«Ce n'est pas du tout "compressé", c'est plutôt libre...». Une perspective sociologique sur le pluralisme explicatif dans les groupes d'entendeurs de voix

2021 ◽  
pp. 78-88
Author(s):  
Baptiste Godrie

Dans le milieu médical, l'approche qui a longtemps prédominé à l'égard des voix est de les faire taire par la médication et de ne pas aborder le sens qu'elles ont pour les personnes de peur d'alimenter l'entente des voix et la détresse des personnes. Une des conséquences de cette situation est que les personnes disposent essentiellement des termes proposés par la psychiatrie - délires, hallucinations, symptômes, maladie, diagnostic - pour parler de leurs voix, ce qui peut avoir pour effet d'enfermer la parole des personnes dans le discours médi-cal. Dans les groupes d'entendeurs de voix, les personnes reprennent la parole dans un es-pace sécuritaire entre pairs et développent leurs propres explications à propos de leurs voix. L'article décrit les retombées positives de ce processus qui permet l'ouverture à un plura-lisme explicatif psychologique et parapsychologique des voix. Nous soulignons néanmoins la persistance des explications médicales des voix au sein de ces groupes en raison de leur so-cialisation de long terme au langage psychiatrique et de l'autorité des discours médicaux. Mots clés: groupes d'entendeurs de voix; pluralisme explicatif; récit; santé mentale; multisi-gnification; injustices épistémiques.

2013 ◽  
Vol 28 (S2) ◽  
pp. 88-88
Author(s):  
A. Hajri ◽  
W. Homri ◽  
S. Ben Alaya ◽  
S. Charradi ◽  
R. Labbane

Introduction.La sectorisation en psychiatrie réalise l’organisation administrative gérant la maladie mentale et les répartitions des structures de soins de santé mentale. Elle est née en France en 1960 sous l’action de psychiatres désaliénistes et elle a réalisé un effondrement de l’asile psychiatrique en faveur d’une structure de soins communautaire.Objectif.Évaluer l’apport et les limites de la sectorisation instaurée en Tunisie en 2000.Méthodologie.Revue de la littérature en utilisant les mots clés : « sectorisation », « psychiatrie ».Résultats.La sectorisation a réalisé une désinstitutionalisation progressive ; elle a favorisé la prise en charge dans des structures de soins régionales ce qui a permis d’éviter la chronicisation des patients en institution fermée. Ceci a contribué considérablement à la lutte contre la marginalisation du malade mental, lui offrant une meilleure qualité de vie et une meilleure insertion sociale. Par ailleurs, un tel système réalise une proximité de soins et par conséquent un bénéfice en matière de précocité du traitement. Il cible une meilleure continuité des soins ce qui réduit le nombre de nouvelles admissions. Toutefois, la sectorisation soulève encore quelques contestations. En effet, les secteurs géographiques se caractérisent par d’importantes disparités en matière de ressources matérielles et humaines. Par ailleurs, ce système réalise une contrainte par rapport à la possibilité par le patient de choisir librement son médecin traitant ou l’hôpital de référence (les limites géographiques sont parfois interprétées abusivement).Conclusion.La sectorisation a réalisé une révolution dans l’histoire de la psychiatrie en termes de lutte contre la stigmatisation du malade mental. Encore faut-il réviser certaines modalités afin que ce système s’adapte au mieux à la demande de soins.


2014 ◽  
Vol 29 (S3) ◽  
pp. 642-642
Author(s):  
M. De Boucaud

Aux concepts émergés dans les courants actuels depuis une vingtaine d’années manquent une texture particulière. Ils ont besoin d’une existence intérieure, d’un noyau existentiel, d’une intériorité. La cognition a besoin de s’ouvrir sur un espace de verdure et de frondaison.L’insight a besoin de prendre de la densité dans une temporalité durable et prolongée. Ce sont là deux exemples capables de nous montrer la nécessité de prendre en compte les dimensions existentielles au sein même des approches scientifiques riches de toutes leurs exigences. C’est ce qui fait la grandeur de l’œuvre de Henri Ey :– l’absorption de la psychiatrie ou son annexion par les disciplines limitrophes en plein essor représente-t-elle un réel danger pour notre communauté psychiatrique éclatée ?– d’autre part, l’évolution de la psychiatrie elle-même sera-t-elle dominée par la psychopathologie cognitive et par l’apport des neurosciences ? La psychiatrie sera-t-elle capable de maintenir et de promouvoir une diversité des orientations qui ont été la richesse de la deuxième moitié du XXe siècle ?L’évolution de la psychiatrie pourrait alors être caractérisée par une rupture nette entre la pratique clinique et la recherche.Les problèmes actuels de la conscience sont concernés par cette situation : conscience du trouble et insight, troubles de la conscience et pathologie de la personnalité, addictions et processus délirant, théorie de l’esprit et connaissance de soi et d’autrui, S’agirait-il d’une énième tentative hégémonique dans le domaine très convoité de la santé mentale, où la science permettrait effectivement d’accéder à un type de savoir supérieur ?L’association pour la fondation Henri Ey et le cercle de recherche et d’édition Henri Ey proposent de partager une réflexion sur ces questions.


2021 ◽  
pp. 89-103
Author(s):  
Denis Pouliot-Morneau

La participation des personnes concernées (par une situation, un traitement, une condition de santé) à la recherche, l'enseignement et l'élaboration des services se retrouve dans les der-nières années sur le devant de la scène. À partir d'une enquête sur un programme de réinser-tion au travail dans le domaine psychiatrique, se réclamant d'une approche de la "pleine ci-toyenneté", le contenu de cette dernière est problématisé. Les propos des participant×e×s à l'étude parlent surtout d'exclusion sociale et de désir d'appartenance communautaire. Les écrits officiels et de recherche se réfèrent de leurs côtés plutôt aux rapports aux institutions, respectivement à la participation civique et sociale. Cette opération discursive de traduction d'expériences dans un cadre d'analyse interroge la place faite au savoir expérientiel des per-sonnes concernées, dont la reconnaissance est un enjeu non seulement de démocratie sani-taire, mais de rapports entre différentes formes de connaissance. Mots-clés: savoir expérientiel; citoyenneté; réinsertion; psychiatrie; santé mentale


2015 ◽  
Vol 23 (2) ◽  
pp. 39-52
Author(s):  
Carole Levert

À partir des enjeux auxquels font face les psychanalystes inscrits dans le travail institutionnel et des formations obligatoires auxquelles on les soumet, nommément l’approche motivationnelle et l’approche du rétablissement en santé mentale, deux positions de l’auteure s’affrontent. Dans le respect à la fois de son éthique et de son autonomie professionnelles, quelle place le psychanalyste peut-il trouver pour lui-même et pour l’Autre qu’il écoute ? Confronté à des paradigmes qui ne sont pas les siens, où le sujet se voit réduit aux considérations marchandes des données probantes, il est appelé à tenter quelques petites subversions pour sortir de l’écheveau normatif et quantifiable, un brin de création et d’inattendu. Il est néanmoins violemment exposé aux discours vides, aux mots-clés, écartant l’essentiel de la souffrance humaine : son sens. Tout en brossant un tableau de l’état des lieux, l’auteure questionne et critique l’insensé contenu dans ces « bonnes pratiques » avec, en fil d’Ariane, les questions « qu’est la psychanalyse devenue ? » mais aussi que deviendra-t-elle ?


2006 ◽  
Vol 25 (1) ◽  
pp. 74-94
Author(s):  
Danielle Maltais ◽  
Suzie Robichaud ◽  
Anne Simard

Résumé Lors des inondations de juillet 1996, plusieurs familles ont tout perdu : maison, terrain et biens personnels. Cette situation perturbante a forcé plusieurs sinistrés à faire le deuil de leur ancienne demeure. La recension des écrits a permis de relever que des individus développent des sentiments profonds face à leur habitat et que la destruction de ce dernier peut provoquer un état de désorganisation chez certains individus tout comme l'apparition de sentiments négatifs mettant en péril leur état de santé psychologique. Dans le but d'identifier les conséquences des inondations de juillet 1996 sur la conception du chez-soi et la santé mentale des sinistrés, une étude exploratoire de type qualitatif (entrevues en profondeur) a été réalisée à l'hiver 1998 auprès de 69 sujets ayant perdu tous leurs biens lors des pluies diluviennes. Les données recueillies auprès des sinistrés confirment ce qui a été soulevé dans les écrits scientifiques : plusieurs individus ont été profondément marqués par le sinistre de juillet 1996 tant sur le plan de la conception du chez-soi que de la santé biopsychosociale. Deux ans après les inondations, la nostalgie et la déception pèsent lourd, car la presque totalité des individus ont été incapables de retrouver un nouveau chez-soi qui les habite.


Author(s):  
Marie-Pierre Leroux ◽  
Marie-Claude Gaudet ◽  
Nancy Beauregard

La présente étude vise à dresser un survol des principaux constats tirés des revues systématiques et des méta-analyses portant sur l’effet du leadership sur la santé mentale et le mieux-être au travail, et de proposer une analyse critique de leur application au contexte des travailleurs expatriés. Les bases de données Medline, EMBASE, EBM et Web of Knowledge ont été consultées avec des mots-clés spécifiques au leadership, à la santé mentale et au mieux-être. Les résultats montrent que malgré l’augmentation des études examinant les effets du leadership sur la santé mentale en contexte organisationnel, la problématique demeure sous-étudiée en gestion internationale des ressources humaines. À cet effet, des recommandations sont formulées afin que les superviseurs soient mieux outillés pour répondre aux situations dans un contexte où leurs subordonnés sont déployés à l’étranger.


2015 ◽  
Vol 30 (S2) ◽  
pp. S36-S36
Author(s):  
B. Basset

La place de la psychiatrie libérale dans le système de santé français est une sorte de non dit, de non exprimé et par là-même de quasiment non débattu. Au-delà des statistiques purement descriptives sur la densité de psychiatres, le nombre d’actes, les revenus et l’évolution de ces indicateurs, la place et le rôle de la psychiatrie libérale demeure toujours en quelque sorte en besoin de clarification, comme s’il n’existait que par défaut. On peut sans doute trouver l’origine de cette situation dans le fait que l’organisation de la santé mentale, depuis l’après-guerre, repose officiellement sur le secteur psychiatrique, qui a vocation à couvrir tous les besoins, de la prévention à l’accompagnement médicosocial en passant par les soins. Les différents rapports sur la psychiatrie ou les plans de santé mentale reposent sur cette logique organisationnelle. Mais aujourd’hui, au moment où le secteur psychiatrique s’interroge, il est d’autant plus nécessaire que la psychiatrie libérale s’affirme sur la base de son activité, de ses pratiques et des relations qu’elle veut établir avec les autres acteurs du système de santé (médecins généralistes, psychologues, psychiatres publiques).


2017 ◽  
Vol 40 (1) ◽  
pp. 43-62 ◽  
Author(s):  
Andréanne Lemaire ◽  
Mélissa Sokoloff ◽  
Sarah Fraser ◽  
Mélanie Vachon

Les taux élevés de suicide chez les jeunes Inuit sont souvent considérés comme symptomatiques des changements culturels survenus en quelques générations seulement. Aujourd’hui, les jeunes Inuit ont à transiger entre des cultures qui peuvent être vécues comme deux mondes opposés, avec des valeurs, des attentes et des contraintes parfois inconciliables. La littérature en santé mentale soulève le problème de l’accès aux soins, mais aussi le manque d’adéquation des services avec les besoins spécifiques des Inuit et de leur culture. Plusieurs auteurs suggèrent des modèles de guérison alternatifs prometteurs qui se distinguent des modèles conventionnels de soins « occidentaux ». On dit souvent « penser à l’extérieur de la boîte ». Mais qu’en est-il de penser autrement, « dans la boîte », en s’intéressant aux ressources déjà présentes ? Le Black Box, local d’Artcirq à Igloolik où s’entraînent des Inuit à l’art du cirque, nous amène à réfléchir sur l’intervention en santé mentale en contexte inuit. Cet article vise à élaborer une réflexion sur l’espace de « l’entre deux » où se trouvent les jeunes Inuit d’aujourd’hui, dans une culture en transformation. Cette situation pourrait nécessiter un ajustement créatif pour répondre à la fois aux contraintes d’une société contemporaine et à celles liées à un ancrage dans une identité inuit. Pour ce faire, nous explorerons le concept de la tradition ainsi que l’apport de l’art pour la négociation des identités culturelles à l’aide de l’exemple d’Artcirq. Le potentiel thérapeutique de cet espace artistique au niveau communautaire sera discuté à partir de nos observations d’un terrain ethnographique.


2014 ◽  
Vol 39 (2) ◽  
pp. 169-181 ◽  
Author(s):  
Israel Makopa Kenda ◽  
Mohamed Agoub ◽  
A.O.T. Ahami

La présente étude est une revue critique de la documentation scientifique sur les effets du bruit sur la santé mentale. Cette étude a été réalisée sur la base de la recherche de mots-clés, de l’impact factor des revues, du nombre de fois que l’article a été cité. Hinari a servi de base des données. L’analyse et la sélection des articles scientifiques nous ont permis de les regrouper en trois catégories d’études. Les études fondamentales ont dosé les taux des hormones de stress dans le plasma, les urines et la salive. Les études expérimentales ont exposé les sujets humains à la pollution sonore pour évaluer les déficits de leurs mémoire, attention et performance. Les études épidémiologiques ont évalué les déficits cognitifs chez les élèves étudiant dans des milieux bruyants et l’état de santé mentale des individus habitant aux alentours des aéroports, voies ferrées et des autoroutes. Les études fondamentales et expérimentales ont abouti à un consensus scientifique sur les effets négatifs du bruit tandis que les résultats des études épidémiologiques ne permettent pas de tirer des conclusions solides, des études ultérieures s’avèrent donc nécessaires.


2007 ◽  
Vol 27 (1) ◽  
pp. 177-193 ◽  
Author(s):  
Alain Beaulieu ◽  
Paul Morin ◽  
Hélène Provencher ◽  
Henri Dorvil

Résumé Les politiques de désinstitutionnalisation des soins psychiatriques entraînent le retour massif d'ex-patients psychiatriques au sein de la vie en société. Conformément à l'approche des déterminants sociaux de la santé et du bien-être, nous soutenons que les actions menées hors du cadre hospitalier sont les plus favorables au bien-être des personnes utilisatrices des services de santé mentale. En tête de liste des déterminants sociaux de la santé, il faut placer le travail qui constitue l'un des principaux vecteurs d'intégration sociale. Et pourtant, seulement 15 % des ex-patients psychiatriques parviennent à intégrer le marché régulier du travail. Les recherches qui expliquent cette réalité sont peu nombreuses. Notre équipe du GRASP (Groupe de recherche sur les aspects sociaux de la santé et de la prévention)/Centre FCAR souhaite remédier à cette situation en analysant les rapports de la santé mentale et du travail à l'aide des notions relatives au capital social, à la territorialité, l'empowerment, l'intersectorialité et au rétablissement (recovery).


Sign in / Sign up

Export Citation Format

Share Document