scholarly journals L'immigrant dans une ville minière. Une étude de l'interaction

2005 ◽  
Vol 14 (2) ◽  
pp. 203-228 ◽  
Author(s):  
Fernand Larouche

Certaines études ont démontré que, dans leurs relations avec les immigrants, ils se laissent orienter par des attitudes négatives envers ceux-ci. Ces attitudes qui témoignent de nombreux aspects de notre histoire et de notre situation sociale ont déjà été rassemblées dans cette formulation : « À cause des immigrés qui reçoivent toutes les laveurs du gouvernement et des employeurs, les Canadiens français se voient relégués aux postes les plus humbles. C'est une injustice flagrante à l'égard de ceux qui ont fondé, colonisé et développé le pays. On leur conteste le droit de commander dans leur propre pays. On veut noyer la race canadienne-française par l'immigration. Ce sont les Anglais qui veulent surtout la détruire, et c'est pour cela qu'ils donnent toujours la préférence aux immigrés. Sans l'immigration, les Canadiens français pourraient bientôt devenir majoritaires par le simple fait de leur accroissement naturel. »: Cette constellation d'attitudes serait partagée par 77% des Canadiens français. La position dominante (44.65%) chez le groupe Canadien anglais est beaucoup plus positive; elle a été formulée comme suit: « Pour accéder au rang de grande puissance, le Canada devra accroître sa population. Par ailleurs, il faut choisir des candidats assimilables par l'élément anglo-saxon du pays, ou, du moins, qui ne bouleversent pas la présente situation ethnique. » Ces recherches démontrent également que le premier déterminant de ces attitudes est le facteur ethnique. « Chaque groupe ethnique aborde le problème de l'immigration d'abord en fonction de sa survivance. » C'est également la position qu'adopte le professeur Garigue. Bernard Mailhot, pour sa part, voit dans cette prédominance du facteur ethnique, une manifestation de ce sentiment de minorité, commun à chaque groupe ethnique, et qui engendre la création de barrières défensives étouffant l'émergence possible de zones d'échanges entre ces groupes. L'ensemble de ces recherches constitue certainement un apport considérable en ce qui a trait au problème des relations ethniques au Canada français. Elles suggèrent que les attitudes envers les immigrants sont largement déterminées par les relations déjà existantes entre Canadiens français et Canadiens anglais. Toutefois, en abordant cette question par le biais du concept d'« attitude », elles en arrivent à une définition de la situation qui met en évidence une certaine polarisation des sentiments réciproques des groupes en présence. Pour notre part, nous croyons que le processus d'interaction construit par les acteurs sociaux au niveau du vécu recèle des éléments beaucoup plus complexes et nuancés que nous le laissent entendre les résultats des recherches précédentes; les significations qu'ils donnent à leurs relations s'ajustent, se modifient et sont constamment réinterprétées tout au long des interactions. C'est cet aspect de la situation que nous voudrions faire ressortir dans cette étude.

2005 ◽  
Vol 3 (1-2) ◽  
pp. 168-170
Author(s):  
Clément Cormier

Le titre même de cette communication indique dès le départ deux lacunes majeures des recherches sociologiques sur le Canada français. Il est en effet bien symbolique que l'on doive traiter comme un même sujet les études sur les milieux de travail et l'analyse de la stratification sociale. Ceci indique combien nous avons encore peu développé ces deux domaines de recherche. Nous croyons pourtant qu'une connaissance plus précise de la division de notre société en classes et en strates sociales apporterait l'armature centrale à presque toutes nos recherches sociographiques. Il est frappant de constater, en parcourant notre littérature sociologique, combien nos chercheurs déplorent souvent cette lacune. L'appartenance à une strate ou à une classe sociale constitue en effet une des variables les plus communément utilisées en recherche sociologique. Le fait que l'on ne puisse s'appuyer sur un ensemble de travaux dans ce domaine impose donc toujours de sérieuses limitations à nos recherches. De même, dans une société industrielle et technologique qui vient tout juste de succéder à une société de type agricole et artisanal, les milieux de travail sont des objets d'étude privilégiés pour le sociologue. L'évolution globale des occupations, les transformations des conditions de travail dans un grand nombre d'emplois, l'adaptation à de nouveaux modes et à de nouveaux milieux de travail, la mobilité professionnelle, voilà autant de problèmes qui se présentent dans l'usine, dans l'entreprise commerciale, dans le bureau, dans l'école ou l'université, etc. C'est dans ces cadres en évolution que se façonne une partie de la culture et de la mentalité de la population. Les traditions marxistes et durkheimienne à la fois nous ont appris à ne pas minimiser — sinon à privilégier — l'impact de l'infrastructure de la division du travail sur l'ensemble socio-culturel. C'est donc sous le signe de cette double lacune que se situe le présent exposé. Ceci n'est cependant pas dit pour diminuer l'importance des travaux déjà faits. Les jalons posés prennent au contraire une plus grande valeur du fait qu'ils indiquent une première orientation pour les recherches que l'on peut espérer dans un avenir prochain. En analysant ces travaux, il m'a semblé qu'on pouvait les regrouper sous trois thèmes principaux : l'évolution historique de la structure occupationnelle, la répartition des groupes ethniques dans les différentes catégories d'emplois et les études de stratification et de mobilité sociales. Ce sont ces trois thèmes que je me propose de présenter successivement.


2005 ◽  
Vol 4 (3) ◽  
pp. 291-312 ◽  
Author(s):  
Guy Rocher

« Le sentiment de malaise qui, depuis quelque temps déjà, s'est manifesté en divers quartiers et sous diverses formes, s'est affirmé de nouveau dernièrement sur la question de l'instruction publique. On n'est pas satisfait de la position qu'occupent les Franco-canadiens dans le monde agricole, industriel et commercial, et l'on s'en prend de cet état de choses à nos écoles et au clergé qui les contrôle. » Ces paroles, nous aurions pu les lire récemment dans un de nos journaux du Québec. Elles sont pourtant de Léon Gérin et servaient d'introduction à une série d'articles sur l'éducation dans le quotidien montréalais La Minerve du 31 octobre 1892. Mais elles peuvent encore être placées en exergue au début de cette communication. Elles nous montrent en effet qu'à la fin du xix" siècle, le Canada français connaissait comme aujourd'hui une mise en question de sa position dans la Confédération. On s'inquiétait de la situation inférieure qu'occupaient les Canadiens français dans la vie économique canadienne. On cherchait à en analyser les causes et à en mesurer les conséquences. Comme aujourd'hui, le système d'enseignement était à cette occasion l'objet de critiques sévères : il apparaissait comme l'une des causes de la situation présente ; mais on y voyait aussi un espoir à la condition qu'il subisse une profonde réforme de structure. On ne s'étonnera donc pas de voir Léon Gérin consacrer une partie de son œuvre aux problèmes de l'éducation. S'inspirant du cadre d'analyse de l'École de la Science sociale, particulièrement de de Tourville et Demolins, il a bien compris que l'éducation de la jeunesse posait des problèmes qui se situaient dans la ligne des monographies de familles qu'il avait entreprises. C'est ainsi qu'il fut conduit, d'une part à publier des études sociologiques et historiques sur l'enseignement dans la revue La Science sociale et dans le Bulletin des recherches historiques, d'autre part à exposer ses vues personnelles de façon plus simple et plus accessible dans les journaux du temps. On m'a demandé, pour faire suite à l'exposé d'ensemble de monsieur Falardeau, de présenter les recherches et la pensée de Léon Gérin sur cette question plus particulière de l'éducation. Moins connue que ses monographies, l'étude de Léon Gérin sur l'éducation n'en constitue pas moins, à mon sens, une des parties les plus importantes de son œuvre. C'est d'ailleurs sur cette question que Léon Gérin a proposé avec le plus de fermeté les réformes qu'il jugeait nécessaires. Car, en cette matière, il s'est affirmé réformateur tout autant que sociologue. Aussi, pour rendre compte de la pensée de Léon Gérin telle qu'elle nous est apparue, nous analyserons, dans une première partie, l'interprétation sociologique qu'il a voulu donner de la situation de l'enseignement dans la province de Québec ; nous résumerons, dans une seconde partie, les réformes qu'il a proposées à la suite de ces études.


1980 ◽  
Vol 13 (1) ◽  
pp. 3-32 ◽  
Author(s):  
Rod Preece

Nous pensons que l'hypothèse de Samuel Beer selon laquelle une partie du conservatisme moderne s'oppose radicalement à certains principes de l'ancien est fausse. Nous pensons au surplus que la Grande-Bretagne et non les Etats-Unis est la société-fragment libérate d'origine et par conséquent les conclusions de Louis Hartz et de ses disciples au sujet des idéologies américaine et canadienne nous semblent reposer sur un faux postulat. Le conservatisme anglophone ne découle pas du féodalisme mais de la critique du libéralisme classique. Nous comparons la philosophie politique de John Locke, qui selon Hartz a donné l'élan à l'idéologie américaine à celle d' Edmund Burke, qui selon Hartz est l'antithèse de la première et nous trouvons d'importants points de ressemblance entre les deux en dépit des différences de détail et d'accentuation. Nous nous penchons sur la réaction médiévale du XIXe siècle britannique contre l'optimisme victorien de même que sur le renouvellement médiéval américain de la même époque et nous croyons que la première s'oppose à la tradition conservatrice britannique antérieure. Nous estimons en conclusion que Locke à l'américaine est un Locke simplifié, rationaliste et rationalisé. C'est Locke sans la tradition, c'est Locke sans trace de la mystique du gouvernement. La Grande-Bretagne et le Canada par contre ont hérité du Locke véritable, complexe et libéral classique. Les traditions libérates britannique et canadienne portent la marque d'un passé pre-libéral, le libéralisme américain (mais pas toujours sa politique) est une variante de cette doctrine.


2005 ◽  
Vol 6 (1) ◽  
pp. 9-22 ◽  
Author(s):  
Fernand Dumont

Dans une étude récente, Henri Lefebvre propose de distinguer la conscience, le psychisme et Y idéologie de classe. La spécificité de l'idéologie par rapport aux deux autres composantes apparaît aisément. D'une part, ses fabricateurs sont généralement extérieurs aux classes impliquées. D'autre part, l'idéologie se fonde avant tout sur le besoin de donner cohérence à des situations. D'où vient cette exigence de cohérence ? D'abord, sans doute, du souci de fournir une représentation quelconque des rapports de la conscience de classe et du psychisme de classe. Mais aussi de la nécessité de mettre en relations le système de classes et la société globale. Insistons sur cette dernière proposition : elle indique le cadre de l'analyse qui va suivre. On peut postuler qu'il est particulièrement important, pour la société globale, de ramener les classes à une quelconque systématisation fonctionnelle, car leur existence est, pour elle, le défi le plus grand. Songeons, par exemple, à la nation. Se représenter la collectivité en termes ethniques ou en termes de classes : n'est-ce point une des questions, un des problèmes les plus décisifs qui tourmentent l'Occident depuis des siècles et qui ont gagné maintenant les pays en voie de développement ? Le conflit mérite d'autant plus de nous retenir que la distinction des trois éléments des classes que nous avons évoqués paraît être tout aussi valable et même nécessaire pour la société globale elle-même. Ici encore on pourrait parler de conscience, de psychisme et d'idéologie de la nation. De même, la fonction intégratrice des idéologies est primordiale. Car on ne saurait rendre compte de la cohésion qu'implique la nation en évoquant seulement un vague sentiment d'appartenance. Par ailleurs, les facteurs dits « objectifs » (comme la langue, la religion, l'organisation politique) varient d'une nation à l'autre, et même, pour une nation donnée, selon les phases historiques. Et les groupements, à l'intérieur d'une nation, ne sont pas toujours d'accord sur les mêmes facteurs d'intégration : on pense, par exemple, aux perpétuelles discussions sur la nation canadienne-française et sur la nation canadienne. D'où la fonction déterminante des idéologies qui réunissent, dans une sorte de « théorie », des conditions préalables comme la communauté de langue, de religion, etc., tout en se nourrissant de la conscience diffuse de traits distinctifs et d'une relative opposition à des autrui (c'est-à-dire, à d'autres nations). Le problème ainsi posé est particulièrement passionnant si on le traduit dans le contexte canadien-français. Nous sommes devant une nation qui s'est donné ses premières définitions idéologiques d'elle-même au moment où elle était encore une « société paysanne ». Elle a subi ensuite, à un rythme extrêmement rapide, l'impact de l'industrialisation. Si on ajoute à cela un angoissant voisinage avec l'Anglais et l'Américain, beaucoup plus riches et maîtres du pouvoir économique, on admettra qu'il s'agit d'un très beau cas où devraient nous apparaître certains mécanismes exemplaires de syncrétisme dans les définitions idéologiques des classes et de la société globale. Durant un siècle — en gros, des années 1840 aux lendemains de la dernière guerre — une idéologie très organique a régné ici presque sans conteste. Nous ne reprendrons pas ici la démonstration du caractère unitaire de cette idéologie ; nous l'avons esquissée dans d'autres travaux et, d'ailleurs, il existe à ce sujet une certaine unanimité des chercheurs canadiens-français. Nous nous attacherons plutôt, dans une première partie, à éclairer la constitution de cette idéologie et à repérer ses définiteurs en tâchant de déceler leur allégeance de classe. Nous analyserons brièvement, dans une deuxième partie, les grands thèmes de cette idéologie, en dégageant naturellement surtout la représentation des classes. Nous tâcherons enfin, dans une brève section finale, de formuler quelques hypothèses sur les remaniements impliqués par la crise profonde que traverse actuellement le Canada français. Nous nous imposerons ainsi un long détour historique, mais celui-ci est suggéré par la nature même du phénomène qui nous intéresse.


2009 ◽  
Vol 54 (2) ◽  
pp. 295-308 ◽  
Author(s):  
Elena Ferran Larraz

Résumé L’inconnu, par sa nature même, peut susciter crainte et méfiance. Que ressent le juriste devant une institution inconnue ? De quelle façon le traducteur réagit-il ? Le présent article analyse les réactions produites par une institution du droit anglo-saxon inconnue en Espagne, comme le trust, chez les juristes et les traducteurs juridiques de ce pays. Cette analyse nous conduit à proposer qu’il existe, dans une telle situation, une corrélation étroite entre l’attitude du traducteur juridique, la position adoptée par le droit international privé et le comportement des juristes chargés de l’application de lois étrangères. Nous comparons, de plus, le comportement des traducteurs et des juristes espagnols, plutôt conservateurs, à celui qui peut être observé dans d’autres pays, comme le Canada, réputés pour être plus ouverts d’esprit. Enfin, nous proposons des stratégies de traduction faisant appel au calque et à l’emprunt de termes intraduisibles.


2005 ◽  
Vol 2 (1) ◽  
pp. 69-100 ◽  
Author(s):  
Léon Dion
Keyword(s):  

Dans le numéro précédent de cette revue, Léon Bien a étudié le libéralisme du statu quo au niveau de l'idéologie : Il a montré les conséquences du refus d’ajuster les principes libéraux aux conditions de la civilisation industrielle américaine. Il analyse ici les manifestations de ce refus: sur le plan juridique. Nous avons souligné déjà l’importance de ces travaux dans la perspective des études comparatives sur le Canada français.


2002 ◽  
Vol 29 (2) ◽  
pp. 163-170
Author(s):  
Roberto MIGUELEZ

Résumé Si les histoires de vie ont un degré variable de généralisation, dépendant essentiellement de leur degré de typicité, elles peuvent posséder par contre un potentiel heuristique non négligeable. À partir de l'histoire de vie d'un sociologue, cet article se propose d'examiner la manière dont les enjeux idéologiques d'une époque et d'une société ont influencé la reflexion sociologique. Il y est notamment question de quatre époques, trois sociétés, et quatre enjeux idéologiques : le début des années soixante, l'Argentine, et l'institutionnalisation académique de la sociologie ; la fin des années soixante, la France, et le débat de la gauche ; le début des années soixante-dix, le Canada français, et le mouvement nationalitaire ; enfin, la fin des années soixante-dix, le Canada français, et les revendications des groupes " minoritaires ". L'examen de cette influence vise surtout les conséquences de celle-ci aux niveaux épistémologique et institutions de la discipline.


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