scholarly journals Revendications foncières, « autochtonité » et liberté de religion au Canada

2005 ◽  
Vol 40 (4) ◽  
pp. 741-772 ◽  
Author(s):  
Ghislain Otis

La liberté de religion peut-elle être assurée par un système juridique en dehors de l'idéologie individualiste et « universalisante » des droits fondamentaux ? L'auteur tente de répondre à cette question en prenant pour champ d'investigation le droit canadien relatif aux peuples autochtones. Dans la première partie de son étude, il souligne l'importance de la référence religieuse dans les revendications foncières des autochtones et explique comment le droit constitutionnel canadien, en reconnaissant les droits ancestraux et les droits issus de traités des peuples autochtones, consacre le principe de l’« autochtonité » comme fondement autonome de droits religieux afférents à la terre et aux ressources naturelles. De cette analyse, il ressort que les communautés autochtones pourront revendiquer des droits sur certains sites qu'elles tiennent pour sacrés ainsi que des droits d'usage religieux des terres et ressources naturelles du domaine public. Si la consécration constitutionnelle de droits religieux sui generis en marge de toute charte des droits individuels ne fait pas de doute, l'auteur met en évidence dans la seconde partie de l'article les diverses contraintes inhérentes à la conception traditionaliste que se fait la Cour suprême du Canada de l’« autochtonité » comme assise des droits ancestraux. Ces contraintes religieuses tiennent principalement à l'importance déterminante que la Cour accorde au réfèrent culturel précolonial dans la définition des droits ancestraux et à la représentation « sacralisante » de la terre qui imprègne le régime du titre aborigène esquissé dans l'affaire Delgamuukw c. Colombie-Britannique. L'auteur relève en outre les dangers que pourrait poser pour la liberté individuelle de religion le communautarisme foncier propre au titre aborigène. Il indique à cet égard les moyens juridiques susceptibles d'être déployés, au nom des droits fondamentaux, pour préserver les individus de l'enfermement religieux par le groupe. Enfin, l'auteur conclut que, dans l'état actuel de la jurisprudence, les droits religieux particuliers reconnus aux peuples autochtones ne s'accompagnent pas d'une véritable liberté de religion permettant aux autochtones contemporains de redéfinir librement leur rapport à la terre et aux ancêtres.

2005 ◽  
Vol 37 (101) ◽  
pp. 263-290 ◽  
Author(s):  
Jules Dufour

Les peuples autochtones qui vivent au Québec, Canada, cherchent à faire reconnaître leurs droits les plus fondamentaux, ancestraux existants, territoriaux, économiques et sociaux et ce, en conformité avec le mouvement international en faveur de ces peuples, tel qu'il s'est manifesté au cours des 20 dernières années dans le cadre de l'Organisation des Nations Unies. Le présent article analyse cette question fondamentale en dressant le bilan des efforts des peuples autochtones vivant au Québec déployés sur ce plan et en esquissant les conditions qui leur permettront de survivre, telles qu'elles ont été définies dans le cadre du Sommet de la Terre qui s'est tenu à Rio de Janeiro, Brésil, en juin 1992.


2016 ◽  
Vol 35 (2-3) ◽  
pp. 39-64
Author(s):  
Maud Gauthier-Chung

« On ne naît pas femme : on le devient », écrivait Simone de Beauvoir dans Le deuxième sexe, énonçant, pour la première fois dans l’histoire, l’idée que la féminité devait être comprise comme un produit social plutôt que comme un donné naturel. En vue des inégalités sociales et économiques auxquelles mène l’intégration des modèles genrés féminins, serait-il légitime de tenter de bouleverser ou même d’interrompre, sur le plan politique, le processus social du « devenir femme » ? Cet article se veut une tentative de réponse partielle à cette question, à partir de la perspective du libéralisme politique. Abordant le cas des inégalités économiques entre les hommes et les femmes au Canada, la première partie explore les tensions entre la promotion de l’égalité entre les sexes et l’impératif libéral de respect des choix individuels. Plusieurs féministes ont, en effet, soutenu qu’il est impossible, à partir d’un cadre libéral, de rendre compte des inégalités relatives au genre et d’y remédier, puisque celles-ci découlent de choix et de préférences liés aux conceptions de la « vie bonne » individuelles. La deuxième partie porte, quant à elle, sur la politique qui semble expliquer le succès des pays présentant la plus grande parité entre les sexes, soit les quotas de congés parentaux pour les pères. La troisième partie examine cette politique dans une perspective critique afin de dégager les principaux arguments qui militent contre l’implantation de tels quotas dans une société libérale. Contre ces arguments, la dernière partie fait la démonstration qu’il serait non seulement cohérent d’implanter une telle politique dans une société libérale, mais que celle-ci constitue un impératif en regard de la raison d’être du libéralisme comme forme d’organisation sociale.


2005 ◽  
Vol 32 (3) ◽  
pp. 495-523
Author(s):  
Diane Éthier

Selon les théories du développement politique, l'instauration et la consolidation de la démocratie dépendent essentiellement de facteurs domestiques. Cette approche est-elle encore valide à notre époque, alors que de plus en plus d'organisations internationales exigent de leurs partenaires qu'ils procèdent à des réformes démocratiques en échange de divers types d'aide ou d'ententes ? Une réponse affirmative a été apportée à cette question par diverses études spéculatives qui ont estimé que la conditionnalité politique des programmes d'aide serait inefficace, en raison : 1) des conditions internes défavorables des pays receveurs ; 2) de l'attitude récalcitrante des États receveurs ; 3) des dissensions et de l'incohérence des donateurs vis-à-vis de la conditionnalité. En se référant à ce modèle, la première partie de l'article argue que la conditionnalité politique de l'élargissement vers l'Est de l'Union européenne (UE) devrait être beaucoup plus efficace puisque : 1) les conditions internes des pays candidats sont plus favorables et 2) que, tant les pays candidats que les États membres de VUE, sont convaincus du bien-fondé des réformes demandées. La deuxième partie du texte confirme la pertinence de cette hypothèse par un examen empirique des impacts des deux modèles de conditionnalité politique. La conclusion examine les incidences théoriques d'un tel constat.


2005 ◽  
Vol 47 (4) ◽  
pp. 781-814 ◽  
Author(s):  
Ghislain Otis

Dans cette brève étude, l’auteur s’attache à démontrer qu’il faut revoir la place du territoire dans la mise en oeuvre de l’autonomie gouvernementale autochtone. Il analyse, dans la première partie du texte, les conditions d’émergence de formes territoriales et non territoriales (personnelles) d’organisation du pouvoir dans les États pluricommunautaires ou multinationaux. Il se penche ensuite, dans la seconde partie, sur le rôle que devrait jouer chacun de ces modèles dans la gouvernance autochtone au Canada. Partant du constat que l’enchevêtrement spatial des populations allochtones et autochtones s’inscrit durablement dans l’évolution démographique du Québec et du Canada, l’auteur avance qu’il est devenu impérieux de dépasser la territorialité sans la renier pour aménager l’espace constitutionnel nécessaire à l’autonomie politique autochtone. Pour la majorité des peuples autochtones, la terre et ses ressources constitueront le support de compétences gouvernementales se traduisant par un contrôle de la terre et des rapports entre les personnes et la terre. En revanche, une obédience stricte aux diktats de la territorialité pourrait créer une impasse préjudiciable à la capacité des peuples autochtones de se gouverner, surtout lorsqu’un nombre significatif de leurs membres vivent en dehors du territoire communautaire ou encore dans le cas des communautés qui n’ont pas de territoire propre et qui ne pourront, de manière réaliste, se voir reconnaître des droits exclusifs sur des terres à court terme. Pour certaines de ces communautés, le règlement de la question territoriale pourrait ne pas suffire à mettre fin à leur dispersion minoritaire en milieu allochtone de sorte que, dans ce cas, les compétences personnelles plutôt que territoriales s’avéreront une solution permanente. L’auteur fait enfin valoir que lorsque les non-membres vivant en territoire autochtone ne jouissent pas de tous les droits politiques inhérents à la citoyenneté canadienne, le principe de personnalité pourrait s’appliquer de manière à soustraire ces non-membres à l’application des certaines lois autochtones n’influant pas sur le contrôle autochtone de la terre. Le principe de personnalité viendrait ici conforter la légitimité démocratique du pouvoir autochtone et faciliter la coexistence harmonieuse des populations sans compromettre la mainmise des peuples autochtones sur l’exercice de leurs droits historiques.


2015 ◽  
Vol 44 (2-3) ◽  
pp. 5-12
Author(s):  
Stephen Grant Baines ◽  
Alice Fiuza

Cet article examine certains des défis rencontrés par l’ethnologie autochtone au Brésil, au Canada et en Australie au cours des dernières décennies, en mettant l’accent sur les situations où se produit le contact interethnique entre peuples autochtones et États nationaux et dans lesquelles l’anthropologue intervient au moyen de recherches politiquement engagées. La représentation des peuples autochtones dans les trois pays s’est renforcée depuis la consolidation des mouvements politiques autochtones à partir des années 1970, au moment où les grandes sociétés minières, forestières, d’élevages, agro-industrielles et hydroélectriques convoitaient les ressources naturelles sur les territoires autochtones. L’anthropologue travaille dans des contextes fortement politisés en collaboration avec des agents sociaux des communautés autochtones et de la société nationale, tant du gouvernement que des entreprises actives sur les territoires autochtones. Un des rôles joués par l’anthropologue consiste à interpréter les situations complexes d’interventions gouvernementales et de l’indigénisme entrepreneurial en analysant et en contextualisant les différentes opinions des intervenants sociaux qui y prennent part.


Author(s):  
Denis Carré ◽  
Nadine Levratto

RésuméCe texte cherche à établir les raisons de la modeste participation des PME à l’innovation technologique malgré les politiques de soutien mises en place depuis plus de 20 ans. Nous abordons cette question à partir d’une analyse rétrospective des différents dispositifs institutionnels mobilisés et en montrant comment les actions mises en oeuvre ont oscillé entre aménagement du territoire et renforcement du système national de recherche et développement. Il apparaît alors que la relative faiblesse de leur participation et leur position adventice s’expliquent moins par les formes particulières des dispositifs en cause que par les politiques de soutien à ces entreprises mises en place.La première partie montre que la modeste implication des PME aux programmes nationaux d’innovation résulte à la fois d’un manque de ciblage sur cette catégorie d’entreprises et de l’insuffisante mise en réseau de la plupart des entreprises constitutives de ce sous-ensemble. La deuxième partie indique comment les pôles de compétitivité ont cherché à contourner ces handicaps grâce à leurs modalités de définition et leur mode d’organisation interne. La troisième partie, plus prospective, dresse un premier bilan de la mise en place des pôles de compétitivité et de l’effet dynamisant sur l’innovation par et dans les PME.


2014 ◽  
Vol 42 (1) ◽  
pp. 23-29
Author(s):  
Éric George ◽  
France Aubin

Ce texte est consacré à la place et au rôle d’APTN dans le développement des industries audiovisuelles autochtones. Les auteurs cherchent à établir dans quelle mesure la création de ce réseau a permis effectivement de favoriser un droit à la communication plus large de la part des peuples autochtones du Canada, entendu comme un accès à l’expression des idées, des valeurs, des traditions des Premières Nations, Métis et Inuits. Ils abordent ici cette question du point de vue des conditions économiques, politiques et sociales de production des contenus culturels ; ce qui conduit à considérer tout d’abord que, depuis sa naissance, APTN a tenu un rôle majeur afin de favoriser à la fois la production et la diffusion de contenus autochtones. Mais en visant le professionnalisme présent dans les médias de masse traditionnels, ne sommesnous pas ici assez loin d’une production autochtone qui aurait avant tout pour but de favoriser l’expression ? De cette question découle un constat : le statut d’APTN apparaît quelque peu ambigu entre secteurs public, privé et communautaire.


2009 ◽  
Vol 32 ◽  
pp. 94-100
Author(s):  
Livia Vitenti

Résumé La souveraineté autochtone existe-t-elle? Dans cet article, j’aborde cette question à travers une lecture critique des ouvrages de quelques chercheurs d’Amérique Latine, qui examinent les droits spécifiques des peuples autochtones, leurs conditions et leurs déterminants. À partir de ces lectures, je propose d’une part une réflexion sur le droit étatique occidental, caractérisé par le monisme juridique, d’abord défendu par Hans Kelsen. D’autre part, je discute des possibilités de la création d’un État multiculturel et de l’imposition d’un pluralisme juridique. Je développe mon argument en affirmant que toutes les sociétés ont des formes spécifiques de droit, mais que cela implique plutôt une affirmation sur le plan de l’identité sociale et culturelle. Pour finaliser mon argument, je me base sur l’ouvrage d’Antônio Carlos de Souza Lima pour discuter des effets du pourvoir tutélaire sur les peuples autochtones du Brésil.


Author(s):  
Sophie Mailly

L’extraction minière a joué un rôle primordial dans le processus de construction nationale du Canada. Une fois l’unification du pays, d’un océan à l’autre, complétée et après avoir dépossédé les peuples autochtones de leurs ressources naturelles et territoires ancestraux, l’industrie minière canadienne s’est exportée chez ses voisins latino-américains. À travers l’étude de cas de l’entreprise Inco au Guatemala et de sa filiale Exmibal, nous démontrons en quoi l’industrie minière canadienne constitue une forme d’impérialisme et ses opérations à l’étranger reproduisent les dynamiques impériales internes. En examinant les activités commerciales d’Inco de 1956 à 1981 au Guatemala, la participation du gouvernement canadien ainsi que l’opposition locale et celle des missionnaires catholiques canadiens au projet de la compagnie, nous pouvons ainsi saisir la façon dont se déploie l’empire canadien interne et externe. Cet article est un pas pour mettre en lumière les éléments de réciprocité et de continuité historiques du Canada et du Guatemala en replaçant la saga Exmibal dans l’histoire plus longue de ces pays.


2018 ◽  
Vol 28 (2) ◽  
pp. 225-255 ◽  
Author(s):  
Salimeh Maghsoudlou

RésuméLa première partie de cet article est consacrée à la présentation d'al-Mustamlī al-Buḫārī et du commentaire volumineux qu'il a rédigé sur al-Ta‘rruf li-maḏhab altaṣawwuf d'al-Kalābāḏī. Al-Mustamlī et al-Kalābāḏī avaient, tous les deux, un grand penchant pour les discussions de kalām et al-Mustamlī s'est étendu sur nombre de questions théologiques dans son commentaire, le Šarḥ al-Ta‘arruf. Au vu de la présence de sujets propres au kalām dans le livre d'al-Mustamlī, cet article abordera la question de l'appartenance de ce dernier aux écoles de la théologie sunnite et montrera que malgré sa proximité géographique avec Abū Manṣūr al-Māturīdī, al-Mustamlī était probablement affilié à l’école d'Abū l-Ḥasan al-Aš‘arī. La seconde partie de cet article portera sur le problème de la nature de l'esprit (rūḥ) dans le traitement qu'en offre al-Mustamlī. En abordant cette question, al-Mustamlī est allé au-delà des frontières de l'anthropologie physicaliste du kalām et son argument en faveur de l'existence de l'esprit offre des affinités avec la preuve avicennienne de l'existence de l’âme rationnelle, telle qu'elle se présente dans le fameux argument de l'homme volant. L'ouvrage d'al-Mustamlī constitue donc une source importante pour comprendre l'histoire intellectuelle en Transoxiane et les interactions entre les différents groupes de théoriciens – mutakallimūn, Sufis et falāsifa.


Sign in / Sign up

Export Citation Format

Share Document