scholarly journals Catégorisation et hiérarchie: sur la pertinence linguistique des termes de base

Author(s):  
Georges Kleiber

Le modèle psychologique hiérarchique des catégories proposé par Rosch et al. (1976) a-t-il une quelconque pertinence pour la linguistique ou non ? Cet article a pour objectif d’apporter quelques éléments de réponse à cette question. Il prolonge un autre travail entrepris sur ce sujet où nous nous sommes posé la question Y a-t-il des“termes” de base ? (Kleiber 1993). Il n’a donc pas pour ambition de présenter de nouvelles thèses sur la catégorisation ni de formuler des idées originales sur la sémantique lexicale, mais il s’attachera, beaucoup plus modestement, à travers l’examen de quelques problèmes linguistiques particuliers, a priori éloignés de la question de la spécificité lexicale, à montrer que la notion psychologique de niveau de base a des répercussions linguistiques suffisamment fortes pour qu’elle soit également prise en compte par le linguiste. Une telle entreprise n’est pas inutile, étant donné les objections de fond qu’a pu susciter la conception “verticale” de la sémantique du prototype. Aussi essaierons-nous, dans une première partie, de dégager l’importance de l’enjeu, le poids des arguments opposés et les réponses qu’on peut leur apporter, avant de passer, dans les parties suivantes, sur un plan tout à fait différent, celui des retombées linguistiques avec des manifestations de la notion de catégorie de base dans des domaines où on ne l’attend pas forcément.

2002 ◽  
Vol 24 (1) ◽  
pp. 81-90
Author(s):  
Marike FINLAY

Résumé Cet article pose la question suivante : est-ce que le sujet peut être réduit à une série de déterminations externes, qu'elles soient d'ordre discursif ou d'ordre socio-économique ? L'auteure répond à cette question en proposant une phénoménologie de l'horreur qui établit d'une part la primauté de l'affect dans l'expérience humaine et, d'autre part, un intérêt humain fondamental dans l'intégration psychosomatique du sujet. Sur ces bases, elle soutient que le sujet se déploie dans une sphère ontologique de l'intériorité. Cette sphère n'existe pas a priori mais se développe, comme l'école psychanalytique des relations d'objets le soutient (Klein, Winnicott), à partir d'une expérience du rapport entre le moi et le non-moi, le sujet et l'objet, l'image du corps et le schéma corporel, qui favorise l'intégration psychosomatique plutôt que le morcellement du sujet.


2005 ◽  
Vol 6 (1) ◽  
pp. 9-22 ◽  
Author(s):  
Fernand Dumont

Dans une étude récente, Henri Lefebvre propose de distinguer la conscience, le psychisme et Y idéologie de classe. La spécificité de l'idéologie par rapport aux deux autres composantes apparaît aisément. D'une part, ses fabricateurs sont généralement extérieurs aux classes impliquées. D'autre part, l'idéologie se fonde avant tout sur le besoin de donner cohérence à des situations. D'où vient cette exigence de cohérence ? D'abord, sans doute, du souci de fournir une représentation quelconque des rapports de la conscience de classe et du psychisme de classe. Mais aussi de la nécessité de mettre en relations le système de classes et la société globale. Insistons sur cette dernière proposition : elle indique le cadre de l'analyse qui va suivre. On peut postuler qu'il est particulièrement important, pour la société globale, de ramener les classes à une quelconque systématisation fonctionnelle, car leur existence est, pour elle, le défi le plus grand. Songeons, par exemple, à la nation. Se représenter la collectivité en termes ethniques ou en termes de classes : n'est-ce point une des questions, un des problèmes les plus décisifs qui tourmentent l'Occident depuis des siècles et qui ont gagné maintenant les pays en voie de développement ? Le conflit mérite d'autant plus de nous retenir que la distinction des trois éléments des classes que nous avons évoqués paraît être tout aussi valable et même nécessaire pour la société globale elle-même. Ici encore on pourrait parler de conscience, de psychisme et d'idéologie de la nation. De même, la fonction intégratrice des idéologies est primordiale. Car on ne saurait rendre compte de la cohésion qu'implique la nation en évoquant seulement un vague sentiment d'appartenance. Par ailleurs, les facteurs dits « objectifs » (comme la langue, la religion, l'organisation politique) varient d'une nation à l'autre, et même, pour une nation donnée, selon les phases historiques. Et les groupements, à l'intérieur d'une nation, ne sont pas toujours d'accord sur les mêmes facteurs d'intégration : on pense, par exemple, aux perpétuelles discussions sur la nation canadienne-française et sur la nation canadienne. D'où la fonction déterminante des idéologies qui réunissent, dans une sorte de « théorie », des conditions préalables comme la communauté de langue, de religion, etc., tout en se nourrissant de la conscience diffuse de traits distinctifs et d'une relative opposition à des autrui (c'est-à-dire, à d'autres nations). Le problème ainsi posé est particulièrement passionnant si on le traduit dans le contexte canadien-français. Nous sommes devant une nation qui s'est donné ses premières définitions idéologiques d'elle-même au moment où elle était encore une « société paysanne ». Elle a subi ensuite, à un rythme extrêmement rapide, l'impact de l'industrialisation. Si on ajoute à cela un angoissant voisinage avec l'Anglais et l'Américain, beaucoup plus riches et maîtres du pouvoir économique, on admettra qu'il s'agit d'un très beau cas où devraient nous apparaître certains mécanismes exemplaires de syncrétisme dans les définitions idéologiques des classes et de la société globale. Durant un siècle — en gros, des années 1840 aux lendemains de la dernière guerre — une idéologie très organique a régné ici presque sans conteste. Nous ne reprendrons pas ici la démonstration du caractère unitaire de cette idéologie ; nous l'avons esquissée dans d'autres travaux et, d'ailleurs, il existe à ce sujet une certaine unanimité des chercheurs canadiens-français. Nous nous attacherons plutôt, dans une première partie, à éclairer la constitution de cette idéologie et à repérer ses définiteurs en tâchant de déceler leur allégeance de classe. Nous analyserons brièvement, dans une deuxième partie, les grands thèmes de cette idéologie, en dégageant naturellement surtout la représentation des classes. Nous tâcherons enfin, dans une brève section finale, de formuler quelques hypothèses sur les remaniements impliqués par la crise profonde que traverse actuellement le Canada français. Nous nous imposerons ainsi un long détour historique, mais celui-ci est suggéré par la nature même du phénomène qui nous intéresse.


2016 ◽  
Vol 35 (2-3) ◽  
pp. 39-64
Author(s):  
Maud Gauthier-Chung

« On ne naît pas femme : on le devient », écrivait Simone de Beauvoir dans Le deuxième sexe, énonçant, pour la première fois dans l’histoire, l’idée que la féminité devait être comprise comme un produit social plutôt que comme un donné naturel. En vue des inégalités sociales et économiques auxquelles mène l’intégration des modèles genrés féminins, serait-il légitime de tenter de bouleverser ou même d’interrompre, sur le plan politique, le processus social du « devenir femme » ? Cet article se veut une tentative de réponse partielle à cette question, à partir de la perspective du libéralisme politique. Abordant le cas des inégalités économiques entre les hommes et les femmes au Canada, la première partie explore les tensions entre la promotion de l’égalité entre les sexes et l’impératif libéral de respect des choix individuels. Plusieurs féministes ont, en effet, soutenu qu’il est impossible, à partir d’un cadre libéral, de rendre compte des inégalités relatives au genre et d’y remédier, puisque celles-ci découlent de choix et de préférences liés aux conceptions de la « vie bonne » individuelles. La deuxième partie porte, quant à elle, sur la politique qui semble expliquer le succès des pays présentant la plus grande parité entre les sexes, soit les quotas de congés parentaux pour les pères. La troisième partie examine cette politique dans une perspective critique afin de dégager les principaux arguments qui militent contre l’implantation de tels quotas dans une société libérale. Contre ces arguments, la dernière partie fait la démonstration qu’il serait non seulement cohérent d’implanter une telle politique dans une société libérale, mais que celle-ci constitue un impératif en regard de la raison d’être du libéralisme comme forme d’organisation sociale.


2005 ◽  
Vol 32 (3) ◽  
pp. 495-523
Author(s):  
Diane Éthier

Selon les théories du développement politique, l'instauration et la consolidation de la démocratie dépendent essentiellement de facteurs domestiques. Cette approche est-elle encore valide à notre époque, alors que de plus en plus d'organisations internationales exigent de leurs partenaires qu'ils procèdent à des réformes démocratiques en échange de divers types d'aide ou d'ententes ? Une réponse affirmative a été apportée à cette question par diverses études spéculatives qui ont estimé que la conditionnalité politique des programmes d'aide serait inefficace, en raison : 1) des conditions internes défavorables des pays receveurs ; 2) de l'attitude récalcitrante des États receveurs ; 3) des dissensions et de l'incohérence des donateurs vis-à-vis de la conditionnalité. En se référant à ce modèle, la première partie de l'article argue que la conditionnalité politique de l'élargissement vers l'Est de l'Union européenne (UE) devrait être beaucoup plus efficace puisque : 1) les conditions internes des pays candidats sont plus favorables et 2) que, tant les pays candidats que les États membres de VUE, sont convaincus du bien-fondé des réformes demandées. La deuxième partie du texte confirme la pertinence de cette hypothèse par un examen empirique des impacts des deux modèles de conditionnalité politique. La conclusion examine les incidences théoriques d'un tel constat.


2005 ◽  
Vol 40 (4) ◽  
pp. 741-772 ◽  
Author(s):  
Ghislain Otis

La liberté de religion peut-elle être assurée par un système juridique en dehors de l'idéologie individualiste et « universalisante » des droits fondamentaux ? L'auteur tente de répondre à cette question en prenant pour champ d'investigation le droit canadien relatif aux peuples autochtones. Dans la première partie de son étude, il souligne l'importance de la référence religieuse dans les revendications foncières des autochtones et explique comment le droit constitutionnel canadien, en reconnaissant les droits ancestraux et les droits issus de traités des peuples autochtones, consacre le principe de l’« autochtonité » comme fondement autonome de droits religieux afférents à la terre et aux ressources naturelles. De cette analyse, il ressort que les communautés autochtones pourront revendiquer des droits sur certains sites qu'elles tiennent pour sacrés ainsi que des droits d'usage religieux des terres et ressources naturelles du domaine public. Si la consécration constitutionnelle de droits religieux sui generis en marge de toute charte des droits individuels ne fait pas de doute, l'auteur met en évidence dans la seconde partie de l'article les diverses contraintes inhérentes à la conception traditionaliste que se fait la Cour suprême du Canada de l’« autochtonité » comme assise des droits ancestraux. Ces contraintes religieuses tiennent principalement à l'importance déterminante que la Cour accorde au réfèrent culturel précolonial dans la définition des droits ancestraux et à la représentation « sacralisante » de la terre qui imprègne le régime du titre aborigène esquissé dans l'affaire Delgamuukw c. Colombie-Britannique. L'auteur relève en outre les dangers que pourrait poser pour la liberté individuelle de religion le communautarisme foncier propre au titre aborigène. Il indique à cet égard les moyens juridiques susceptibles d'être déployés, au nom des droits fondamentaux, pour préserver les individus de l'enfermement religieux par le groupe. Enfin, l'auteur conclut que, dans l'état actuel de la jurisprudence, les droits religieux particuliers reconnus aux peuples autochtones ne s'accompagnent pas d'une véritable liberté de religion permettant aux autochtones contemporains de redéfinir librement leur rapport à la terre et aux ancêtres.


Author(s):  
Sophie Allain
Keyword(s):  
A Priori ◽  

Dans le domaine de la gestion stratégique des PME, une des questions clés est de savoir comment s’établit le lien entre les idées contenues dans la vision stratégique du dirigeant et les décisions réelles qui sont prises. On aborde ici cette question par une approche cognitive ; il s'agit de comprendre pourquoi et comment un individu prend ses décisions. Et on considère que ce n’est qu’en revenant à la manière même dont celui-ci interprète sa situation qu’on peut y parvenir. On choisit le cas de l’entreprise agricole pour prospecter cette voie, car il s’agit d’une très petite entreprise, généralement pilotée par un seul décideur; vision stratégique et décisions concrètes relèvent donc de la même personne. On propose tout d’abord le schéma suivant des décisions : l’agriculteur a des représentations stables, qui sont, d’une part, une vision stratégique de son entreprise lui fournissant les éléments de sa politique générale et, d’autre part, des programmes d’action lui permettant de prendre des décisions opérationnelles à caractère répétitif, donc, d’assurer le fonctionnement courant de son entreprise; le couplage entre ces deux plans est assuré par les décisions de gestion stratégique qui sont, pour nous, les décisions qui gèrent le changement dans l'entreprise. On construit alors une grille d'analyse de ces décisions. Celles-ci sont vues comme suivant à la fois une logique de résolution de problème et une logique d'adéquation, l’individu recherchant une solution satisfaisante, non connue a priori, en s'appuyant sur les représentations qui guident son action ; ces deux logiques obéissent à des principes de simplification, de continuité et de connexion étroite aux actions à mener au même moment. On applique cette grille au cas d'un agriculteur d’une région de grande culture française et on envisage pour finir quelques perspectives en matière d’aide à la décision et de recherche.


Author(s):  
Denis Carré ◽  
Nadine Levratto

RésuméCe texte cherche à établir les raisons de la modeste participation des PME à l’innovation technologique malgré les politiques de soutien mises en place depuis plus de 20 ans. Nous abordons cette question à partir d’une analyse rétrospective des différents dispositifs institutionnels mobilisés et en montrant comment les actions mises en oeuvre ont oscillé entre aménagement du territoire et renforcement du système national de recherche et développement. Il apparaît alors que la relative faiblesse de leur participation et leur position adventice s’expliquent moins par les formes particulières des dispositifs en cause que par les politiques de soutien à ces entreprises mises en place.La première partie montre que la modeste implication des PME aux programmes nationaux d’innovation résulte à la fois d’un manque de ciblage sur cette catégorie d’entreprises et de l’insuffisante mise en réseau de la plupart des entreprises constitutives de ce sous-ensemble. La deuxième partie indique comment les pôles de compétitivité ont cherché à contourner ces handicaps grâce à leurs modalités de définition et leur mode d’organisation interne. La troisième partie, plus prospective, dresse un premier bilan de la mise en place des pôles de compétitivité et de l’effet dynamisant sur l’innovation par et dans les PME.


1989 ◽  
Vol 4 (1) ◽  
pp. 37-55 ◽  
Author(s):  
Michelle Bergadaà

A travers l'étude du temps, de son sens profond, et des recherches spécifiquement dirigées vers cet « objet » de recherche, se dessinent des modes de pensées, philosophies et tentatives d'explication de la réalité, complémentaires, mais parfois divergentes. Le marketing, discipline dont les sources se trouvent en économie, sociologie, psychologie, et parfois anthropologie, adhère souvent à ces modes de pensées sans discernement. Cette revue de littérature comprehensive du rôle du temps dans le comportement de l'individu, donc du consommateur, est donc aussi une quête de nos herméneutiques spécifiques de recherche, de nos biais et enfin de nos a-priori en ce qui concerne la fondamentale question du déterminisme ou jet du volontarisme de l'action humaine. Dans la première partie les recherches réalisées en économie et sociologie ont été analysées. Cette deuxième partie de l'article traite des travaux dans les domaines de la psychologie et de l'anthropologie. Elle se conclut par une proposition de voies de recherche à explorer.


1970 ◽  
Vol 25 (4) ◽  
pp. 842-856 ◽  
Author(s):  
Denys Lombard
Keyword(s):  
A Priori ◽  
De Se ◽  

L'Asie du Sud-Est offre à l'historien un terrain à la fois privilégié et complexe ; on sait qu'en ce carrefour, le « substrat » a largement subi les influences de l'Inde, de la Chine, de l'Islam et de l'Europe et l'on est a priori en droit de se demander si le phénomène urbain n'y porte pas, de façon originale, la marque des diverses cultures qui s'y sont ainsi croisées. Il s'en faut malheureusement que nous disposions déjà des monographies élémentaires qui permettraient de donner à cette question une réponse certaine ; sauf exceptions, les études archéologiques ont principalement porté sur des édifices religieux (hindouistes ou bouddhistes) et, pour la période antérieure à l'arrivée des Européens, l'histoire économique et sociale reste pour ainsi dire à écrire.


2017 ◽  
Author(s):  
François Laplantine

La question du sujet est devenue la question cruciale de notre époque. Pour nous en rendre compte, il nous faut réfléchir d’emblée à son élimination qui revêt trois formes : sa destruction radicale dont le XXème siècle, siècle des génocides, porte la marque indélébile ; sa domination et sa discrimination dans les rapports coloniaux ; sa normalisation, sa neutralisation voire sa réification dans les sociétés contemporaines les plus modernes et d’apparence les plus démocratiques. L’anthropologie se doit de considérer de manière non pas réactive mais réflexive les opérations de simplification du sujet, qui s’accompagnent le plus souvent d’une falsification du langage : sa réduction à l’individu qui, en tant que monade séparée se créditant d’autosuffisance, est une construction culturelle qui n’a rien d’universelle ; à la culture (ou plus précisément à la monoculture dans certaines formes de nationalisme et de communautarisme), au cerveau dans une idéologie cognitiviste procédant d’une instrumentalisation des neuro-sciences. Ce sont des opérations de réduction du multiple à l’un qui recèlent une forte charge de violence. Aussi avant de se demander comment la question du sujet peut être traitée, il convient de constater que ce dernier est aujourd'hui maltraité y compris dans une partie des sciences sociales. Plusieurs dimensions du sujet (ou plus exactement de processus de subjectivation) doivent être distingués. Un sujet politique pris dans des rapports de pouvoir et cherchant à les transformer : c’est la notion de citoyen et de citoyenneté. Un sujet juridique, sujet de droit et du droit impliquant les notions de reconnaissance et de personne. Un sujet psychologique (moi, esprit, conscience) pouvant être groupal, sociétal, national. Un sujet grammatical ou sujet du langage engagé physiquement dans des processus d’énonciation mais qui n’a aucune universalité puisqu’un certain nombre de langues comme le japonais ne le place pas dans cette position d’antériorité et de centralité du je et peuvent très bien ne pas le désigner explicitement. Il existe enfin un sujet logique ou sujet de la connaissance – qualifié par Michel Foucault de « sujet épistémique ». C’est le sujet de la philosophie européenne. Successivement socratique, cartésien, kantien, durkheimien puis sartrien, il se pose comme étant indépendant des notions de genre, de culture et de couleur et présuppose, dans la constitution asymétrique d’un « champ », son antériorité, son extériorité et sa supériorité par rapport à un « objet ». C’est ce sujet premier et fondateur, visée et intentionnalité, foyer affranchi de toute détermination à partir duquel se constitue la dotation et l’assignation des significations qu’une anthropologie non hégémonique se doit de remettre en question. Ce qui est en crise aujourd'hui est à la fois le logicisme sans sujet du structuralisme et le sujet logique durkheimien non troublé d'affectivité, impassible et immuable, le sujet européencentré blanc, masculin, hétérosexuel, compact, constant, cohérent, transparent, adéquat à lui-même. Ce sujet de l'universalisme à la française n'a rien d'anthropologique car il est androcentré, géocentré et même chromatocentré. Cet universalisme par capitalisation de signes (homme – blanc – hétérosexuel – jamais malade – toujours jeune et toujours en forme – propriétaire ou copropriétaire de tous les biens et de toutes les valeurs) est une forme de communautarisme déguisé. C'est un universalisme abstrait, anhistorique et métaculturel qui a de la difficulté à prendre en considération les situations de vulnérabilité créées par la logique économiste de la globalisation. Pour dire les choses autrement, la notion égologique du sujet individuel tel qu'il s'est construit de manière historique, philosophique, sociologique et anthropologique en Europe n'est pas transférable telle quelle dans d'autres sociétés et à d'autres époques. Elle peut même constituer un obstacle dans la connaissance (qui commence avec la reconnaissance) de ce qui se joue aujourd'hui dans toutes les sociétés : non seulement des rapports socio-économiques de classe, mais des rapports de couleur, de genre, de génération, des rapports aux situations de handicap sans oublier la manière dont on traite les animaux. L’horizon de connaissance et d’action ne peut plus être celui de l’humanisme européen. Il ne peut plus être égologique et monologique. Il appelle la déliaison de la subjectivité (laquelle n’est pas intériorité et encore moins irrationalité mais condition de la précision) par rapport à la philosophe européenne. Le sujet n’est nullement abandonné mais requalifié en termes de processus (hétérogènes) de subjectivation. Il se trouve déplacé dans l’expérience du terrain et le travail de l’écriture ainsi que des sons et des images. Dans le trouble et la turbulence sont aujourd'hui en train de s’inventer dans les périphéries de la culture et dans les cultures diasporiques de nouvelles formes de subjectivité pouvant être qualifiées d’hybride, de métisse, de mutante. Aussi notre vocation est-elle d’accompagner et pourquoi pas de contribuer à créer des possibilités de devenir différents de ce que nous sommes. Dans cette perspective, qui est celle d’une anthropologie politique du sujet (et non de l’objet), ce qu’Alexandre Kojève a qualifié le « sujet de la science » conçu de manière vectorielle et unidirectionnel appelle à être problématisé car ce dernier ne peut être transparent et unifié. Il se trouve dans les sociétés contemporaines en permanence divisé, ce qui est source de toutes les multiplicités. Les notions d’assujettissement et de désassujettissement (c'est-à-dire de resubjectivation), peuvent être alors utilisées comme des notions exploratoires afin de poser cette question : comment ceux qui ont été considérés comme objets (du savoir) peuvent (re)devenir sujet (de la connaissance), acteurs (et non seulement agents)


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