Fin de la sociologie dialectique? Essai d'appréciation de I'École de Francfort

1973 ◽  
Vol 14 (2) ◽  
pp. 159-184
Author(s):  
Eugène Fleischmann

Les Sociologues, en proie aujourd'hui á leurs propres difficultés, ne semblent pas s'inquiéter beaucoup des controverses qui divisent la sociologie allemande; ils ne paraissent pas ressentir un sentiment de tua res agitur, comme on pourrait leéitimement s'y attendre. Pourtant le bouleversement irréversible provoqué outre-Rhin par les evenements de 1968 nous paraît symptomatiqué et digne du plus grand intérét. Premiérement, le hegelo-marxisme allemand est dans une impasse; on a le sentiment que la dialectique a tourne contre elle ses propres armes, réduisant ses disciples au silence — ou, pis encore, les condamnant a un discours dépourvu de contenu. En second lieu, la sociologie allemande depend plus que jamais de ses fondements sociologiques, et il apparaít que les considerations theoriques ne Pemportent pas toujours sur les implications politiques. Nous nous retrouvons par conséquent relativement éloignés de la fameuse »objectivité des sciences sociales« que préconisait Max Weber au nom d'un impossible ascétisme intellectuel. En dernier lieu, les courants d'idées qui animent la jeunesse européenne — en matière de politique et de societe — provoquent des prises de position qui plongent les sociologues allemands dans un embarras si profond que nous sommes conduits á en rechercher les raisons. II va de soi que tous ces problemes existent également en France, en Amérique, et dans la plupart des pays europeens, et qu'à travers ces réflexions nous n'entendons pas »jeter la pierre«, loin de là. Reconnaissant la haute qualité philosophique et scientifique de leurs travaux, nous nous proposons, etant leur contemporain, de discuter la situation d'une maniére aussi »hermeneutique« que possible.

Symposium ◽  
2021 ◽  
Vol 25 (1) ◽  
pp. 60-82
Author(s):  
Marie-Hélène Desmeules ◽  

L’apport de la phénoménologie allemande à l’éthique a souvent été réduit aux intentionnalités et aux vécus axiologiques et affectifs, tels qu’ils furent décrits par Husserl. Or, cet apport est limité du fait que Husserl définissait d’abord l’intentionnalité comme un rapport à un objet dont nous sommes conscients. Dans ce qui suit, nous proposons d’emprunter une autre voie pour penser l’apport de la phénoménologie à l’éthique, en étudiant la phénoménologie des actes sociaux que les phénoménologues munichois développèrent en réponse à la phénoménologie husserlienne. Cette phénoménologie des actes sociaux permet de considérer, de juger et de critiquer, d’un point de vue éthique, les façons dont nous entrons en relation intentionnelle non pas avec des objets éthiques, mais avec autrui. Notre propos suivra principalement les idées développées par Reinach, Pfänder, Daubert et Scheler, et prendra pour fil directeur les actes d’adresser un impératif et une invitation à autrui.


2018 ◽  
Vol 13 (1) ◽  
pp. 91-116
Author(s):  
Florence Bétrisey

Dans cet article, nous proposons d’analyser la démarche de recherche et le comportement des sujets-chercheurs au prisme de la notion de reconnaissance. Nous questionnons notre propre démarche et notre propre comportement de sujet-chercheuse dans le cadre de notre recherche doctorale en Bolivie. Plus particulièrement, nous analysons deux dimensions clés de la recherche en sciences sociales : la performance du travail de terrain et l’espace académique (eurocentriste) dans lequel s’inscrit le chercheur. L’analyse du travail de terrain (compris comme une performance sociale) au prisme de la notion de reconnaissance nous permet d’abord d’éclairer les tensions entre conformisme stratégique du chercheur et reproduction de normes sociales locales. Dans un deuxième temps, nous mettons en évidence le désir du chercheur d’obtenir une reconnaissance académique et la façon dont ce désir l’enjoint à reproduire la grammaire dominante de reconnaissance académique. Nous éclairons notamment le fait que ce désir d’obtention d’une reconnaissance, sociale ou académique est étroitement lié aux relations de pouvoir qui structurent l’espace académique (lequel n’est, au demeurant, pas considéré comme un espace neutre). Enfin, nous montrons que, si la promesse de reconnaissance rend la contestation des normes de reconnaissance difficile, elle n’empêche pas leur contournement, par exemple par l’adhésion à des récits alternatifs de la qualité de la recherche (« slow science »). Ces derniers peuvent en effet agir comme des canaux alternatifs de reconnaissance, producteurs de nouveaux récits et nouvelles grammaires de reconnaissance. Or ces mécanismes de conformisme, résistance ou contournement des normes de reconnaissance, autant en ce qui concerne la performance de terrain que l’espace académique, se déroulent souvent dans le domaine de l’inconscient et du non cognitif.


2020 ◽  

Devenu « univers », « ère », « révolution » ou même « culture », le numérique est un phénomène technologique, social et culturel qui affecte les activités les plus ordinaires de notre vie quotidienne. Il modifie notre rapport à la temporalité −immédiateté, simultanéité, accélération− et à l’espace où nous sommes passés successivement d’une culture sédentaire, celle de la chaise et d’ un ordinateur du web 1.0 ; à une culture nomade, celle des dispositifs mobiles du web 2.0. Il change sinon bouleverse nos relations interpersonnelles, nos modes de penser, d’imaginer et de créer, de travailler, d’accéder au savoir ainsi que nos façons de produire et de diffuser les connaissances et les expériences du monde. En français et en espagnol, les onze contributions d’enseignants-chercheurs et de professionnels réunies dans cet ouvrage mettent en lumière comment, au XXIe siècle, le numérique touche aussi bien la _praxis_ que _l’épistémè_ des sciences humaines. Analyse discursive de SMS, de messages sur_ WhatsApp_, de _Tweets_, de commentaires en ligne, de textes juridiques et statutaires, didactisation des outils numériques en langues maternelles, traduction et adaptation de spots publicitaires, pratique numérique dans le tourisme culturel, numérisation de collections à la Bibliothèque nationale de France ou au Château de Versailles, diffusion de séries sur des plateformes numériques sont autant d’exemples qui témoignent d’ une humanité technologique façonnée par le numérique… Un numérique ouvrant la voie à un éventuel _homo numericus_ doté d’une multitude d’écrans et de claviers lui obéissant au doigt et à l’œil.


2010 ◽  
Vol 65 (6) ◽  
pp. 1457-1470
Author(s):  
Cyril Lemieux
Keyword(s):  

Constatant que l’on a assisté en sciences sociales, ces trente dernières années, au « reflux des épistémologies naturalistes » et à la montée en puissance corrélative d’un « cadre épistémologique néo-wébérien », Jean-Louis Fabiani se demande, une fois refermé mon ouvrage, si entreprendre désormais de sortir de ce cadre n’implique pas un « coût spécifique » et s’il est raisonnable de le payer. Il est vrai que le Devoir et la grâce est un livre qui, sous les auspices d’Émile Durkheim, entend réhabiliter, en sciences sociales, une démarche classificatoire capable de prétendre à la validité universelle. Un tel projet renoue donc indéniablement avec une certaine forme de faillibilisme et pourra être reçu à cet égard comme une régression vers l’épistémologie naturaliste. Ce sera le cas, surtout, si le lecteur n’est pas convaincu par la manière dont, à travers ses formulations, l’ouvrage s’efforce d’anticiper les critiques les plus définitives qui furent adressées au naturalisme en sciences sociales. J.-L. Fabiani semble attentif à ces efforts et avoir pour eux de la sympathie, raison pour laquelle il décrit à mon sens fort bien la voie étroite que l’ouvrage cherche à frayer. Mais il n’en demeure pas moins inquiet face à ce qui lui paraît constituer le risque majeur de l’entreprise: celui de tourner trop vite le dos à la tradition wébérienne et de délaisser, en particulier, deux de ses composantes essentielles. D’une part, se demande-t-il, l’analyse grammaticale de l’action, telle que l’ouvrage la promeut, ne conduit-elle pas à méconnaître la centralité dans la vie sociale des rapports de domination et de la violence physique, que Max Weber, pour sa part, avait parfaitement identifiée? D’autre part, n’oblige-t-elle pas à faire le sacrifice de « l’historicisation générale des énoncés » qui s’avère, dit encore J.-L. Fabiani, « une des propriétés les plus fécondes des sciences sociales »? La réponse que je me propose d’apporter à cette double question rendra peut-être plus claires celles qu’ensuite je tenterai de formuler vis-à-vis des remarques et des objections que m’adressent de leur côté, avec tout autant de pertinence, Christian Jouhaud et Louis Quéré.


2008 ◽  
Vol 48 (2) ◽  
pp. 153-185 ◽  
Author(s):  
Yvan Lamonde

RÉSUMÉ « L'intellectuel » apparaît en France au moment de l'affaire Dreyfus et constitue une figure typique du milieu culturel français jusqu'à ses représentants les plus fameux, Jean-Paul Sartre et Albert Camus. Le substantif « intellectuel » est utilisé pour la première fois au Québec par Léon Gérin en 1901 et devient de plus en plus usuel dans l'Action française et à Parti pris en passant par André Laurendeau et la jeunesse de la Crise, chez les universitaires de l'Ecole des Sciences sociales de l'Université Laval et les collaborateurs de Cité libre et de Liberté. Le présent article tente de répondre à la question suivante : pourquoi l'intellectuel francophone ne fut-il pas possible au Québec avant 1900 ? Tout en comparant les sociétés française et québécoise, nous analysons le lexique qui désigne le phénomène et les conditions socioculturelles qui rendent possible l'intellectuel; nous proposons une mesure des professions culturelles d'où pouvait émerger cet intellectuel et nous scrutons les formes d'expression et de sociabilité du milieu culturel québécois du XIXe siècle. En ayant à l'esprit l'évolution de l'intellectuel québécois francophone au XXe siècle, nous proposons quelques explications à son émergence spécifique.


2004 ◽  
Vol 35 (1) ◽  
pp. 115-141 ◽  
Author(s):  
James Curtis ◽  
Douglas Baer ◽  
Edward Grabb ◽  
Thomas Perks
Keyword(s):  

Résumé Étant donné la rareté des données sur les tendances passées de l’engagement dans les associations volontaires au Québec et au Canada anglais, nous proposons une méthode d’estimation de ces tendances. C’est une méthode qui repose sur la comparaison de données fournies par des répondants au sujet de leurs expériences à une étape particulière de leur vie, c’est-à-dire pendant leurs années d’études. Nous disposons de données provenant de telles questions posées à un important échantillon d’adultes de tous les âges lors d’une enquête de la fin des années 1990. En les comparant aux expériences de jeunesse de différentes cohortes d’âge, nous sommes en mesure de « remonter » le temps pour obtenir des renseignements couvrant plusieurs décennies passées. Les résultats obtenus pour le Québec et pour le Canada anglais démentent la thèse voulant que l’engagement dans les associations volontaires soit en baisse en Amérique du Nord depuis les années 1960. Il n’y a qu’une seule exception, la participation à des groupes religieux.


2005 ◽  
Vol 15 (2) ◽  
pp. 113-114
Author(s):  
ANNE LE DRAOULEC ◽  
MARIE-PAULE PERY-WOODLEY ◽  
LAURE SARDA

Nous nous proposons, dans ce numéro, d'aborder l'organisation du discours (écrit et oral) sans nous restreindre à un système d'analyse spécifique. De ce fait, nous sommes amenées à circonscrire notre thématique en nous donnant des points d'entrée privilégiés: le choix du temps et de l'espace, en même temps qu'il répond à cette nécessité de borner le domaine d'étude, reflète la prégnance de ces deux paramètres dans la construction et l'interprétation du discours.


Sens public ◽  
2017 ◽  
Author(s):  
Caroline Guibet Lafaye

L'interprétation de la violence politique est placée, de façon récurrente, par les media comme par le discours politique institutionnel sous le paradigme du "basculement". Les sciences sociales y voient un engagement à "haut risque" (McAdam, 1986). Afin d'éprouver la validité de ces interprétations, nous avons mené une enquête par entretiens approfondis auprès de l'extrême gauche française. À partir de ces entretiens, nous proposons une détermination de l'engagement radical, nourrie de la parole des acteurs. Il s'avère alors présenter la double caractéristique d'être coextensif à la vie de l'individu et indissociable du fait d'être acteur de ses convictions politiques, en réponse à une injonction morale à l'action. Ces caractéristiques appellent une relecture critique de la thèse de l'entrée en radicalité comme "basculement", montrant que, concernant l'extrême gauche française au moins, il s'agit plutôt d'une prise de conscience, perçue par l’acteur comme irréversible, mais s'inscrivant cependant dans la continuité d'un parcours de vie. Une nouvelle détermination de l'engagement, décrit comme radical, émerge alors en référence à ces deux caractéristiques non psychologisantes mais de nature descriptive. Elle constitue une interprétation renouvelée de l'engagement radical, formulée par Doug McAdam (1986) et reprise jusqu’alors dans la littérature (Sommier, 2012), en termes de haut coût et de haut risque.


2017 ◽  
Vol 31 (3) ◽  
Author(s):  
Elizabeth Whitmore ◽  
Hind Al Hudib ◽  
J. Bradley Cousins ◽  
Lyn M. Shulha ◽  
Nathalie Gilbert

How do evaluators using collaborative approaches to evaluation (CAE) define success? This is the core question being asked in a further analysis of data from our previous work ( Cousins, Whitmore, & Shulha, 2013 ; Shulha et al., 2016) that developed a set of evidence-based principles to guide collaborative evaluation practice. Probing data from 320 responses to our (2012) survey, we examined what respondents considered “highly successful” and “less successful than hoped” in their collaborative evaluation projects. The results revealed that evaluation use, relationships, and information needs are key factors. We propose a conceptual framework as an aid to thinking about success in CAE.Comment les évaluateurs utilisant des approches collaboratives à l’évaluation définissent-ils le succès? Voici la question de base posée dans une analyse plus poussée de données tirées de travaux précédents (Cousins, Whitmore et Shulha, 2013; Shulha et al., 2016) qui ont permis d’élaborer un ensemble de principes scientifi quement fondés visant à orienter la pratique de l’évaluation collaborative. En examinant les données de 320 réponses à notre sondage (de 2012), nous nous sommes penchés sur ce que nos répondants ont jugé être des projets d’évaluation collaborative « très réussis » et « moins réussis qu’espéré ». Les résultats ont révélé que l’utilisation de l’évaluation, les relations et les besoins en information sont des facteurs clés. Nous proposons un cadre conceptuel pour penser le succès en matière d’approche collaborative en évaluation.


2020 ◽  
Vol 21 (1) ◽  
pp. 39-51 ◽  
Author(s):  
Baptiste Motte ◽  
Grégory Aiguier ◽  
Dominique Van Pee ◽  
Jean Philippe Cobbaut

Contexte :  Mal gérée ou mal tolérée, l’incertitude en médecine a des conséquences néfastes pour le patient et/ou le praticien. Dans la littérature, il n’existe pas de modèle explicatif global des différentes dimensions de l’incertitude à laquelle nous sommes confrontés dans le soin, sur lequel fonder une démarche pédagogique. But : L’objet de notre travail est d’élaborer un modèle pour penser l’incertitude en tant qu’objet d’apprentissage en médecine générale. Méthode : Nous effectuons une revue de la littérature des différentes définitions de l’incertitude dans la base de données PubMed, en présentons une synthèse chronologique et sélectionnons une taxonomie qui catégorise les multiples variétés de l’incertitude médicale. Nous confrontons ensuite cette taxonomie aux résultats d’une étude sociologique réalisée par Bloy qui décrit les différentes attitudes des médecins généralistes face à l’incertitude. À l’aide de cartes conceptuelles itératives, nous construisons un modèle explicatif de la gestion de l’incertitude médicale et en explorons les concepts clés. Résultats : Il ressort de notre analyse que la nature même de la médecine en tant que pratique soignante génère des incertitudes complexes. Gérer ces incertitudes requiert une meilleure compréhension du rapport des soignants aux savoirs et à leurs mises en œuvre dans la pratique. Former à la gestion de l’incertitude devrait favoriser l’exploration et l’enrichissement des épistémologies personnelles et pratiques. Conclusion : Nous discutons l’impact des concepts clés de notre modèle sur la pédagogie médicale et argumentons la pertinence de l’approche pragmatiste dans cette perspective. Nous proposons des pistes pour sa mise en œuvre.


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