Histoire et Sciences sociales: La longue durée

1958 ◽  
Vol 13 (4) ◽  
pp. 725-753 ◽  
Author(s):  
Fernand Braudel

Il y a crise générale des sciences de l'homme : elles sont toutes accablées sous leurs propres progrès, ne serait-ce qu'en raison de l'accumulation des connaissances nouvelles et de la nécessité d'un travail collectif, dont l'organisation intelligente reste à mettre sur pied ; directement ou indirectement, toutes sont touchées, qu'elles le veuillent ou non, par les progrès des plus agiles d'entre elles, mais restent cependant aux prises avec un humanisme rétrograde, insidieux, qui ne peut plus leur servir de cadre. Toutes, avec plus ou moins de lucidité, se préoccupent de leur place dans l'ensemble monstrueux des recherches anciennes et nouvelles, dont se devine aujourd'hui la convergence nécessaire.

1990 ◽  
Vol 45 (2) ◽  
pp. 507-522 ◽  
Author(s):  
Olivier Dumoulin

Pour tout un chacun, le jeudi 24 octobre 1929 demeure le « jeudi noir » ; le jour où les prévisions de l'économiste de Harvard, l'un des papes de l'économie d'alors, le grand Irving Fisher, furent ridiculisées, balayées, lorsque, d'un « haut plateau » permanent où les voyaient stabilisés les valeurs mobilières et bientôt les prix, s'engagèrent dans une spirale infernale à la baisse. Coïncidence remarquable, ce même jeudi, à 500 mètres de Wall Street, au 61 de Broadway, les responsables de la division des sciences sociales de la Fondation Rockefeller décidaient de soumettre à leur conseil d'administration un projet de financement d'une enquête internationale sur l'histoire des prix. Au moment où le monde entrait dans la crise, économistes et historiens se proposaient donc de saisir, dans la longue durée, l'un des symptômes les plus évidents de la catastrophe : les fluctuations des prix.


1981 ◽  
Vol 36 (3) ◽  
pp. 426-435 ◽  
Author(s):  
Maurice Aymard

Il y a dix ans, le grand livre de W. Kula (1970) venait secouer la torpeur des historiens. On ne sera pas surpris que ce soit en France qu'il ait rencontré le moins d'échos (est-ce un hasard si les Annales et la Revue historique ont oublié d'en rendre compte ?) : la problématique de la croissance, ou plutôt de sa mesure quantitative, y dominait trop fortement pour ne pas détourner d'une interrogation nécessaire sur les modèles économiques et sociaux, et sur leur fonctionnement dans la longue durée. Le cadre géographique envisagé accentuait encore l'effet de distanciation : la Pologne exportatrice de grains du second servage apparaissait bien éloignée et de la France de Louis XIV et de celle de Saint- Louis. Le modèle « périphérique » appelait la comparaison non avec le « centre », mais avec d'autres régions de la « périphérie ».


Author(s):  
Martine Bungener

L’hospitalisation à domicile des malades souffrant du sida avéré révèle les capacités extrêmes des soins profanes (par opposition aux soins professionnels) que peuvent produire les malades et leurs proches. Ils tentent ainsi de repousser les limites économiques et médicales de ce mode de prise en charge afin de réduire leur recours à l’hospitalisation traditionnelle. Alors que la prise en charge profane, familiale et extra-familiale de la maladie préexistait il y a encore un demi-siècle à l’offre de services collectifs financés par l’assurance-maladie, elle est aujourd’hui réhabilitée. La structure hospitalière dans sa forme actuelle n’est en effet plus adaptée aux prises en charge de longue durée.


2017 ◽  
Vol 4 (2) ◽  
pp. 423-446 ◽  
Author(s):  
Antoine Lourdeau
Keyword(s):  
Il Y A ◽  

Le technocomplexe Itaparica comprend la plupart des productions lithiques de la transition Pléistocène-Holocène et de l’Holocène ancien dans le centre du Brésil. Il se caractérise par des industries basées sur une complémentarité entre des pièces façonnées unifacialement et des éclats retouchés. Les pièces façonnées unifacialement sont historiquement les vestiges les plus emblématiques de ce technocomplexe. Elles correspondent à un support pouvant contenir plusieurs outils. De nombreux indices démontrent que ces pièces avaient une longue durée de vie utile et passaient par différents états techniques successifs. A partir de la riche collection de l’abri GO-JA-01 (État de Goiás, Brésil), nous présentons ici une étude des chaînes opératoires de réamenagement des pièces façonnées unifacialement du technocomplexe Itaparica. Par les différents indices de raffûtage et de réaménagement, il est possible de définir deux schémas opératoires d’exploitation de ces outils au cours du temps, jusqu’à leur dénaturation. En revanche, bien que les réaménagements successifs aient un impact sur la forme et le volume des supports, ils ne peuvent pas expliquer toute la variabilité de ces artefacts. La structure des supports semble se maintenir au cours de la vie technique de ceux-ci. Il y a donc une diversité des intentions dès le début de la production des pièces façonnées unifacialement du technocomplexe Itaparica.


1959 ◽  
Vol 14 (4) ◽  
pp. 710-718 ◽  
Author(s):  
Walt W. Rostow

L'invitation de Fehnand Bracdel à discuter les questions de temps et de méthode, en Histoire et dans les Sciences sociales, mérite une large réponse, et ceci en dépit de la stérilité de tant de débats déjà soutenus sur ce thème, en dépit de la grande réserve, de la délicatesse, qu'on doit apporter dans une telle discussion. Chacun de nous cherche à faire avancer la science sur un front limité, en saisissant et ordonnant tant bien que mal une petite part de vérité. Nos efforts individuels, si restreints, si gênés soient-ils par les limites de nos connaissances et de nos moyens, méritent le respect ; mais les leçons que chacun de nous tire de ses expériences personnelles, ne peuvent et ne doivent toucher les autres que d'une façon marginale.


Réseaux ◽  
1987 ◽  
Vol 5 (27) ◽  
pp. 7-37 ◽  
Author(s):  
Fernand Braudel ◽  

Author(s):  
Whitney Berta ◽  
Audrey Laporte ◽  
Natasha Kachan

RÉSUMÉDans cette étude de cas multiples, nous avons retenu les administrateurs des maisons de soins de longue durée (SLD) dans les entretiens semi-structurés afin d’accroître notre compréhension de l’influence exercée par les facteurs organizationnels et extra-organisationnels sur deux aspects clés de la performance organizationnelle : l’efficacité operationnelle et la qualité des soins. Nous avons aussi examiné l’influence de ces facteurs sur la relation entre l’efficacité et la qualité. Grace à un examen de la littérature de soins de santé et de l’organisation de gestion, quatre grands facteurs ont été identifiés a priori comme influents pour un ou deux résultats de rendement et ont été utilisés pour guider notre collecte de données : les caractér-istiques du personnel, les caractéristiques de l’établissement, les influences extra-organisationnelles, et les fonction de bénévoles.Nos résultats suggèrent que, alors que tous les deux, haut rendement et haut qualité des soins, sont réalisables, il y a des aspects de la fonctionnement d’une maison et les réalités associés au secteur des soins de longue durée en Ontario qui peut faire atteindre tous les deux à la fois, simultanément, excessivement difficile.


2020 ◽  
Vol 4 ◽  
pp. 63-74
Author(s):  
Gérard Donnadieu

La recherche de similitudes ou de corrélations entre l’évolution des êtres vivants et celle des sociétés humaines n’est pas chose nouvelle. Les philosophes s’y sont longtemps essayés avant que les scientifiques ne prennent le relai. En tirant partie des nouvelles découvertes survenues dans ce dernier demi-siècle tant dans les sciences de la vie que dans les sciences sociales, est-il possible de reprendre aujourd’hui cette réflexion à nouveaux frais ? Telle est l’ambition de la présente communication qui s’efforce d’éclairer l’une par l’autre ces nouvelles découvertes faites sur le vivant et le pensant en les fédérant au moyen d’un concept emprunté à l’approche systémique: l’homomorphisme. A mi-chemin de la métaphore et de la modélisation à prétention exhaustive, l’homomorphisme est une analogie partielle et imparfaite entre deux systèmes concrets, analogie néanmoins éclairante et féconde.Cet homomorphisme sera mené à undouble niveau : celui des moteurs de l’évolution du vivant d’une part, en reprenant des travaux récents qui cherchent à dépasser le néo-darwinisme; des moteurs del’histoire humaine d’autre part, à partir des analysesdu grand historien britannique Arnold Toynbee. celui de la description phénoménologique de l’évolution sur la longue durée, aussi bien celle des systèmes vivants que des cultures humaines et civilisations. Peut-on discerner dans cette "évolution longue" des lois tendancielles et y découvrirune orientation (au double sens de direction et de signification) comme le pensait Teilhard de Chardin ? Par ces confrontations, l’auteur de la présente communication espère montrer que l’évolution du vivant peut aider à comprendre l’histoire du pensant,et réciproquement que l’histoire des cultures humaines et des civilisations peut aider à comprendre la plasticité et l’inventivité du vivant.


Author(s):  
Vincent Vandenberghe

A l'instar de la population dans son ensemble, la force de travail belge vieillit. Cette tendance devrait se renforcer du fait des politiques visant à augmenter le taux d'emploi au-delà de 50 ans. Mais les entreprises localisées en Belgique sont-elles disposées à employer plus de travailleurs âgés ? En l'état, probablement que non. La structure par âge du personnel des entreprises situées en Belgique se révèle être un déterminant important de leurs profits. L'étude que nous avons menée sur des données individuelles d'entreprises révèle qu'une augmentation de 10 points de pourcentage de la part des travailleurs de 50-64 ans dans les entreprises se traduit par une baisse de 1,27 % des profits mesurés par le ratio productivité-coût salarial. La raison est que la baisse de productivité parmi les travailleurs âgés n'est pas compensée par une baisse correspondante du coût du travail. Il s'agit là d'un obstacle au relèvement du taux d'emploi des aînés, qui appelle des mesures visant à combattre le déclin de la productivité avec l'âge et/ou à mieux aligner le coût salarial sur la productivité. Une offre de travail accrue des personnes plus âgées appelle logiquement une demande à la hausse des employeurs pour recruter des seniors. Les stratégies actuelles, privilégiant l'accroissement de l'offre de travail âgé (suppression des préretraites, accroissement de la durée de cotisation etc.), induisent le risque qu'une partie importante des seniors confrontés à des barrières à l'emploi et n'ayant plus droit à une (pré)retraite, viennent gonfler les rangs des chômeurs ou invalides de longue durée. Progresser intelligemment sur la question de l'allongement des carrières requiert de rassembler les conditions microéconomiques nécessaires à la restauration d'un vrai marché du travail pour les plus de 50 ans. Pour ce groupe en particulier, il s'agit de stimuler l'offre mais aussi la demande de travail, sans oublier les dispositifs assurant une bonne intermédiation entre les deux. Concrètement, cela implique la mise en place d'un véritable «Pacte de l'Age» comprenant au moins cinq ingrédients : Un : développer la formation continue sur la tranche 40-50 ans, de manière à contrer le risque de baisse de productivité et de déqualification lié à l'âge et ainsi préserver l'employabilité. La formation continue est aujourd'hui en bonne partie l'apanage des moins de 40 ans.Deux : assurer une meilleure ergonomie au travail. Des améliorations réfléchies de l'environnement de travail peuvent faire la différence. Récemment, BMW a fait l'expérience d'assigner à l'une de ses chaînes d'assemblage exclusivement du personnel de plus de 50 ans, à l'image de la situation attendue à partir de 2030 compte tenu du vieillissement. Au début, «la chaîne de montage des retraités» a été moins productive. Mais BMW est parvenu à compenser le handicap, graduellement, via l'introduction de pas moins de 70 changements dans l'ergonomie des postes de travail (nouvelles chaises, chaussures à semelles compensées, loupes, tables réglables, etc.).Trois : éviter une trop forte (et trop mécanique) progression des salaires en fonction de l'ancienneté, laquelle contribue à découpler salaire et productivité au-delà d'un certain âge, ce qui incite les entreprises à interrompre les carrières avant l'âge légal de la retraite, particulièrement lors de récessions ou restructurations importantes.Quatre : à condition que les partenaires sociaux s'engagent sur les points un, deux et trois, baisser de façon sélective mais significative le coût-employeur du travail âgé sans diminution du salaire poche, par une réduction accrue des cotisations sociales.Cinq : développer une véritable intermédiation entre l'offre et la demande de travail âgé. Un régime de dispense de recherche d'emploi signifie, de facto, l'absence d'intervention des services publics de l'emploi en faveur de beaucoup de chômeurs âgés. Or la reprise d'emploi passé 50 ans est plus difficile et nécessite un effort particulier de la part de ces services. Il y a donc lieu de les muscler.


1934 ◽  
Vol 5 (2) ◽  
pp. 197-208
Author(s):  
Amé Wibail

Avant de passer en revue la situation de l’industrie sidérurgique belge au cours de l’année 1933, il nous paraît intéressant de revoir certains aspects de son évolution générale depuis la guerre et de rattacher en même temps cette période aux quelque dix années qui l’ont précédée. Un graphique qui résume cette évolution servira de base à notre aperçu; il est divisé en quatre parties, l’une relative à la production, l’autre à la consommation de matières premières et enfin, les deux dernières, à la productivité. Dans la première partie les productions belge et luxembourgeoise de fonte et d’acier sont comparées à la production mondiale; les lignes de pourcentage sont dessinées en dessous.Au point de vue du mouvement général de la production, nous remarquons qu’il a fallu attendre les années 1923–1924 avant d’atteindre les niveaux d’avant-guerre. Il y a eu, immédiatement après la guerre, une période de reconstitution, ce qui fait que si l’on envisage la période 1920–1933 seule, le rythme de l’évolution semble avoir été rapide et même exagéré; mais comparée à celle d’avant-guerre et compte tenu des années de réorganisation, l’évolution est au contraire relativement lente. On se rappellera en effet que depuis 1886–1890, le rythme général moyen de la production de fonte est passé pour la Belgique de 2,10 % à 4,60 % par an après 1905, et pour le monde de 3,5 % à 6 % vers 1900, pour redescendre à 3,7 % avant la guerre; pendant la période de dépression de longue durée qui précédait, il s’était maintenu d’une part à environ 2,10 %, d’autre part vers 3,75 %. De 1923 à 1928 le rythme réel d’accroissement de la production mondiale de fonte a été de 5 % par an; or ce sont précisément des années d’essor cyclique, la progression moyenne est donc certainement beaucoup plus faible, mais il n’est pas possible de l’apprécier exactement, la période envisagée étant trop courte pour calculer une ligne de tendance ou une ligne de vitesse moyenne. Il en résulterait cependant que nous sommes actuellement en période de « stagnation » ou de dépression de longue durée. Si on considère d’autre part la production d’acier brut, l’évolution semble plus rapide : la production de 1928 représente 186,6 % de celle de 1911 tandis que 1932 nous ramène au niveau de 1906; pour la fonte 1928 est égal à 141,5 % de 1911 et 1932 à 1901, mais cela s’explique. Un calcul analogue à celui fait ci-dessus nous indique que pendant les cinq années d’essor 1923–1928, le progrès moyen réel fut de 7,2 %; mais pendant l’essor de 1909 à 1913 il avait été de 9 %. D’autre part il faut aussi tenir compte du fait que l’acier continue à se substituer de plus en plus au fer dans ses diverses applications; sa production doit donc se développer plus rapidement que celle de la fonte.


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