scholarly journals Commentaire

2005 ◽  
Vol 3 (1-2) ◽  
pp. 168-170
Author(s):  
Clément Cormier

Le titre même de cette communication indique dès le départ deux lacunes majeures des recherches sociologiques sur le Canada français. Il est en effet bien symbolique que l'on doive traiter comme un même sujet les études sur les milieux de travail et l'analyse de la stratification sociale. Ceci indique combien nous avons encore peu développé ces deux domaines de recherche. Nous croyons pourtant qu'une connaissance plus précise de la division de notre société en classes et en strates sociales apporterait l'armature centrale à presque toutes nos recherches sociographiques. Il est frappant de constater, en parcourant notre littérature sociologique, combien nos chercheurs déplorent souvent cette lacune. L'appartenance à une strate ou à une classe sociale constitue en effet une des variables les plus communément utilisées en recherche sociologique. Le fait que l'on ne puisse s'appuyer sur un ensemble de travaux dans ce domaine impose donc toujours de sérieuses limitations à nos recherches. De même, dans une société industrielle et technologique qui vient tout juste de succéder à une société de type agricole et artisanal, les milieux de travail sont des objets d'étude privilégiés pour le sociologue. L'évolution globale des occupations, les transformations des conditions de travail dans un grand nombre d'emplois, l'adaptation à de nouveaux modes et à de nouveaux milieux de travail, la mobilité professionnelle, voilà autant de problèmes qui se présentent dans l'usine, dans l'entreprise commerciale, dans le bureau, dans l'école ou l'université, etc. C'est dans ces cadres en évolution que se façonne une partie de la culture et de la mentalité de la population. Les traditions marxistes et durkheimienne à la fois nous ont appris à ne pas minimiser — sinon à privilégier — l'impact de l'infrastructure de la division du travail sur l'ensemble socio-culturel. C'est donc sous le signe de cette double lacune que se situe le présent exposé. Ceci n'est cependant pas dit pour diminuer l'importance des travaux déjà faits. Les jalons posés prennent au contraire une plus grande valeur du fait qu'ils indiquent une première orientation pour les recherches que l'on peut espérer dans un avenir prochain. En analysant ces travaux, il m'a semblé qu'on pouvait les regrouper sous trois thèmes principaux : l'évolution historique de la structure occupationnelle, la répartition des groupes ethniques dans les différentes catégories d'emplois et les études de stratification et de mobilité sociales. Ce sont ces trois thèmes que je me propose de présenter successivement.

2005 ◽  
Vol 23 (1-2) ◽  
pp. 109-124
Author(s):  
Benoît Lacroix

Au moment où nous rédigeons ces pages, à deux décades près de l'an deux mille, Freud a déjà réhabilité le rêve, Breton l'instinct, Durand l'imaginaire, Mabille le merveilleux, Todorov le fantastique ; Otto, Bataille, Caillois, les historiens Éliade et Dumézil ont réévalué depuis longtemps le sacré et le religieux. Jean-Charles Falardeau écoute ces « maîtres » avec un talent critique dont nous voudrions rendre compte ici pour mieux nous interroger avec lui sur d'autres perspectives possibles de l'étude du phénomène religieux dans le milieu canadien-français. Rappeler ce qui, à notre point de vue, constitue l'essentiel du message de notre distingué compatriote dans ces matières pourtant ardues, vérifier dans la mesure du possible les avenues que nous ouvrent déjà plusieurs de ses intuitions sur l'imaginaire et le merveilleux, voilà une entreprise pour le moins audacieuse. Au premier abord, il est difficile d'imaginer que cet homme raffiné et distingué au possible, sociologue en plus et conduit comme tel à scruter des systèmes de valeurs fermes et à inspecter le champ bien concret des structures sociales de la paroisse, du village, de la famille, puisse un jour rêver de merveilleux et d'espaces spirituels inédits. Prêtons-nous à ce frère amical, vénéré et admiré depuis plus de quarante ans, des considérations que seule une amitié excessive pourrait justifier? Quand on s'est longtemps occupé de l'univers religieux de ses ancêtres médiévaux et de sa translatio studii en Amérique française, n'est-ce pas témérité et gratuité pure que toutes ces préoccupations retrouvées dans une problématique moderne? Pourtant, ce n'est pas l'amour obsessif du Moyen Âge qui nous rapproche de Falardeau : ce sont plutôt les effets de l'héritage religieux en milieu nord-américain. Les mêmes quêtes spirituelles et les mêmes hésitations face aux changements culturels de notre temps nous conduisent à relire J.-C. Falardeau. L'académisme universitaire, l'aventure du surréalisme, l'affaire Borduas vingt ans plus tard, l'intervention courageuse de notre ami Robert Élie, des amitiés parallèles, tout ceci, nous l'avons partagé chacun à notre façon et sans même en discuter entre nous. Nous nous étions à divers degrés consacrés au service des étudiants. Il nous est aussi arrivé d'occuper successivement la même chaire de civilisation franco-québécoise à l'Université française de Caen. Dans de telles circonstances, il est presque normal que nos imaginations se soient souvent croisées. Où et quand? Mais quelque part, ne fût-ce que dans cet univers intérieur judéo-chrétien qui a enveloppé nos enfances respectives. Autant de prétextes qui nous amènent aujourd'hui à rejoindre Falardeau sur le terrain qu'il habite et défriche avec un acharnement digne de son sens du bien savoir et du bien faire. Surtout, l'occasion nous est enfin offerte de penser « sacré », « mystère », «imaginaire», «merveilleux» en compagnie d'un pionnier de la sociologie religieuse en Amérique française. Stimulus d'autant plus efficace que nous avons eu, au moins à trois reprises, l'occasion d'entendre les propos de notre collègue, avant qu'il ne les livrât à l'impression. La première fois, en avril 1962, ce fut à l'occasion du colloque de Recherches sociographiques ; la seconde fois, le 17 octobre 1971, à l'Institut supérieur des sciences humaines de l'Université Laval, lors du deuxième colloque sur les religions populaires. En 1973, le même J.-C. Falardeau proposait aux membres de l'Académie québécoise des sciences morales et politiques, à Montréal, une communication intitulée Problématique d'une sociologie du roman et publiée en 1974 dans Imaginaire social et littérature sous le titre déjà plus signifiant : « Le roman et l'imaginaire». Nous le revoyons encore assis à la table de conférence, sérieux et digne, ferme dans ses mots, bien aligné sur son texte ; nous l'entendons dire dans une langue froidement impeccable des paroles qui nous rassurent et nous interrogent tous. Sans qu'il le sache toujours, J.-C. Falardeau aura, par ses travaux autant que par la direction de ses recherches en matières religieuses, profondément influencé le Canada français depuis plus de vingt ans. Ses nombreuses études de sociologie et sa participation à l'évaluation périodique des croyances, rituels et agirs du plus grand nombre, ce que nous appelons provisoirement la religion populaire, restent de première importance. En somme, c'est presque un acte de piété, entendu au sens médiéval, que nous accomplissons en rendant hommage à celui dont nous avons si souvent relu les textes et pillé les bibliographies. Notre propos exact est de considérer tour à tour l'imaginaire, le merveilleux et le sacré pour mieux entrevoir, si possible, et toujours en compagnie de Falardeau, l'accès aux mystères qui définissent le sacré judéo-chrétien dans lequel la majorité de nos compatriotes canadiens-français ont vécu jusqu'à la limite de la pensée magique.


2005 ◽  
Vol 12 (3) ◽  
pp. 361-377
Author(s):  
Ralph D. Vicero

Au cours du XIXe siècle, le Canada a subi une lourde perte plus ou moins continue de sa population qui se dirigeait vers les États-Unis. Étant donné sa situation particulière au sein de la Fédération canadienne, cet exode avait des implications de grande portée pour le Canada français, plus spécialement pour le Québec. Bien que les Canadiens français se soient répartis à travers les États du nord, la Nouvelle-Angleterre devenait au cours du siècle le foyer grandissant de leur émigration. Entre 1850 et 1900, on estime que le nombre net d'immigrants canadiens-français pouvait se chiffrer à 340,000 pour cette seule région. II est aussi probable qu'au moins le même nombre ait déménagé de façon temporaire. En fait, il serait difficile de contester la thèse d'Albert Faucher, à savoir que l'émigration vers le sud ait été « l'événement majeur de l'histoire canadienne-française au XIXe siècle » .II est donc quelque peu étonnant que les chercheurs aient accordé si peu d'attention à ce mouvement migratoire et à la répartition de population canadienne-française aux États-Unis, qui devait en résulter. On peut en partie expliquer cette situation par ce qu'on a cru être un manque d'information, surtout un manque de données statistiques facilement disponibles. Le fait que le service de recensement des États-Unis n'ait pas réussi avant 1890 à recenser séparément les anglais et les français parmi sa population d'origine canadienne constitue l'un des principaux obstacles qui devaient vouer à l'échec les efforts d'un grand nombre de chercheurs. Ce problème a été partiellement résolu en 1890 par le dénombrement séparé de la population canadienne-française de première et seconde génération. On a omis cependant le groupe remontant aux générations antérieures dont le nombre s'accroissait rapidement. Pour une analyse spatiale, les données perdent malheureusement beaucoup de leur valeur — en particulier pour la Nouvelle-Angleterre — puisqu'elles n'ont pas été publiées par division civile à l'échelle inférieure à celle du comté. Et même à ce niveau, les données ne s'appliquent qu'à la population canadienne-française née au Canada. II s'ensuit qu'une grande partie des écrits historiques, particulièrement ceux qui ont trait à l'immigration d'avant 1890, sont imprécis et même souvent de nature conjecturale ou trompeurs. Les obstacles sur lesquels ont si longtemps achoppé les historiens sont ceux que nous avons rencontrés dans nos recherches pour l'étude de l'immigration canadienne-française en Nouvelle-Angleterre avant 1900. Cependant nous avons été quelque peu étonnés de découvrir qu'il existait en fait une grande variété de sources. Une partie seulement de ces sources ont été utilisées par les chercheurs, d'autres n'ont reçu qu'un bref coup d'œil. Ce texte a pour but d'examiner brièvement ce matériel précieux, souvent obscur, et de suggérer comment, par l'utilisation de certaines sources manuscrites, on peut arriver à des résultats très significatifs dans l'étude de l'immigration et du peuplement canadien-français en Nouvelle-Angleterre et dans l'ensemble des États-Unis au cours du XIXe siècle. Nous n'avons pas l'intention d'épuiser le sujet abordé ; le matériel généralement connu et facilement disponible sera simplement signalé. Nous mettrons plutôt l'accent sur les sources plus précieuses ayant trait à la Nouvelle-Angleterre, qui sont passées en général inaperçues et qui contiennent des données statistiques importantes.


2005 ◽  
Vol 6 (1) ◽  
pp. 9-22 ◽  
Author(s):  
Fernand Dumont

Dans une étude récente, Henri Lefebvre propose de distinguer la conscience, le psychisme et Y idéologie de classe. La spécificité de l'idéologie par rapport aux deux autres composantes apparaît aisément. D'une part, ses fabricateurs sont généralement extérieurs aux classes impliquées. D'autre part, l'idéologie se fonde avant tout sur le besoin de donner cohérence à des situations. D'où vient cette exigence de cohérence ? D'abord, sans doute, du souci de fournir une représentation quelconque des rapports de la conscience de classe et du psychisme de classe. Mais aussi de la nécessité de mettre en relations le système de classes et la société globale. Insistons sur cette dernière proposition : elle indique le cadre de l'analyse qui va suivre. On peut postuler qu'il est particulièrement important, pour la société globale, de ramener les classes à une quelconque systématisation fonctionnelle, car leur existence est, pour elle, le défi le plus grand. Songeons, par exemple, à la nation. Se représenter la collectivité en termes ethniques ou en termes de classes : n'est-ce point une des questions, un des problèmes les plus décisifs qui tourmentent l'Occident depuis des siècles et qui ont gagné maintenant les pays en voie de développement ? Le conflit mérite d'autant plus de nous retenir que la distinction des trois éléments des classes que nous avons évoqués paraît être tout aussi valable et même nécessaire pour la société globale elle-même. Ici encore on pourrait parler de conscience, de psychisme et d'idéologie de la nation. De même, la fonction intégratrice des idéologies est primordiale. Car on ne saurait rendre compte de la cohésion qu'implique la nation en évoquant seulement un vague sentiment d'appartenance. Par ailleurs, les facteurs dits « objectifs » (comme la langue, la religion, l'organisation politique) varient d'une nation à l'autre, et même, pour une nation donnée, selon les phases historiques. Et les groupements, à l'intérieur d'une nation, ne sont pas toujours d'accord sur les mêmes facteurs d'intégration : on pense, par exemple, aux perpétuelles discussions sur la nation canadienne-française et sur la nation canadienne. D'où la fonction déterminante des idéologies qui réunissent, dans une sorte de « théorie », des conditions préalables comme la communauté de langue, de religion, etc., tout en se nourrissant de la conscience diffuse de traits distinctifs et d'une relative opposition à des autrui (c'est-à-dire, à d'autres nations). Le problème ainsi posé est particulièrement passionnant si on le traduit dans le contexte canadien-français. Nous sommes devant une nation qui s'est donné ses premières définitions idéologiques d'elle-même au moment où elle était encore une « société paysanne ». Elle a subi ensuite, à un rythme extrêmement rapide, l'impact de l'industrialisation. Si on ajoute à cela un angoissant voisinage avec l'Anglais et l'Américain, beaucoup plus riches et maîtres du pouvoir économique, on admettra qu'il s'agit d'un très beau cas où devraient nous apparaître certains mécanismes exemplaires de syncrétisme dans les définitions idéologiques des classes et de la société globale. Durant un siècle — en gros, des années 1840 aux lendemains de la dernière guerre — une idéologie très organique a régné ici presque sans conteste. Nous ne reprendrons pas ici la démonstration du caractère unitaire de cette idéologie ; nous l'avons esquissée dans d'autres travaux et, d'ailleurs, il existe à ce sujet une certaine unanimité des chercheurs canadiens-français. Nous nous attacherons plutôt, dans une première partie, à éclairer la constitution de cette idéologie et à repérer ses définiteurs en tâchant de déceler leur allégeance de classe. Nous analyserons brièvement, dans une deuxième partie, les grands thèmes de cette idéologie, en dégageant naturellement surtout la représentation des classes. Nous tâcherons enfin, dans une brève section finale, de formuler quelques hypothèses sur les remaniements impliqués par la crise profonde que traverse actuellement le Canada français. Nous nous imposerons ainsi un long détour historique, mais celui-ci est suggéré par la nature même du phénomène qui nous intéresse.


2005 ◽  
Vol 2 (1) ◽  
pp. 69-100 ◽  
Author(s):  
Léon Dion
Keyword(s):  

Dans le numéro précédent de cette revue, Léon Bien a étudié le libéralisme du statu quo au niveau de l'idéologie : Il a montré les conséquences du refus d’ajuster les principes libéraux aux conditions de la civilisation industrielle américaine. Il analyse ici les manifestations de ce refus: sur le plan juridique. Nous avons souligné déjà l’importance de ces travaux dans la perspective des études comparatives sur le Canada français.


2005 ◽  
Vol 8 (3) ◽  
pp. 319-349
Author(s):  
Claude Beauchamp

Dans la société canadienne-française traditionnelle, le leadership était assez simple. Il était constitué du curé et des notables locaux, ordinairement le médecin et le notaire. Aujourd'hui, la situation est beaucoup plus complexe et les élites traditionnelles sont loin d'avoir le même pouvoir d'attraction. En milieu rural, elles ont perdu de l'influence au profit du gérant de la caisse populaire ou de l'instituteur, par exemple. Dans les milieux plus industrialisés, le syndicalisme a, lui aussi, favorisé chez nous l'émergence de nouvelles élites. Il n'est pas rare de voir le président d'un syndicat local sollicité pour occuper un poste au conseil municipal ou à la commission scolaire. De plus en plus, les officiers syndicaux exercent une influence, non seulement dans l'usine, mais aussi dans la municipalité, parfois même dans la région. À un autre échelon, nous retrouvons les permanents syndicaux. Peu nombreux il y a quelques années, ils sont aujourd'hui environ deux cents dans la seule Confédération des syndicats nationaux et ils sont répartis dans les principaux centres industriels de la province. Ces permanents syndicaux exercent un véritable leadership, d'abord sur les officiers et les membres des syndicats avec lesquels ils ont particulièrement à travailler, ensuite dans leur propre milieu, car eux aussi sont souvent sollicités pour assumer des responsabilités dans leur paroisse ou dans leur municipalité. Nous croyons que l'étude de ces nouvelles élites constitue une voie privilégiée pour expliquer l'évolution du Canada français. Elle nous permet de la saisir dans son dynamisme interne, en nous adressant à ceux-là qui sont non seulement les témoins de cette évolution mais qui la provoquent et l'orientent. Nous avons choisi de nous intéresser plus particulièrement aux permanents syndicaux. Parmi ceux-ci, nous retrouvons deux groupes : ceux qui ont accédé à cette fonction après avoir fait des études supérieures, généralement un cours universitaire ; ceux qui viennent de la base, ceux qui ont travaillé en usine ou dans des chantiers de construction, ont occupé diverses fonctions à l'intérieur de leur syndicat et qui, par la suite, furent libérés pour devenir permanents syndicaux. Il ne sera question ici que de ces derniers. Quelques permanents syndicaux sont au service de certains syndicats locaux dont les effectifs sont assez considérables mais la plupart sont à l'emploi, soit d'une fédération ou d'un conseil central, soit de la Confédération des syndicats nationaux comme telle. Le permanent syndical peut s'occuper de l'organisation de nouveaux syndicats, de la négociation des conventions collectives, de la discussion des griefs, de la préparation et de la direction des grèves ; il peut aussi être affecté à divers services comme le Service d'éducation. Il est habituellement agent d'affaires, organisateur ou conseiller technique. La plupart des permanents sont attachés à une fonction particulière, mais d'autres voient à l'ensemble des problèmes touchant la vie syndicale. Nous avons centré notre recherche sur les seuls permanents syndicaux d'origine ouvrière travaillant à l'intérieur des cadres de la Confédération des syndicats nationaux. Nous avons aussi limité notre échantillon aux permanents syndicaux travaillant à Montréal et à Québec. Ne disposant pas d'une longue période de temps pour effectuer ces entrevues, celles-ci ont été faites auprès des permanents qui pouvaient nous consacrer quelques heures sans trop de délais. Nous devons dire qu'ils étaient plutôt rares ; nous avons pu en rencontrer cinq à Montréal et quatre à Québec. L'âge de ces permanents varie entre trente-deux et soixante-sept ans. Six d'entre eux sont originaires d'un milieu industriel et urbain, les trois autres sont fils de cultivateurs. Leur degré d'instruction est en moyenne plus élevé que celui de l'ensemble des gens de leur génération. Le plus vieux a quitté l'école après la cinquième année, deux après la sixième, mais les autres ont fait une dixième année ou, encore, quelques années du cours classique. Presque tous ont pu parfaire leur instruction, surtout à la suite de leur participation à diverses associations, particulièrement à la Jeunesse ouvrière catholique ou au syndicalisme. Comme permanents syndicaux, ils ont de plus participé, chaque année, à diverses sessions d'étude. Tous nos informateurs ont commencé à travailler assez tôt : l'un à douze ans, les autres avant dix-sept ans. C'est dire que tous connurent pendant au moins quelques années, certains même pendant quinze ou vingt ans, la vie de travail en usine ou dans des chantiers de construction. Tous furent membres actifs d'une ou plusieurs associations avant de devenir permanents syndicaux. Et ils sont unanimes pour dire que ces diverses expériences ne sont pas étrangères à leurs préoccupations actuelles. Trois furent membres de la Jeunesse ouvrière catholique : un fut responsable au plan diocésain et un autre au plan national. La plupart s'occupèrent activement de syndicalisme, huit ayant été membres d'un syndicat, dont sept officiers. Un de nos informateurs fut, pendant quelques années, permanent pour le mouvement créditiste « Vers Demain ». Quelques-uns furent officiers d'une caisse populaire ; un autre participa à la formation d'une coopérative de consommation. Nous aborderons successivement les thèmes suivants : les comportements et les activités des permanents syndicaux, leurs motivations, leur perception de la société canadienne-française, quelques problèmes de la classe ouvrière, la mentalité des travailleurs, la signification du syndicalisme.


2005 ◽  
Vol 2 (3-4) ◽  
pp. 295-340
Author(s):  
Jean-C. Falardeau

Il est normal qu'un numéro spécial comme celui-ci, consacré à des études originales sur la vie politique du Canada français, présente le résultat d’une enquête. Il nous a semblé nécessaire, tant dans un but purement informatif que pour faire provision de fraîches hypothèses de travail, de recueillir des témoignages de la part de personnes ayant eu une expérience directe de notre vie politique, soie pour avoir observé celle-ci de près, soit pour y avoir participé. Cette enquête a été toute simple. Un questionnaire fut préparé en collaboration par les directeurs de la revue et nous nous entendîmes pour le restreindre à un minimum d'interrogations. Plutôt que soulever un très grand nombre de problèmes, nous préférâmes provoquer la réflexion sur quelques thèmes qui nous semblaient fondamentaux : notre passé politique; les attitudes collectives en politique; la structure et le destin des tiers partis; les recherches à entreprendre. L'expérience a confirmé notre espoir. Nos informateurs nous ont accordé le privilège de sérieuses méditations dont quelques-unes, fort élaborées, prennent le caractère de véritables thèses. Nous nous sommes adressés à vingt-neuf personnes, choisies à titre de spécialistes, d'observateurs ou de participants de la vie politique canadienne-française. De ces personnes, malgré toutes sortes de stimulations et de rappels, seulement sept (je dis : sept), ont répondu de façon complète. Trois nous ont adressé, sous forme de lettres, des commentaires qui équivalent à des réponses. Soit donc, un total de dix réponses c'est-à-dire le tiers de ce que nous attendions naïvement... Il ne faut donc pas accorder aux commentaires rapportés dans les pages qui suivent plus de portée que nous ne leur en accordons nous-mêmes. Nous n'avons aucunement 1'illusion que notre très faible échantillon original de vingt-neuf personnes était représentatif de 1'"univers" des Canadiens français ayant des vues pénétrantes sur notre vie politique; encore moins les huit ou dix dont nous rapportons les propos. Il faut prendre ces propos seulement pour ce qu'ils sont, mais pour tout ce qu’ils sont, c’est-à-dire, la réflexion de quelques observateurs consciencieux sur des aspects passés ou contemporains du destin politique canadien-français. À chacun de ces observateurs qui nous ont prodigué leur temps et leur attention, nous exprimons notre très vive gratitude.


2005 ◽  
Vol 4 (1) ◽  
pp. 91-105
Author(s):  
André Renaud

Le Canada, comme les États-Unis et tous les pays des deux Amériques, a été constitué par des immigrants. Exception faite des Indiens et des Esquimaux, lesquels à l'origine vinrent aussi d'ailleurs, la population canadienne est issue d'ancêtres anciens ou récents qui, à un moment ou l'autre des trois derniers siècles, émigrèrent d'Europe. Les premiers colons du pays vinrent de France, surtout des provinces de l'Ouest, et prirent racine le long des rives du Saint-Laurent jusqu'au-delà des Grands Lacs. Ils constituèrent un groupe homogène, vite considérable, intimement identifié au milieu canadien. Ils conservèrent une culture propre qui intégrait plusieurs traits fondamentaux de la culture du peuple français de l'Ancien Régime. Toutefois, il ne faut pas oublier qu'il y a, au Canada, deux groupements ethniques d'origine française : les Canadiens français proprement dits, qui occupent le Québec et l'est de l'Ontario ; les Acadiens des provinces atlantiques. Frères et non jumeaux identiques, les deux groupements ont étendu leurs rameaux partout au Canada. C'est en particulier le cas des Canadiens français dont on retrouve les paroisses, les écoles, les collèges et d'autres institutions dans toutes les provinces à l'ouest du Québec. L'expansion acadienne est plus récente et ne s'est pas encore clairement diversifiée de la prolifération strictement canadienne-française. Après la conquête de l'Acadie et de la Nouvelle-France par l'Angleterre, des immigrants de langue anglaise montèrent des colonies américaines, plus particulièrement après la révolution de 1776, et formèrent le loyal noyau autour duquel s'est constituée la collectivité canadienne d'expression anglaise. Cette dernière n'a jamais cessé par la suite de recevoir de nouvelles recrues venant directement de la Grande-Bretagne et des deux Mondes. La collectivité d'origine française et la collectivité d'expression anglaise se sont accrues dans leurs zones respectives d'occupation initiale, chacune projetant des ramifications sur le territoire de l'autre. Les groupements de langue anglaise à l'intérieur du Canada français ont cependant toujours joui d'une position privilégiée que leurs équivalents français dans le Canada anglais n'ont jamais connue. Cent ans après la conquête, les Canadiens français du Québec et les Canadiens anglais de l'Ontario et du reste du pays acquéraient le contrôle politique de leur développement communautaire respectif en formant des États semi-autonomes. Ceux-ci, en 1867, furent unis en une confédération qui devait s'acheminer rapidement et pacifiquement vers la souveraineté complète. Le peuplement du Canada par des groupes ethniques territorialement localisés se continua durant tout le XIXe siècle. Canadiens français et Canadiens anglais, colons français et colons britanniques, envahirent les plaines de l'Ouest. Les pionniers de langue anglaise devinrent vite numériquement majoritaires et assumèrent la direction politique de trois nouvelles entités provinciales, qui se formèrent dans cette vaste région du pays, nonobstant les efforts des Métis d'expression française à la Rivière Rouge et dans le district de Batoche. D'autres colons européens vinrent à leur tour, par groupes, dans les mêmes territoires, et y formèrent des communautés homogènes d'origine allemande, ukrainienne, polonaise, etc. Bien que dans le Canada de langue française comme dans le Canada de langue anglaise soient apparues assez tôt des villes à population homogène, dont quelques-unes existent encore, l'industrialisation du pays favorisa la croissance d'agglomérations urbaines qui devinrent vite cosmopolites par suite de l'invasion de populations appartenant aux divers groupes ethniques qui se sont dirigés vers le Canada au cours des derniers cent ans. Dans les villes en formation, ces vagues d'immigrants se regroupèrent selon leurs affinités culturelles et leur appartenance ethnique. En définitive, le territoire canadien a vu la formation et l'évolution de trois types principaux de communautés ethniques : 1° les deux grands groupements de base, anglais et français, structurés parallèlement, mais non d'une façon étanche, dans tous les domaines de l'organisation sociale et coopérant à titre de partenaires dans la formation d'un Etat souverain ; 2° les communautés ethniques homogènes localisées dans les régions rurales et intégrées dans les structures provinciales ; 3° enfin, les concentrations ethniques à l'intérieur des grandes agglomérations urbaines. Nous nous arrêterons principalement à ces deux dernières catégories, en nous référant à la première seulement dans la mesure où elle permet d'éclairer et d'interpréter celles-ci.


2005 ◽  
Vol 14 (2) ◽  
pp. 203-228 ◽  
Author(s):  
Fernand Larouche

Certaines études ont démontré que, dans leurs relations avec les immigrants, ils se laissent orienter par des attitudes négatives envers ceux-ci. Ces attitudes qui témoignent de nombreux aspects de notre histoire et de notre situation sociale ont déjà été rassemblées dans cette formulation : « À cause des immigrés qui reçoivent toutes les laveurs du gouvernement et des employeurs, les Canadiens français se voient relégués aux postes les plus humbles. C'est une injustice flagrante à l'égard de ceux qui ont fondé, colonisé et développé le pays. On leur conteste le droit de commander dans leur propre pays. On veut noyer la race canadienne-française par l'immigration. Ce sont les Anglais qui veulent surtout la détruire, et c'est pour cela qu'ils donnent toujours la préférence aux immigrés. Sans l'immigration, les Canadiens français pourraient bientôt devenir majoritaires par le simple fait de leur accroissement naturel. »: Cette constellation d'attitudes serait partagée par 77% des Canadiens français. La position dominante (44.65%) chez le groupe Canadien anglais est beaucoup plus positive; elle a été formulée comme suit: « Pour accéder au rang de grande puissance, le Canada devra accroître sa population. Par ailleurs, il faut choisir des candidats assimilables par l'élément anglo-saxon du pays, ou, du moins, qui ne bouleversent pas la présente situation ethnique. » Ces recherches démontrent également que le premier déterminant de ces attitudes est le facteur ethnique. « Chaque groupe ethnique aborde le problème de l'immigration d'abord en fonction de sa survivance. » C'est également la position qu'adopte le professeur Garigue. Bernard Mailhot, pour sa part, voit dans cette prédominance du facteur ethnique, une manifestation de ce sentiment de minorité, commun à chaque groupe ethnique, et qui engendre la création de barrières défensives étouffant l'émergence possible de zones d'échanges entre ces groupes. L'ensemble de ces recherches constitue certainement un apport considérable en ce qui a trait au problème des relations ethniques au Canada français. Elles suggèrent que les attitudes envers les immigrants sont largement déterminées par les relations déjà existantes entre Canadiens français et Canadiens anglais. Toutefois, en abordant cette question par le biais du concept d'« attitude », elles en arrivent à une définition de la situation qui met en évidence une certaine polarisation des sentiments réciproques des groupes en présence. Pour notre part, nous croyons que le processus d'interaction construit par les acteurs sociaux au niveau du vécu recèle des éléments beaucoup plus complexes et nuancés que nous le laissent entendre les résultats des recherches précédentes; les significations qu'ils donnent à leurs relations s'ajustent, se modifient et sont constamment réinterprétées tout au long des interactions. C'est cet aspect de la situation que nous voudrions faire ressortir dans cette étude.


1978 ◽  
Vol 11 (1) ◽  
pp. 61-98 ◽  
Author(s):  
David M. Rayside

L'impact du clivage linguistique sur les partis au pouvoir en Belgique et au CanadaCet article explore les rapports entre les Flamands et les Francophones à l'intérieur du Parti social Chrétien beige et ceux entre les Canadiens français et les Canadiens anglais dans le Parti libéral du Canada. Cette étude s'appuie sur l'analyse de la formation et du développement de ces partis dans ces deux pays, sur une série d'entretiens semi-directifs avec des « backbenchers » et sur une série de questionnaires imprimés adressés aux militants.A première vue, les sociaux Chrétiens semblent être plus affectés par les clivages linguistiques que les libéraux. Le désaccord sur les questions spécifiques y est plus accentué et couvre un plus grand nombre de problèmes linguistiques et régionaux. Ces divergences se reflètent au niveau des structures du parti par une division entre deux ailes relativement autonomes, Au contraire, à Ottawa, il y a une députation francophone qui est relativement modérée sur l'épineuse question linguistique et un contingent anglophone qui est accommodant envers le Canada français. Ce consensus est renforcé par des contacts interpersonnels étroits et par une haute considération mutuelle.L'harmonie relative à l'intérieur du caucus libéral résulte en partie du type de problèmes qui ont été soulevés au niveau de la politique fédérate, mais aussi du système fédéral lui-même qui semble homogénéiser les élites de la scène fédérale et provinciate. Les politiciens fédéralistes après avoir été recrutés et attirés à Ottawa sont par la suite socialisés à la politique libérale fédérale. L'autorité inconstestée du cabinet libéral contribue évidemment à l'unité du caucus. Mais, en même temps, la centralisation du contrôle sur l'élaboration des politiques peut signifier que les attitudes des parlementaires ne sont pas représentatives de l'ensemble du Parti libéral. Certains indices suggérent que les militants du parti sont quelque peu sceptiques à l'égard des initiatives du gouvernement au sujet du bilinguisme en dépit des orientations très claires de la direction actuelle du parti. Le consensus observé dans le caucus d'Ottawa n'est pas révélateur quant aux rapports anglais-françdis aux niveaux inférieurs de la hiérarchie du parti et peut même ne Hen signifier au sujet de ces mêmes rapports dans le public en général.


1965 ◽  
Vol 5 ◽  
pp. 136
Author(s):  
J. Dommanget
Keyword(s):  

Au cours de recherches bibliographiques diverses, nous avons remarqué que bien des observateurs se sont servis et se servent encore de formules par trop approximatives pour calculer – lorsqu’ils le font – les erreurs moyennes affectant leurs mesures.Nous croyons important et opportun de rappeler ici la formule correcte dont nous avons donné une démonstration à une autre occasion (1959).


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