« Personne n’est antisémite, mais tout le monde est opposé à l’immigration1 ». Les discours des responsables politiques québécois sur les réfugiés juifs, 1938-1945

2016 ◽  
Vol 18 (1) ◽  
pp. 87-109 ◽  
Author(s):  
Sandra Dubé

Le Canada fut un des nombreux pays où les Juifs européens fuyant les persécutions nazies cherchèrent asile dans les années 1930 et 1940. Un processus pour restreindre l’immigration était entamé depuis déjà plusieurs années et, à l’instar de plusieurs pays, le Canada n’adapta guère ses politiques d’immigration en fonction de ces circonstances tragiques. Les historiens ont cherché à comprendre les raisons de la fermeture du Canada aux réfugiés juifs et dans quelle mesure l’antisémitisme exerça une influence décisive sur cette situation. Si la Grande Dépression et la montée d’un sentiment d’hostilité envers les immigrants furent évoquées, plusieurs chercheurs ont conclu, également, à un manque d’empathie de la population et des hommes politiques pour les persécutions subies par les Juifs. Certains auteurs ont aussi fait référence au climat politique international tendu et radicalisé, marqué par l’ascension des idéologies comme le communisme et le fascisme. L’antisémitisme en vint ainsi à être considéré comme le principal facteur expliquant les politiques canadiennes d’immigration. Plus encore, on prêta au Québec une importante influence sur ces politiques et les Canadiens français furent désignés comme étant au mieux hostiles aux Juifs, sinon carrément antisémites. Alors que les opinions de nombreux acteurs furent étudiées dans ce contexte, le discours des responsables politiques eux-mêmes et spécialement les débats reconstitués de l’Assemblée législative du Québec furent peu explorés, en raison de leur récente disponibilité. Quels furent les propos et les positions des hommes politiques québécois à qui on attribua souvent un antisémitisme de facto ? Dans cet article, nous nous intéressons au discours des responsables politiques québécois sur les réfugiés juifs entre 1938 et 1945. À la lumière d’une mise en contexte du particularisme québécois et à l’aide d’une grille d’analyse du racisme et de sa terminologie, l’analyse de ces discours nous révèle un portrait plus complexe que l’historiographie ne l’a parfois laissé entendre.

Author(s):  
Edward Kruk

RésuméL'interruption des relations entre les grands-parents et les petits-enfants n'a pas suscité beaucoup d'attention dans le cadre des recherches en sciences sociales et ce, en dépit du fait que l'importance évidente des liens d'attachement entre le grand-parent et le petit-enfant fasse l'objet de nombreuses discussions. Cet article présente les résultats d'une étude exploratoire sur la perte du contact entre grands-parents et petits-enfants réalisée au moyen d'un sondage mené à travers le Canada aupès des principaux membres de cinq groupes préconisant les droits des grands-parents. Comme les préoccupations de ces groupes de grands-parents l'indiquent, il existe quatre principales séries de circonstances associées à la rupture du contact avec les petits-enfants, soit le divorce des parents, un conflit avec les deux parents, la mort d'un enfant adulte et l'adoption de beaux-parents à la suite d'un remariage. Les grands-parents dont les enfants adultes sont des parents sans la garde de leurs enfants (dans la plupart des cas il s'agit des grands-parents paternels) risquent le plus de perdre le contact avec leurs petits-enfants, et les beaux-enfants adultes semblent être les principaux médiateurs dans la relation continue entre les grands-parents et les petits-enfants. L'interruption de l'accès aux petits-enfants est perçu comme ayant de graves conséquences pour les grands-parents, et cette situation influence grandement les politiques socio-juridiques et la pratique thérapeutique.


2004 ◽  
Vol 32 (1) ◽  
pp. 7-41 ◽  
Author(s):  
Long Mo ◽  
Jacques Légaré

Résumé Pendant les trois dernières décennies du XXe siècle, la Chine, par ses politiques de contrôle des naissances, et le Canada, par ses politiques d’immigration, sont apparus comme de grands laboratoires sociaux de démographie du vieillissement. Quels ont été les résultats de ces expériences ? Des simulations permettent ici de comparer de façon quantitative leurs effets sur l’évolution de six indicateurs du vieillissement pendant la période 1970-2000. Ces deux politiques ont, à un degré similaire, atteint leur objectif essentiel en réduisant la population en Chine et en l’augmentant au Canada, mais leur rôle a été tout à fait différent eu égard au processus et aux conséquences démographiques du vieillissement. Pour vérifier si, à l’avenir, les politiques de population seront une solution au vieillissement, la possibilité de contrebalancer et d’atténuer celui-ci par l’augmentation des naissances en Chine et par l’immigration au Canada est ensuite examinée pour la période 2000-2050.


2011 ◽  
pp. 149-167
Author(s):  
Gilles Bourque ◽  
Jules Duchastel

Ce texte tente d’expliquer pourquoi on assiste actuellement à un pourrissement de l’espace public et à une « ethnicisation » des rapports sociaux au Québec. L’évocation de la primauté du droit et l’affirmation des droits des minorités s’inscrivent dans le mouvement de judiciarisation des rapports sociaux et de constitutionnalisation des droits, mouvement propre à la situation du Canada après 1982. Ainsi, une série de choix politiques effectués au Canada ont eu pour effets de fragmenter les identités et de soumettre les instances législatives au tribunal. On assiste dès lors à la naissance d’une citoyenneté particulariste d’inspiration bioculturelle et à une régression des débats démocratiques dans un espace qui n’est plus qu’un lieu d’affrontement des droits particularistes. Après avoir montré comment cette situation esquive la question, fondamentale en démocratie, de la communauté politique, les auteurs analysent les situations canadienne et québécoise. Le Canada, transformé en une communauté juridique, se voit empêché de construire une véritable communauté politique pancanadienne, alors que le Québec arrive difficilement à faire s’épanouir une culture politique francophone commune au sein d’une société désormais pluriculturelle et multinationale. Les auteurs proposent, face à l’urgence actuelle de la démocratie à l’échelle planétaire, de réinventer la communauté politique sur une base plus large et de repenser l’exercice de la démocratie dans des institutions supranationales fondées sur la pérennité d’unités de base nationales.


2005 ◽  
Vol 12 (3) ◽  
pp. 361-377
Author(s):  
Ralph D. Vicero

Au cours du XIXe siècle, le Canada a subi une lourde perte plus ou moins continue de sa population qui se dirigeait vers les États-Unis. Étant donné sa situation particulière au sein de la Fédération canadienne, cet exode avait des implications de grande portée pour le Canada français, plus spécialement pour le Québec. Bien que les Canadiens français se soient répartis à travers les États du nord, la Nouvelle-Angleterre devenait au cours du siècle le foyer grandissant de leur émigration. Entre 1850 et 1900, on estime que le nombre net d'immigrants canadiens-français pouvait se chiffrer à 340,000 pour cette seule région. II est aussi probable qu'au moins le même nombre ait déménagé de façon temporaire. En fait, il serait difficile de contester la thèse d'Albert Faucher, à savoir que l'émigration vers le sud ait été « l'événement majeur de l'histoire canadienne-française au XIXe siècle » .II est donc quelque peu étonnant que les chercheurs aient accordé si peu d'attention à ce mouvement migratoire et à la répartition de population canadienne-française aux États-Unis, qui devait en résulter. On peut en partie expliquer cette situation par ce qu'on a cru être un manque d'information, surtout un manque de données statistiques facilement disponibles. Le fait que le service de recensement des États-Unis n'ait pas réussi avant 1890 à recenser séparément les anglais et les français parmi sa population d'origine canadienne constitue l'un des principaux obstacles qui devaient vouer à l'échec les efforts d'un grand nombre de chercheurs. Ce problème a été partiellement résolu en 1890 par le dénombrement séparé de la population canadienne-française de première et seconde génération. On a omis cependant le groupe remontant aux générations antérieures dont le nombre s'accroissait rapidement. Pour une analyse spatiale, les données perdent malheureusement beaucoup de leur valeur — en particulier pour la Nouvelle-Angleterre — puisqu'elles n'ont pas été publiées par division civile à l'échelle inférieure à celle du comté. Et même à ce niveau, les données ne s'appliquent qu'à la population canadienne-française née au Canada. II s'ensuit qu'une grande partie des écrits historiques, particulièrement ceux qui ont trait à l'immigration d'avant 1890, sont imprécis et même souvent de nature conjecturale ou trompeurs. Les obstacles sur lesquels ont si longtemps achoppé les historiens sont ceux que nous avons rencontrés dans nos recherches pour l'étude de l'immigration canadienne-française en Nouvelle-Angleterre avant 1900. Cependant nous avons été quelque peu étonnés de découvrir qu'il existait en fait une grande variété de sources. Une partie seulement de ces sources ont été utilisées par les chercheurs, d'autres n'ont reçu qu'un bref coup d'œil. Ce texte a pour but d'examiner brièvement ce matériel précieux, souvent obscur, et de suggérer comment, par l'utilisation de certaines sources manuscrites, on peut arriver à des résultats très significatifs dans l'étude de l'immigration et du peuplement canadien-français en Nouvelle-Angleterre et dans l'ensemble des États-Unis au cours du XIXe siècle. Nous n'avons pas l'intention d'épuiser le sujet abordé ; le matériel généralement connu et facilement disponible sera simplement signalé. Nous mettrons plutôt l'accent sur les sources plus précieuses ayant trait à la Nouvelle-Angleterre, qui sont passées en général inaperçues et qui contiennent des données statistiques importantes.


Author(s):  
Frédéric Docquier ◽  
Abdeslam Marfouk

Contexte. Au cours des derniers mois, de plus en plus de personnes (politiciens, journalistes et syndicalistes par exemple) se sont émus des politiques d’immigration sélectives mises en place dans plusieurs pays industrialisés. En France, ce type de politique est notamment préconisé par Nicolas Sarkozy (politique d’immigration choisie). L’indignation suscitée par ces politiques tient au fait que l'exode des cerveaux est souvent perçu comme un facteur d'accroissement des inégalités entre pays riches et pauvres. Il convient toutefois de souligner que, dans certains cas, ces politiques sont simplement un moyen de faire face à l’exode de cerveaux, souvent très qualifiés, dans les pays industrialisés eux-mêmes. Ce problème se rencontre de manière sévère au Canada, au Royaume Uni et dans plusieurs pays de l'Union européenne. En règle générale, l'exode des cerveaux pose problème sur le plan économique car il engendre une réduction du niveau de capital humain moyen des travailleurs dans les pays sources. Le capital humain (mesuré souvent par la proportion de diplômés au sein de la population active ou par le nombre moyen d’années d’étude des travailleurs) étant considéré comme un facteur majeur d’innovation et/ou d’adoption technologique, l'émigration des talents constitue un frein potentiel à la croissance et à la compétitivité. Dans le numéro 43 de Regards économiques, nous mesurons l’ampleur du problème au niveau européen en dressant un bilan synthétique de la position de l’UE15 (Union européenne à 15 membres) dans ses échanges mondiaux de main-d’œuvre qualifiée. Nous discutons ensuite les enjeux de politique économique. Mesurer les pertes européennes. Malgré l’importance croissante qu’on lui reconnaît, peu d’études ont jusqu’à présent permis de cerner avec précision l’ampleur du phénomène de la fuite des cerveaux. S’appuyant sur une nouvelle base de données construite en partenariat avec la Banque Mondiale (Docquier et Marfouk, 2006), nous montrons qu’au total, la perte nette de l’UE15 s’élevait à 150.100 diplômes supérieurs en 2000, soit 0,1 % de la population de UE15 âgée 25 et plus. Ce bilan contraste avec l’important gain net observé dans les grandes nations d’immigration (5,4 % pour les Etats-Unis, 10,7 % pour le Canada et 11,3 % pour l'Australie). Dans ce processus, quelques pays européens sortent gagnants, tels la Suède, le Luxembourg, la France ou la Belgique. Les principaux perdants nets sont l'Irlande, la Grèce, le Portugal, le Royaume Uni et l’Italie. Ces chiffres appellent deux commentaires : Qualitativement, ce bilan européen faiblement déficitaire peut être considéré comme minimaliste. L’UE15 compense ses pertes vis-à-vis des autres nations industrialisées par des entrées en provenance de pays moins avancés (notamment les pays africains). Or, les études empiriques internationales récentes montrent que cette substitution n’est pas neutre : en moyenne (et sauf professions particulières), le niveau de compétence associé aux diplômes acquis dans les pays moins avancés est inférieur à celui des natifs. Enfin, si l’on restreint l’analyse au niveau des qualifications très élevées, génératrices d’innovation et de croissance (ex : les diplômés en sciences et technologies), le déficit européen devient béant. A long terme, cette émigration hautement qualifiée met en péril les performances européennes en matière de recherche et développement et risque de menacer la position européenne sur l’échiquier économique mondial. Quelle politique économique ? De manière générale, deux grands axes de politique économique sont envisageables pour atténuer ce déficit. Le premier consiste à sélectionner davantage les immigrants. Certains pays tels que l'Allemagne et l'Italie (politiques de green cards) et, plus récemment, la France (politique d'immigration choisie) s'engagent progressivement sur cette voie. Ceci revient à "faire payer" le déficit structurel européen par des nations plus pauvres, déjà victimes d’un lourd déficit de qualification. De plus, cette politique n’offre aucune garantie de réussite tant il est difficile d’infléchir les choix naturels de destination des migrants qualifiés, sensibles aux facteurs institutionnels, aux primes de qualification, à la langue et à la présence de réseaux de compatriotes installés. Le second axe consiste à définir une politique de recherche plus ambitieuse (notamment dans le secteur de la recherche fondamentale), offrant un environnement incitatif, des salaires et des perspectives de carrière intéressantes aux chercheurs. C’est d’ailleurs l’axe qu’a défendu Jack Lang dans une récente interview sur France Télévision. Loin de vouloir minimiser l'apport de travailleurs qualifiés sur les économies d'accueil, cette deuxième voie peut s'avérer plus efficace (absence de coût d'assimilation des migrants, information parfaite sur la valeur des diplômes, meilleure allocation des ressources humaines de la nation). Très vraisemblablement, elle s'avère plus équitable et plus en accord avec la politique générale de coopération et de développement : en minimisant les ponctions de capital humain sur les pays plus pauvres, elle évite un accroissement des inégalités entre nations.


2005 ◽  
Vol 33 (1) ◽  
pp. 263-296
Author(s):  
Alain Lemieux

C'est principalement vers la fin des années 1950 que les problèmes rencontrés dans le commerce international du textile et du vêtement devinrent de plus en plus aigus. Selon la plupart des pays importateurs et exportateurs engagés dans ce segment important du commerce international, l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), qui régit les relations commerciales internationales dans leur ensemble, s'avérait insuffisant pour prévenir ou corriger ces problèmes. Afin de pallier cette situation, les pays participants au commerce international des textiles de coton adoptèrent, au début des années 1960, l'Accord à court terme sur les textiles de coton. À cet accord succéderont l'Accord à long terme sur les textiles de coton, qui régira le commerce international des textiles de coton de 1961 à 1973, et l'Arrangement concernant le commerce international des textiles (AMF), celui-ci régissant le commerce international d'à peu près tous les textiles et vêtements depuis le 1er janvier 1974. Le but du présent article est d'étudier la mise en oeuvre de l'AMF au Canada au cours de la période 1974-1984. Dans un premier temps, nous examinerons la réglementation canadienne applicable au commerce du textile et du vêtement avant l'entrée en vigueur de l'AMF. Cette analyse nous permettra de constater que dès 1974 le Canada disposait déjà des instruments juridiques nécessaires à la mise en oeuvre de l'AMF. Plus particulièrement, nous démontrerons que l'adhésion du Canada à l'AMF était des plus compatible avec la politique commerciale canadienne applicable au secteur du textile et du vêtement. Dans un second temps, nous verrons comment le Canada a mis en oeuvre et exécuté ses obligations internationales. Bien qu'il ait été favorable en principe à la libéralisation des échanges, le Canada s'est largement prévalu des dispositions de l’AMF pour protéger son industrie du textile et du vêtement. Pour ce faire, et à l'instar des grands pays importateurs, le Canada a conclu des ententes de restriction volontaire à l'exportation avec ses partenaires commerciaux et a exceptionnellement recouru à l'imposition d'un contingentement global des importations dans le cadre du GATT. De façon générale, force est de reconnaître que si le Canada a accordé une protection considérable à son industrie, il l'a fait dans le respect des dispositions de l'AMF.


1987 ◽  
Vol 20 (3) ◽  
pp. 467-500 ◽  
Author(s):  
François Houle

RésuméLe Canada est membre du club très sélect des sept pays les plus industrialisés. Pourtant, depuis le début des années soixante-dix, le gouvemement fédéral est à la recherche d'une stratégie qui permettrait une insertion plus favorable de l'économie canadienne dans l'économie mondiale. Historiquement, l'exportation de marchandises a toujours été vitale pour la croissance de l'économie canadienne, mais le marché mondial est de plus en plus compétitif et un renouveau économique est nécessaire pour éviter la marginalisation de l'économie canadienne. Cet article analyse la dégradation de la place du Canada dans l'économie mondiale, les contraintes externes et internes qui sont à l'origine de cette situation et les deux stratégies privilégiées par le gouvernement fédéral pour assurer la restructuration de l'économie canadienne. Enfin, on démontre que la traditionnelle dichotomie affaiblissement/renforcement pour cerner le rôle de l'État-nation par rapport à l'espace économique est inadéquate.


2018 ◽  
Vol 48 (3-4) ◽  
pp. 347-369 ◽  
Author(s):  
Stéphane Paquin

Selon la Constitution et la jurisprudence canadienne, le gouvernement fédéral possède les pleins pouvoirs en ce qui concerne la conclusion de traités et la responsabilité du commerce international. Malgré cette situation, les provinces jouent un rôle de plus en plus important dans les négociations commerciales. Cette situation s’explique par le fait que ces négociations touchent de plus en plus aux champs de compétence des provinces et que le gouvernement fédéral ne peut imposer ses traités aux provinces. Dans cet article, nous comparons la participation des provinces à trois négociations d’importance : l’Aléavec les États-Unis, l’aecgentre le Canada et l’Union européenne et le Partenariat transpacifique.


Author(s):  
Frédéric Docquier ◽  
Abdeslam Marfouk

Contexte. Au cours des derniers mois, de plus en plus de personnes (politiciens, journalistes et syndicalistes par exemple) se sont émus des politiques d’immigration sélectives mises en place dans plusieurs pays industrialisés. En France, ce type de politique est notamment préconisé par Nicolas Sarkozy (politique d’immigration choisie). L’indignation suscitée par ces politiques tient au fait que l'exode des cerveaux est souvent perçu comme un facteur d'accroissement des inégalités entre pays riches et pauvres. Il convient toutefois de souligner que, dans certains cas, ces politiques sont simplement un moyen de faire face à l’exode de cerveaux, souvent très qualifiés, dans les pays industrialisés eux-mêmes. Ce problème se rencontre de manière sévère au Canada, au Royaume Uni et dans plusieurs pays de l'Union européenne. En règle générale, l'exode des cerveaux pose problème sur le plan économique car il engendre une réduction du niveau de capital humain moyen des travailleurs dans les pays sources. Le capital humain (mesuré souvent par la proportion de diplômés au sein de la population active ou par le nombre moyen d’années d’étude des travailleurs) étant considéré comme un facteur majeur d’innovation et/ou d’adoption technologique, l'émigration des talents constitue un frein potentiel à la croissance et à la compétitivité. Dans le numéro 43 de Regards économiques, nous mesurons l’ampleur du problème au niveau européen en dressant un bilan synthétique de la position de l’UE15 (Union européenne à 15 membres) dans ses échanges mondiaux de main-d’œuvre qualifiée. Nous discutons ensuite les enjeux de politique économique. Mesurer les pertes européennes. Malgré l’importance croissante qu’on lui reconnaît, peu d’études ont jusqu’à présent permis de cerner avec précision l’ampleur du phénomène de la fuite des cerveaux. S’appuyant sur une nouvelle base de données construite en partenariat avec la Banque Mondiale (Docquier et Marfouk, 2006), nous montrons qu’au total, la perte nette de l’UE15 s’élevait à 150.100 diplômes supérieurs en 2000, soit 0,1 % de la population de UE15 âgée 25 et plus. Ce bilan contraste avec l’important gain net observé dans les grandes nations d’immigration (5,4 % pour les Etats-Unis, 10,7 % pour le Canada et 11,3 % pour l'Australie). Dans ce processus, quelques pays européens sortent gagnants, tels la Suède, le Luxembourg, la France ou la Belgique. Les principaux perdants nets sont l'Irlande, la Grèce, le Portugal, le Royaume Uni et l’Italie. Ces chiffres appellent deux commentaires : Qualitativement, ce bilan européen faiblement déficitaire peut être considéré comme minimaliste. L’UE15 compense ses pertes vis-à-vis des autres nations industrialisées par des entrées en provenance de pays moins avancés (notamment les pays africains). Or, les études empiriques internationales récentes montrent que cette substitution n’est pas neutre : en moyenne (et sauf professions particulières), le niveau de compétence associé aux diplômes acquis dans les pays moins avancés est inférieur à celui des natifs. Enfin, si l’on restreint l’analyse au niveau des qualifications très élevées, génératrices d’innovation et de croissance (ex : les diplômés en sciences et technologies), le déficit européen devient béant. A long terme, cette émigration hautement qualifiée met en péril les performances européennes en matière de recherche et développement et risque de menacer la position européenne sur l’échiquier économique mondial. Quelle politique économique ? De manière générale, deux grands axes de politique économique sont envisageables pour atténuer ce déficit. Le premier consiste à sélectionner davantage les immigrants. Certains pays tels que l'Allemagne et l'Italie (politiques de green cards) et, plus récemment, la France (politique d'immigration choisie) s'engagent progressivement sur cette voie. Ceci revient à "faire payer" le déficit structurel européen par des nations plus pauvres, déjà victimes d’un lourd déficit de qualification. De plus, cette politique n’offre aucune garantie de réussite tant il est difficile d’infléchir les choix naturels de destination des migrants qualifiés, sensibles aux facteurs institutionnels, aux primes de qualification, à la langue et à la présence de réseaux de compatriotes installés. Le second axe consiste à définir une politique de recherche plus ambitieuse (notamment dans le secteur de la recherche fondamentale), offrant un environnement incitatif, des salaires et des perspectives de carrière intéressantes aux chercheurs. C’est d’ailleurs l’axe qu’a défendu Jack Lang dans une récente interview sur France Télévision. Loin de vouloir minimiser l'apport de travailleurs qualifiés sur les économies d'accueil, cette deuxième voie peut s'avérer plus efficace (absence de coût d'assimilation des migrants, information parfaite sur la valeur des diplômes, meilleure allocation des ressources humaines de la nation). Très vraisemblablement, elle s'avère plus équitable et plus en accord avec la politique générale de coopération et de développement : en minimisant les ponctions de capital humain sur les pays plus pauvres, elle évite un accroissement des inégalités entre nations.


Author(s):  
Martin St-Amant

En 1990, l'action juridique du canada en matière de commerce international se sera principalement manifestée au GATT, comme le démontre les conflits relativement nombreux dans lesquels le Canada fut impliqué ainsi que l'activité qu'il aura dépolyé cette année là. L'action juridique du Canada se sera en outre révélée en cette année, par l'entremise d'actes unilatéraux et d'accords commerciaux conclus avec d'autres États. La mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange Canada-États-Unis constitue un dernier aspect qui aura préoccupé, par la force des choses, le Canada en cette année 1990.


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