Frederic Jameson et la dialectique de l’affect
Les écrits de Deleuze, et en particulier ceux faits en collaboration avec Félix Guattari, ont généré une pléthore de critiques et d’analyses en théorie culturelle, sociale et politique. Deux mouvances conceptuelles en particulier, caractéristiques du tournant culturel, constituent l’intérêt central de cet article; soit la mobilisation et la place prépondérante du concept de l’affect, ainsi que la critique sévère, voire même l’abandon du concept de médiation. D’une part, ces deux mouvances sont souvent représentées comme étant deux dimensions d’un même processus analytique. D’autre part, elles sont souvent comprises comme une relation de cause à effet dans le récit historique du capitalisme tardif. L’affect émerge en tant que mécanisme important de l’organisation du social, du tournant culturel récent — qui sera appelé ici postinterprétatif— parce que le processus de médiation est devenu redondant et n’est plus considéré comme une avenue pour comprendre la formation sociale du capitalisme tardif. Cela n’est pourtant pas le résultat d’une séquence chronologique. En effet, cette séquence pourrait être renversée et décrire un moment où la médiation devient redondante du fait que l’affect devient un mécanisme important de l’organisation du social. L’article montre que cette relation de cause à effet entre l’affect et la médiation peut être considérée comme une relation dialectique et que l’affect et la médiation ne sont pas opposés, mais doivent plutôt être compris comme deux effets interreliés d’un même processus historique. Ces démonstrations analytiques, du moins dans la façon dont elles sont présentées et articulées dans les écrits de Fredric Jameson, sont compatibles avec une approche postinterprétative en théorie culturelle.