scholarly journals L'anthropologie de la santé en tant que représentation

2005 ◽  
Vol 23 (3) ◽  
pp. 253-273
Author(s):  
Marc-Adélard Tremblay

Trois traditions scientifiques particulières sont à l'origine de l'anthropologie de la santé en tant que champ distinctif de l'ethnologie: l'intérêt de l'ethnographie traditionnelle pour les médecines dites primitives (les études ethnomédicinales) ; les travaux sur la personnalité et la culture dans les années trente et quarante qui ont favorisé une étroite collaboration entre anthropologues et psychiatres et l'extraordinaire expansion des programmes internationaux de santé publique durant la période qui a suivi la Seconde Guerre mondiale. Ces trois traditions scientifiques ont contribué à la constitution d'un corpus de connaissances se rapportant à la santé et à la maladie dans des contextes transculturels qui élargissent les conceptions bio-médicales de la maladie ainsi que les représentations professionnelles et les modèles thérapeutiques des intervenants du monde occidental. Les anthropologues médicaux américains ainsi que les spécialistes européens de l'ethnomédecine ont mis en relief des modèles opératoires qui incarnent ces conceptions élargies de la santé : ils proposent aux praticiens de la médecine occidentale une définition plus compréhensive de la santé, des démarches thérapeutiques qui tiennent compte du contexte socio-culturel de la dispensation des soins, des principes de réinsertion sociale qui respectent l'univers phénoménologique des patients ainsi que les systèmes d'attente de l'univers social plus large. Ces conceptions scientifiques nouvelles découlent, dans une large mesure, des acquis récents des sciences de l'homme, et, pour autant, elles ne constituent pas pour les agents traditionnels un paradigme évident d'explication de la réalité pathologique ni ne justifient de transformations profondes dans les démarches thérapeutiques centrées sur le patient en tant qu'unité clinique exclusive. D'autres disciplines, telles que la sociologie, la psychiatrie sociale, la psychologie, par des cheminements parallèles ou analogues proposent elles aussi des définitions nouvelles de la maladie et des procès thérapeutiques rajeunis en vue de restaurer la santé. Pourtant la médecine, en tant que science et en tant que pratique, évolue lentement dans sa démarche de renouvellement. L'anthropologie de la santé, une des sciences humaines dont les traditions de recherche portent à la fois sur le biologique, le psychologique et le culturel dans des voies comparatives peut apporter une contribution d'importance dans le rajeunissement des perspectives conceptuelles sur la santé et la maladie et dans la conception de pratiques professionnelles. Une conception systémique de la santé, par exemple, nécessite l'examen d'expériences pathologiques en tant que phénomènes totaux. Ainsi les analyses que poursuit l'anthropologie de la santé établissent les relations qui existent entre la maladie, les systèmes de dispensation des soins et les patrons culturels sans oublier l'univers phénoménologique du patient et les conceptions prophylactiques du professionnel de la santé. Toutes les civilisations du monde ont élaboré des conceptions de la maladie, ont développé des systèmes de dispensation des soins et ont mandaté des spécialistes pour traiter les malades et les aider à restaurer les équilibres physiologiques, psychosomatiques et socioculturels rompus. Conceptions de la maladie, élaboration des méthodes prophylactiques, apprentissage des spécialistes, application des thérapeutiques, constituent autant d'éléments du système médical qui sont influencés par les visions du monde, les systèmes de pensée et les modes de vie. Une des contributions les plus substantielles de l'anthropologie culturelle dans l'étude des diverses civilisations du monde fut d'énoncer des généralisations qui possèdent un caractère d'universalité puisqu'elles se fondent sur des observations récoltées dans des contextes transculturels. Significatifs furent aussi les apports ethnologiques à la connaissance de la maladie et de la pratique médicale dans « la petite communauté » en mettant en relief les représentations sociales de la maladie tant chez les praticiens que chez les clientèles. Les connaissances récemment acquises en ethnomédecine témoignent d'un intérêt renouvelé pour la compréhension des médecines traditionnelles et primitives ainsi que pour la connaissance de leurs fondements philosophiques et théologiques. Finalement, les histoires de vie des medicine men et des guérisseurs représentent des contributions de première main qui donnent directement accès à la culture vécue des malades et des thérapeutes, révélant ainsi non seulement la dynamique d'un segment culturel mais aussi l'ensemble des éléments significatifs de l'organisation sociale et des patrons culturels d'une civilisation particulière. L'anthropologie de la santé est une discipline scientifique, nul ne saurait le contester. Le modèle d'explication de la santé qu'elle propose (basé principalement sur les notions d'adaptation, d'équilibre et de croissance) découle d'études empiriques transculturelles. Toutefois, en tant que représentation scientifique, elle ne peut être dissociée des contextes socio-historiques de sa naissance et de son évolution ni des univers idéologiques de ses premiers promoteurs. Dans cette perspective, il nous apparaît intéressant et instructif à la fois de mieux connaître comment cette sous-discipline est née ici, le processus de son implantation, le genre d'études auxquelles elle a donné lieu, les principaux résultats auxquels elle arrive et les enseignements qu'ils traduisent, les pistes de recherche qu'elle suggère. La pénétration de cette nouvelle représentation dans notre milieu a-t-elle suscité des transformations du monde de la santé ?


2021 ◽  
Vol 17 (14) ◽  
Author(s):  
Kouadio Ahou Rosine ◽  
Tra Fulbert ◽  
Ouattara Soualiho

La pollution de l’air intérieur constitue un problème de santé publique du fait de son impact sur la santé des populations. Cette étude vise à établir le lien entre les représentations que les personnes souffrant d’asthme ont de la pollution de l’air intérieur et les pratiques sociales qu’ils adoptent en conséquence, notamment au sein du ménage. A travers une approche mixte, cette recherche s’est appuyée sur des techniques aussi bien quantitatives que qualitatives fondées sur la méthodologie des représentations sociales. Un questionnaire a été adressé à 200 participants souffrant d’asthme en utilisant des questions relevant du modèle explicatif et des items représentationnels. Ce questionnaire a été réalisé sur la base de l’entretien effectué au préalable avec 31 personnes souffrant d’asthme. Les résultats indiquent que 97,5% des participants souffrant d’asthme incriminent principalement l’inhalation de la poussière et la fumée qui pénètrent dans leur domicile. Leurs propres pratiques et habitudes au sein du ménage sont peu évoquées.



2015 ◽  
Vol 30 (S2) ◽  
pp. S86-S87
Author(s):  
C. Paris

Concernant le parcours de soins en santé mentale « L’objectif est d’améliorer sur le terrain, par des outils et des recommandations de bonne pratique, le parcours de soins et la qualité de vie des personnes présentant des troubles mentaux », précise la direction de l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins de la HAS. Le centre F. Minkowska géré par l’association F. et E. Minkowski a mis en perspective cet objectif pour une population migrante et refugiée afin, d’une part, d’éviter toute ghettoïsation des pratiques cliniques et, d’autre part, le souci de répondre à la demande en proposant une offre de soin tout à fait conforme au droit commun et avec un éclairage santé publique. Le projet d’établissement de ce centre medico-psychosocial s’articule sur la valorisation des bonnes pratiques en les déclinant sur trois volets. Le volet théorique autour des représentations sociales et culturelles de la santé et de la maladie mentale, le volet organisationnel avec la mise en place d’un dispositif (Mediacor) permettant d’améliorer l’accès aux soins pour les personnes migrantes et refugiées et enfin, le volet clinique avec un cadre thérapeutique reposant sur la notion de compétence culturelle. Ces trois aspects permettent de mieux appréhender les obstacles identifiés dans le parcours de soin et, par conséquent, d’y remédier.



2012 ◽  
Vol 24 (1) ◽  
pp. 114-127
Author(s):  
Céline Poissant

Une étude lanaudoise a suscité des réflexions en marge des objectifs visés et des résultats obtenus. Elles touchent les attentes des acteurs de santé publique envers l’évaluation, dans un contexte marqué par le mouvement de la pratique fondée sur les « données probantes ». Suivant cette logique, les institutions de santé publique sont invitées à adopter des interventions jugées « efficaces ». On s’attend aussi à ce que les résultats d’évaluation permettent d’améliorer leur performance. Mais l’évaluation peut-elle poursuivre d’autres finalités ? Dans cette étude, la démarche participative et formative et l’analyse sous l’angle des représentations sociales offraient aux acteurs concernés une occasion d’arrêt et de recul pour questionner le cadre de leurs pratiques, dont la place accordée à leurs savoirs expérientiels.





ONCOLOGIE ◽  
2018 ◽  
Vol 20 (7-12) ◽  
pp. 145-189
Author(s):  
D. Serin ◽  
S. Adnot ◽  
C. Allioux ◽  
S. Alran ◽  
B. Bazin ◽  
...  

Les 40es Journées de la SFSPM se sont tenues à Avignon du 7 au 9 novembre 2018. Le thème abordé—Cancer du sein : optimisation du parcours de soins — a réuni plus de 1 200 participants sous les voûtes du Palais des Papes. La fluidité de chaque segment du parcours a été analysée en termes de risques de rupture de continuité des soins tant au sein du segment lui-même qu’en amont et en aval. Dans un parcours par essence pluridisciplinaire et plurimétiers, la nécessité d’une réflexion globale et d’une coordination active réalisées par des professionnels formés a été rappelée à chaque session. Chacun des intervenants a esquissé de potentiels indicateurs de qualité tenant compte à la fois de son implication dans son segment d’intervention, mais tenant compte aussi d’une vision plus globale de ce que devrait être le parcours au travers de la maladie et des soins. La parole a été très largement partagée entre soignants et associations de malades, entre paramédicaux et acteurs en sciences humaines et sociales, entre responsables de la santé publique HAS, ARS, CNAM–CPAM 84 et représentants des différents modes d’hospitalisation publique/privée et ESPIC. La session grand public a été l’occasion d’échanges fructueux et instructifs sur la perception des difficultés comme des satisfactions rencontrées que nous ont fait partager les malades, leurs proches et les représentantes des associations. Au total, un congrès de réflexion partagé par de nombreux acteurs qui cherchent tous à améliorer le parcours de soins des malades atteintes de cancer du sein. La publication le 21 janvier par l’INCa de dix indicateurs de qualité du parcours de soins pour les malades atteints de cancer du sein est une étape importante qu’attendaient tous les participants d’Avignon — SFSPM 2018.



1991 ◽  
Vol 22 (1) ◽  
pp. 71-84
Author(s):  
Anne Branciard ◽  
Philippe Mossé


2012 ◽  
Vol 24 (2) ◽  
pp. 440-452
Author(s):  
Eduardo Marquez ◽  
Isabel Leon

Dans cette recherche, on étudie l'impact des modalités d'ancrage de la représentation sociale du travail en fonction du statut professionnel (cadres / employés) pour une population de salariés de la fonction publique française. La représentation du travail que le groupe « cadres » mobilise renvoie aux pratiques professionnelles, celle du groupe « employés » renvoie) à une dimension économique et sociale qui s'exprime par l'importance accordée au salaire et aux relations de travail. L'examen des résultats montre que les éléments de la dimension normative d'un groupe correspondent aux éléments fonctionnels de l'autre groupe, mettant ainsi en évidence la nature de l'asymétrie des groupes étudiés.Cette différence représentationnelle est fondée sur la compositionqualitative des noyaux centraux des représentations du travail des deux groupes étudiés (objectivation différente). La discussion portenotamment sur le lien entre les résultats obtenus et l'implication au travail.



2011 ◽  
Vol 23 (1) ◽  
pp. 152-176 ◽  
Author(s):  
Dany Boulanger ◽  
François Larose ◽  
Yves Couturier

Les pratiques professionnelles des intervenants sociaux s’inscriraient généralement dans une perspective déficitaire, c’est-à-dire qu’elles ont pour finalité première de compenser les carences éducatives attribuées aux parents de milieux socioéconomiquement faibles (msef). Ces pratiques seraient fondées sur des représentations sociales négatives que partagent les intervenants sociaux à l’égard des compétences éducatives des parents de msef. Les représentations sociales forment un ensemble de savoirs de sens commun ayant pour fonction d’orienter les conduites et les pratiques des membres d’un groupe ou d’une catégorie sociale, dont les professionnels de l’intervention. L’actualisation de pratiques fondées sur la reconnaissance des compétences éducatives parentales pourrait toutefois, dans certaines conditions, soutenir l’émergence de représentations sociales positives chez les intervenants. Dans cet article, nous présenterons la nature des représentations sociales des intervenants à ce propos. Nous montrerons dans quelle mesure elles influencent leurs pratiques d’intervention. De plus, nous exposerons des conditions par lesquelles certaines pratiques peuvent permettre de modifier ces représentations et soutenir le processus d’appropriation de compétences (empowerment) chez les parents de msef. Ainsi, l’article vise essentiellement à démontrer le lien existant entre pratiques et représentations.



Sign in / Sign up

Export Citation Format

Share Document