustre cette tendance en alliant enquête historique, exploration de la mémoire familiale, auto-analyse et introspection. En étudiant le dernier roman d’Isabelle Sorente, nous nous intéresserons à ce mode particulier de représentation littéraire de la vie intérieure, où l’écriture conçue comme enquête devient le véhicule d’une transformation intérieure. En poursuivant une analyse parallèle de la prise de conscience de l’auteure et des transformations génériques que subit le récit, nous verrons que l’enquête transforme d’abord le roman en essai, et le rapproche de la notion de littérature appliquée à la psychanalyse (P. Bayard). Nous verrons ensuite que la remémoration du passé familial et personnel, au lieu d’être l’aboutissement de la narration, ouvre le récit de soi aux récits des autres. Finalement, les réflexions de P. Ricœur nous permettront d’articuler la relation entre littérature documentaire et construction du sujet.