La thèse développée dans cet article est que la pratique dominant les études universitaires, celle de « l’analyse de la poésie », est vouée à l’inefficacité par le fait même qu’on ne lit pas la poésie comme un roman ou un essai, et qu’elle nécessite des procédures différentes d’appropriation. L’activité d’enseignement en est une, satisfaisante pour nous mais impossible à transmettre telle quelle. Pour faire pratiquer la poésie aux étudiants, on propose donc deux pistes : la fabrication d’anthologies (constitution de corpus, sélection et agencement du recueil, mise en page et confection du livre) et la déclamation orale, éventuellement « scénographiée », pratique mieux adaptée aux poèmes longs. La poésie doit aussi faire partie d’un enseignement de la littérature. Sur ce plan on suggère, sans renoncer à la stylistique et à la rhétorique des figures, de mettre l’accent sur la transmission et la transformation de la topique ; de travailler sur les variantes, en s’inspirant des récentes éditions « pluriversionnelles » ; de s’intéresser à la carrière des poètes et à l’activité des revues. Quant à la recherche universitaire, un bilan de la production récente des thèses de doctorat en France montre qu’elle est enfermée dans le cercle de la littérarité. Il est urgent de l’ouvrir à une histoire qui serait à la fois celle de la poésie, en tant que répertoire de thèmes et de formes, et celle des poètes envisagés comme hommes de lettres.