Particularités de la paranoïa sensitive

2018 ◽  
Vol 57 (3) ◽  
pp. 206-213
Author(s):  
Nicolas Brémaud

L’auteur se propose de revenir sur ce délire bien particulier qu’est le délire de relation des sensitifs (ou paranoïa sensitive), isolé par Kretschmer en 1918. Si le nom de Kretschmer est assez peu cité dans la littérature, les « caractères » sensitifs mis en avant sont pourtant encore souvent repris dans la description de tableaux cliniques de certaines formes de paranoïa, et nous montrerons ainsi que ce délire est bien d’actualité. Après avoir exposé les grandes lignes de la conception kretschmérienne et donc les particularités de la paranoïa sensitive, nous proposons une courte revue de la littérature, la façon dont ce délire fut reçue dans le champ psychanalytique, et nous proposerons enfin en guise d’ouverture un regard lacanien qui permet à certains égards de rapprocher la paranoïa sensitive de la psychose dite « ordinaire ». Cette forme singulière de paranoïa se révèle bien différente du tableau classique dressé en son temps par Kraepelin, éloigné des délires systématisés et extra-ordinaires de type Schreber. Nous aurions affaire ici à des sujets décrits - avant le déclenchement du délire - comme des sujets sensibles, introvertis, timides, hyperémotifs, intériorisant les affects, réfrénant leurs pulsions, s’auto-dévalorisant, susceptibles, mal assurés dans leur relation à la sexualité, etc. Un événement, une « expérience vécue » (Erlebnis), souvent une remarque, un reproche, un regard, va déclencher le délire, comme la goutte d’eau faisant déborder le vase. Pas d’hallucination, pas de grand délire, mais un délire essentiellement de « relation », avec sentiment de persécution, sentiment surtout d’échec, d’insuffisance et d’humiliation, impression de malveillance de l’entourage, interprétations délirantes de menus faits du quotidien, ressentiment, insécurité, auto-dévalorisation. L’ensemble du tableau se situerait donc sur le plan relationnel. On peut dire de la conception de Kretschmer qu’elle rompt avec les conceptions déficitaires; en ce sens on peut la qualifier de psychodynamique. Nous verrons combien les descriptions fines qui ont été faites de ce tableau clinique sont dans le fond assez fréquemment rencontrées en pratique et qu’elles nous poussent à repenser le cadre de la paranoïa.

2020 ◽  
pp. 172-186
Author(s):  
Cristóbal Farriol
Keyword(s):  

Y a-t-il une entité de l’art ? Pour Duchamp oui, à condition d’en faire une entité vide, produit d’une non-coïncidence entre l’intention de l’artiste et l’interprétation du spectateur. Plus cet écart est accentué, plus l’objet artistique porte ce qu’il nomme « le coefficient d’art ». Nous proposons l’hypothèse d’une correspondance entre l’inadéquation propre au coefficient d’art duchampien, et l’inadéquation propre à l’inconscient. Pour l’argumenter, nous travaillerons le texte « Le processus créatif », et parcourions les moments chez Freud où quelque chose de l’inadéquation est en jeu dans la structure de l’inconscient. Ensuite, nous verrons chez Lacan l’une de ses formalisations pour une inadéquation fondatrice du sujet : aliénation et séparation. Le résultat de cette analyse nous permettra d’argumenter une certaine équivalence entre l’objet artistique selon Duchamp et l’objet cause du désir chez Lacan.


2014 ◽  
Vol 29 (S3) ◽  
pp. 536-536
Author(s):  
M.-A. Gorsane

La prévalence sur l’année en France du jeu de hasard et d’argent en ligne en population adulte est de l’ordre 3,7 % (Tovar et al., 2013). Se basant sur l’Indice canadien du Jeu Excessif (ICJE) (Ferris et Wynne, 2001) pour l’évaluation des pratiques de jeu, la proportion de joueurs « problématiques » parmi les joueurs dans l’année s’élève à 17 % (Tovar et al., 2013). Ces chiffres sont nettement supérieurs à ceux retrouvés avec l’offre de jeu traditionnelle, majoritairement non-en ligne : 10,8 % de joueurs problématiques parmi les joueurs actifs, c.-à-d., ceux ayant joué plus d’une fois par semaine et/ou dépensé plus de 500 euros dans l’année (Costes et al., 2011). Des résultats comparables ont été retrouvés dans d’autres pays évoquant un niveau de risque plus élevé des jeux sur internet par rapport à l’ensemble des jeux (Tovar et al., 2013). Cela peut être en rapport avec des éléments socio-démographiques ou cliniques associés aux pratiques de jeux en ligne (Kairouz et al., 2011). Des facteurs en rapport avec la pratique du jeu en ligne peuvent intervenir : l’anonymat, l’accessibilité, le côté abordable de ces conduites, ainsi que les caractéristiques structurelles mêmes des jeux (Griffiths, 2003). Nous nous proposons dans ce travail de faire une revue systématique de la littérature sur les bases Medline et PsycINFO au sujet des facteurs de risque et facteurs associés au jeu problématique ou pathologique et de discuter les résultats retrouvés.


2007 ◽  
Vol 47 (2) ◽  
pp. 227-251
Author(s):  
Bruno Lamarre ◽  
André Mineau ◽  
Gilbert Larochelle

Dans l’optique d’une actualisation des concepts de l’éthique et de l’idéologie, cet article se veut une analyse d’un aspect singulier de la santé, à savoir la prévention et la promotion de la santé mentale, selon un type de discours s’intéressant à la santé publique et préventive, en l’occurrence celui privilégié par le magazine écrit et populaire. Nous tâcherons de savoir si ce discours a une intention éthique ou, au contraire, s’il privilégie une idéologie visant à établir une médicalisation de la vie. Nous vérifierons ensuite s’il existe un passage de l’éthique, qui privilégie la réflexion du sujet à partir de ses valeurs, vers l’idéologie, qui institue des normes des principes et des règles. Nous avons divisé notre recherche en trois sections. Nous ferons une revue de la littérature scientifique et gouvernementale, afin de présenter le développement de la santé publique et préventive en santé mentale. Puis nous verrons comment l’éthique et l’idéologie s’inscrivent dans le discours. Nous légitimerons ensuite les magazines répertoriés à partir de critères précis et reprendrons l’ensemble des articles analysés pour caractériser leur intention, et démontrer le passage de l’éthique à l’idéologie privilégiant une médicalisation sociale.


2020 ◽  
Vol 21 (1) ◽  
pp. 39-51 ◽  
Author(s):  
Baptiste Motte ◽  
Grégory Aiguier ◽  
Dominique Van Pee ◽  
Jean Philippe Cobbaut

Contexte :  Mal gérée ou mal tolérée, l’incertitude en médecine a des conséquences néfastes pour le patient et/ou le praticien. Dans la littérature, il n’existe pas de modèle explicatif global des différentes dimensions de l’incertitude à laquelle nous sommes confrontés dans le soin, sur lequel fonder une démarche pédagogique. But : L’objet de notre travail est d’élaborer un modèle pour penser l’incertitude en tant qu’objet d’apprentissage en médecine générale. Méthode : Nous effectuons une revue de la littérature des différentes définitions de l’incertitude dans la base de données PubMed, en présentons une synthèse chronologique et sélectionnons une taxonomie qui catégorise les multiples variétés de l’incertitude médicale. Nous confrontons ensuite cette taxonomie aux résultats d’une étude sociologique réalisée par Bloy qui décrit les différentes attitudes des médecins généralistes face à l’incertitude. À l’aide de cartes conceptuelles itératives, nous construisons un modèle explicatif de la gestion de l’incertitude médicale et en explorons les concepts clés. Résultats : Il ressort de notre analyse que la nature même de la médecine en tant que pratique soignante génère des incertitudes complexes. Gérer ces incertitudes requiert une meilleure compréhension du rapport des soignants aux savoirs et à leurs mises en œuvre dans la pratique. Former à la gestion de l’incertitude devrait favoriser l’exploration et l’enrichissement des épistémologies personnelles et pratiques. Conclusion : Nous discutons l’impact des concepts clés de notre modèle sur la pédagogie médicale et argumentons la pertinence de l’approche pragmatiste dans cette perspective. Nous proposons des pistes pour sa mise en œuvre.


2013 ◽  
Vol 28 (S2) ◽  
pp. 99-100
Author(s):  
A. Merlot ◽  
J. Nargeot ◽  
M. Buard ◽  
A. Viala ◽  
M.-N. Vacheron

IntroductionL’entérocolite nécrosante est une complication rare des antipsychotiques (un cas/2000 patients traités) ; tous les antipsychotiques peuvent y participer (63 % des patients de la littérature étaient traités par antipsychotique atypique), particulièrement lorsqu’ils sont associés à un traitement anticholinergique (antiparkinsonien, antidépresseur imipraminique) ; elle peut être un effet indésirable souvent méconnu, mais toujours grave car elle conduit au décès du patient dans 40 à 60 % des cas. Elle est peu documentée dans la littérature et essentiellement sous forme de cas cliniques.Cas cliniqueNous rapportons le cas d’un jeune patient âgé de 25 ans, pris en charge pour un trouble schizoaffectif depuis une dizaine d’années, non compliant aux soins et plusieurs fois hospitalisé sous contrainte, résistant à plusieurs séquences thérapeutiques. Ce jeune homme avait été réhospitalisé pour une rechute délirante marquée par un vécu délirant persécutif et hypochondriaque avec de multiples cénesthopathies, associées à des troubles du comportement à type d’agitation psychomotrice. Il a présenté un cas d’entérocolite nécrosante alors qu’il était traité par quétiapine et zuclopenthixol ASP, et a dû bénéficier d’une colectomie totale en urgence du fait d’un retard au diagnostic et au traitement, malgré un suivi somatique régulier assuré par un somaticien dans le service.Discussion et conclusionLe diagnostic est particulièrement difficile du fait de la non spécificité du tableau clinique, d’autant qu’elle est souvent la complication d’une constipation ancienne, que l’évolution peut être rapide, et que le pronostic reste réservé. A partir du cas présenté, nous proposons une revue de la littérature et nous discutons les facteurs de risque, les difficultés du diagnostic, les diagnostics différentiels, la physiopathologie et les préconisations thérapeutiques. Il s’agit d’une urgence médicale qu’il faut apprendre à reconnaître et à anticiper pour éviter une évolution spontanément défavorable.


2020 ◽  
Vol 29 (2) ◽  
pp. 75-85
Author(s):  
Marion Calmettes ◽  
Thibaut Girardot ◽  
Thomas Rimmelé

Le choc septique est fréquent et représente la première cause de mortalité en réanimation. Malgré des recommandations internationales mises à jour régulièrement (Surviving Sepsis Campaign) et les progrès de la réanimation, la mortalité reste très élevée (jusqu’à 40%), en partie du fait des conséquences d’une réponse immuno-inflammatoire de l’hôte « dérégulée ». Le rationnel physiopathologique des techniques extra-corporelles d’immunomodulation dans le choc septique repose sur un meilleur contrôle de cette réponse de l’hôte. De nombreuses techniques sont proposées, certaines combinant l’élimination des cytokines et/ou des endotoxines avec l’épuration extra-rénale. La littérature scientifique est relativement abondante à ce sujet. Les grands essais cliniques multicentriques récents ne confirment pas les résultats expérimentaux et précliniques prometteurs. La recherche expérimentale et clinique doit se poursuivre dans ce domaine. Nous proposons dans cet article une revue de la littérature des différentes techniques extracorporelles d’immunomodulation dans le choc septique.  


Author(s):  
Thérèse Albertini ◽  
Thierry Fabiani

La mise en oeuvre d’une démarche marketing traditionnelle, les prestations de conseils en management et a fortiori en mercatique entraînent très souvent une certaine réticence de la part des dirigeants de très petites entreprises (TPE). Pourtant, savoir apprécier son marché, apprendre à parler couramment le langage du client, procéder à l’évaluation de sa propre offre avec les yeux du client afin d’optimiser la proposition en fonction des segments de clientèle visés nous paraît essentiel. Cet article se propose de mettre à plat les mécanismes de compréhension des attentes clients afin de construire les réponses les plus appropriées et d’atteindre une performance durable. La présentation de la méthode du « parler courant client » (PCCL) est ici exposée par les deux auteurs sur la base de leurs expériences au contact de nombreuses PME et TPE. La revue de la littérature viendra souligner les attentes des TPE dans le domaine marketing. L’étude empirique permettra, quant à elle, d’illustrer et de vérifier la pertinence du PCCL face aux attentes exprimées (accessibilité, transférabilité, simplicité, fidélisation de la clientèle existante). Afin d’argumenter le propos, les auteurs s’appuieront ici sur trois exemples « fil rouge » (dont une TPE agroalimentaire installée en région Corse) et sur une enquête menée auprès des managers de TPE ayant suivi la formation PCCL dans le but d’instruire deux aspects : la présentation de la méthode PCCL ainsi que ses retombées (intérêt du chef d’entreprise pour cette méthode et mise en application de cette dernière). Nous verrons que le présent dispositif nécessite une approche méthodique autour de quatre étapes clés et qu’il existe de véritables avantages pour les entreprises qui sauront mettre en place ce dispositif.


2014 ◽  
Vol 29 (S3) ◽  
pp. 639-640 ◽  
Author(s):  
M. El Hadj Khalif ◽  
L. Gaha

L’approche socioculturelle en psychiatrie constitue un champ précieux d’investigation des pathologies mentales. Elle représente, au-delà d’un héritage important, un domaine en constant développement dont l’évolution est tributaire de son inscription dans un contexte intégrant plusieurs intervenants, médecins mais aussi anthropologues, ethnopsychiatres, et sociologues. En effet, l’abord transculturel se multiplie dans l’ensemble des recherches épidémiologiques et cliniques en psychiatrie et maintenant on lui assigne une place essentielle dans les classifications officielles.Nous nous proposons dans ce présent travail, d’étudier à travers une revue de la littérature et des travaux réalisés dans le service de psychiatrie de Monastir l’implication des aspects culturels en Tunisie dans la survenue des troubles psychiatriques.Au fil des échanges professionnels entre psychiatres tunisiens, il est apparu que la dimension culturelle infiltrait la pratique de la psychiatrie. Parmi les facteurs liés au patient et à son environnement, on trouve la migration (isolement, défaut de communication, problèmes linguistiques), le chômage, l’inaccessibilité aux soins, la tolérance des familles, le recours à la tradi-thérapie et la pensée magique dans l’explication des manifestations psychiatriques.Bien que la maladie mentale soit universelle, de nombreuses études transculturelles nationales et mêmes internationales ont montré des aspects différentiels et comparatifs des troubles mentaux suivant les différentes cultures. Cette divergence clinique a fait l’unanimité de la littérature quant à l’influence significative de la culture dans la survenue des troubles psychiatriques, mais n’ont pas encore, bien sûr, d’établir une relation de causalité.L’histoire, la littérature et notre pratique clinique quotidienne attestent que notre culture maghrébine peut influencer largement la forme, le contenu, l’ampleur des manifestations cliniques et le pronostic des troubles mentaux. L’ensemble de ces aspects culturels requiert une évaluation fine et systématisée par les thérapeutes psychiatres afin d’offrir une prise en charge globale, ciblée et s’intégrant dans un projet de soins personnalisé.


2015 ◽  
Vol 30 (S2) ◽  
pp. S122-S122
Author(s):  
I. Bertsch ◽  
S. Prat

Les appels obscènes constituent une infraction sexuelle dont la culture populaire a tendance à se moquer. Ces comportements violents sans contact physique nous offrent un paradoxe important, peu de recherches sont consacrées à ce sujet, alors que la souffrance des auteurs de ces appels est indéniable. Les professionnels confrontés à leurs prises en charge rapportent d’ailleurs le peu de connaissances accessibles pour leur pratique clinique. Au travers de ce poster, nous proposons une revue de la littérature scientifique internationale visant à mettre en lumière différents aspects de ce phénomène. Premièrement, nous ferons le point sur les victimes de ces appels et l’impact de ce comportement violent à court et long terme. Puis, nous mettrons en évidence les différents profils des auteurs, avec les aspects singuliers et communs de chaque profil. En effet, bien que des différences aient été mises en évidence, certains fonctionnements psychiques et traits de personnalité, comme l’estime de soi, semblent être une donnée constante lorsque l’on compare ces profils. Par ailleurs, nous ferons le point sur les données permettant de mieux comprendre le comportement de ces auteurs, notamment leurs modes opératoires et les comportements déviants co-morbides. Cela nous amènera à évoquer la question de la dangerosité. Enfin, nous nous intéresserons aux théories étiopathologiques comme premières approches explicatives.


2014 ◽  
Vol 29 (S3) ◽  
pp. 588-588
Author(s):  
S. Bioulac

Le Trouble Déficit de l’Attention/Hyperactivité (TDA/H) est un trouble fréquent de l’enfant à l’âge adulte. Dans ce trouble, la comorbidité est la règle. L’association avec les troubles du sommeil est décrite chez 25 % à 50 % des enfants et chez plus de la moitié des adultes présentant un TDA/H. La question de cette comorbidité pose question. En effet, Il n’est pas clair à l’heure actuelle si les troubles du sommeil sont intrinsèques au TDA/H ou s’ils se produisent à la suite d’un trouble primaire du sommeil sous-jacent. En effet, il est décrit des symptômes de « type TDA/H » dans certains troubles du sommeil primaires tels que les troubles respiratoires du sommeil, les mouvements périodiques des membres pendant le sommeil et le syndrome des jambes sans repos. De plus, la somnolence diurne excessive (l’un des symptômes de la narcolepsie et l’hypersomnie idiopathique) peut « mimer » des symptômes de TDA/H.Dès lors, la similitude de certains symptômes peut conduire à des erreurs diagnostiques entre troubles primaires du sommeil et TDA/H.Ainsi, nous nous proposons lors de ce symposium de faire un point sur les liens entre troubles du sommeil et TDA/H chez l’adulte :– en effectuant tout d’abord une revue de la littérature explorant la comorbidité entre ces différents troubles.Puis en présentant ensuite deux études originales sur ce thème en population adulte :– explorant d’une part, la comorbidité des hypersomnies (hypersomnie idiopathique et narcolepsie) chez les adultes TDA/H et la comorbidité TDA/H chez des adultes hypersomniaques ;– d’autre part, en explorant la somnolence diurne excessive objective par un test de maintien de l’éveil en population adulte TDA/H et l’impact de cette somnolence sur les performances de conduite des sujets (sur simulateur de conduite).


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