Deciphering the Broken Narrative of Trauma
La dissociation est une défense d’évitement contre le risque de se trouver submergé par les émotions liées à des souvenirs traumatiques. Elle consiste en un brusque changement d’état qui facilite la division entre pensée, affect, comportement et mémoire narrative. En conséquence, de par sa nature même, la dissociation crée une histoire traumatique disjointe et intraduisible. Le Rorschach est une méthode très puissante pour faire apparaître la dissociation dans la mesure où il pousse les sujets à plonger dans le magasin interne de leurs souvenirs verbaux et de les associer aux stimuli visuo-kinesthésiques des taches d’encre. Les exigences du test vont donc à l’encontre de la dissociation, ce qui permet au testeur de saisir le travail des défenses plus clairement. Dans cet article nous commençons par décrire la compréhension théorique de la dissociation. La littérature de recherche avec le Rorschach nous permet de définir les marqueurs Exner de l’intrusion traumatique et de l’évitement émotionnel qui sont caractéristiques de la dissociation. L’intrusion traumatique est signalée par des scores du type de la combinaison fabulée (FABCOM), des réponses circonstanciées (DR) et les contenus agressifs-morbides, qui reflètent les flashback et les “troubles traumatiques de la pensée” qui y sont associés. On peut repérer les signes d’évitement émotionnel dans l’élévation des kinesthésies humaines, du Lambda et des réponses de dimensionnalité formelle, ainsi que dans une baisse du rapport affectif (Afr). L’analyse séquentielle révèle souvent une alternance entre des scores d’évitement et de submersion qui signale l’échec de la dissociation et l’émergence d’un trouble de stress posttraumatique. En incluant dans le processus diagnostic des informations sur les comportements hors-test du sujet et les réactions contre-transférentielles du testeur, on peut suivre le fil de la dissociation pendant le test et clarifier les tenants et aboutissants de la défense pour le sujet. Nous décrivons certains comportements dissociatifs hors-test typiques, comme le désaveu de réponses, des changements dans la distance physique aux planches, des réactions de peur, des mouvements appuyyés des yeux et un regard vide. Nous introduisons le concept de “relation dissociée” pour désigner un champ de relation contretransférentielle dans lequel les réactions du testeur reproduisent en miroir les réactions du sujet. Une prise de conscience de tels phénomènes de contretransfert, comme d’avoir envie de dormir, avoir l’impression de flotter, ou perdre le fil de la narration, peut alerter les testeurs sur la présence d’une dissociation pendant l’évaluation. Nous présentons des vignettes pour illustrer de quelle manière les éléments cliniques et les résultats de recherche peuvent aider au processus diagnostique. Nous donnons quelques indications pour l’entretien qui suit le test, qui peuvent amener le sujet à explorer plus avant ses réponses dissociées au test et fournir des éléments importants pour la poursuite de la thérapie.